En RDC, les jeunes de SLM Libende Boyz veulent redonner de l’espoir à Beni
Avec leur slogan « From Beni to the World », les artistes de SLM Libende Boyz sont déterminés à changer le narratif de la ville congolaise de Beni connue pour être le théâtre d’atrocités et de massacres commis par des groupes armés actifs depuis plusieurs décennies dans la province du Nord-Kivu, à l’Est du pays.
Repéré par la superstar de l’afrobeat Mr Eazi via son projet EmPawa Africa, SLM, dont la musique est un mélange de rap, de rumba et d'afropop, a récemment signé un nouveau projet musical baptisé Motivé. Rencontre avec Negro Man, un des membres de la formation musicale qui nous explique pourquoi ils sont autant motivés à redonner de l’espoir à leur ville d’origine.
Vous êtes depuis quelque temps installés à Kampala, en Ouganda, alors que vos fans à Beni vous réclament toujours, pourquoi avoir cette ville ?
Notre slogan est « From Beni to the World ». Notre musique n’est pas seulement pour Beni et le Congo, nous visons l’Afrique et le monde entier. Nous avons délocalisé notre base de Beni pour Kampala, il y maintenant trois ans ; la situation sur place ne nous permettait pas de travailler comme il fallait.
On pouvait bien rester à Beni, mais notre musique n’allait pas vraiment avoir de l’ampleur, car la ville est renfermée sur elle-même, à cause de nombreux problèmes d’insécurité. Nous avons donc décidé de nous s'installer à Kampala, la ville donne une certaine ouverture sur la région (Afrique de l’Est) et dans le monde. Nous avons d’ailleurs tourné notre clip « Escobar » ici à Kampala. Nous faisons des allers-retours réguliers en RDC, par exemple lorsque nous avons des concerts à livrer.
Libende Boyz, traduit du lingala veut dire « hommes de fer ». Pourquoi avoir opté pour ce nom ?
Parce que nous devons faire preuve de courage. Nous avons dû nous surpasser en dépit des années difficiles que nous avions connues. À nos débuts, il n’y avait personne pour nous aider, nous avons commencé à travailler seuls : composer, enregistrer, produire et distribuer notre musique. Arriver à faire tout cela sans soutien relève de la détermination et du courage. D’où le nom de Libende Boyz, qui se traduit par « forts et courageux ».
Comment est né votre groupe, racontez-nous vos débuts en musique ?
Nous étions déjà amoureux de la musique. Avant de poursuivre une carrière professionnelle, nous faisions de la musique pour nous amuser et faire plaisir à nos proches. À un moment, nous nous sommes dit, pourquoi ne pas prendre notre passion au sérieux et monter un groupe qui pourra représenter le Congo à travers le monde, bien que nous soyons originaires d’une petite ville connue pour ses atrocités.
C’est à partir de 2014 que nous avons vraiment décidé de démarrer une carrière artistique professionnelle. Nous avons publié une première mixtape de 21 titres intitulée No Limit qui a été distribuée sur les plateformes numériques locales. L’œuvre a été bien accueillie et ce qui nous a encouragé davantage à poursuivre notre carrière.
Vous formez une équipe de cinq musiciens, en vous regardant, on peut voir une certaine complicité. Quel est votre secret alors que de nombreuses formations musicales n’arrivent pas à tenir si longtemps ?
C’est l’amour qui nous rassemble. Nous nous connaissions déjà avant d’entamer une carrière artistique. Nous sommes allés dans les mêmes écoles et nos familles se connaissent également. Nous sommes devenues une famille. C’est grâce à notre amitié et notre passé commun que le groupe SLM Libende Boyz est né.
Alors que la plupart d’artistes congolais choisissent Kinshasa pour lancer leur carrière, vous avez préféré Beni à la capitale congolaise. Que représente cette ville pour vous ?
Beni représente beaucoup pour nous. La plupart d’entre nous y sommes nés et sont originaires de cette ville. C’est aussi à Beni qu’est née notre musique. Pourquoi beaucoup pensent que, quand il faut faire de la musique, il faut impérativement s’installer à Kinshasa alors qu’on peut lancer sa carrière dans n’importe quelle ville du pays ou ailleurs.
Lancer une carrière musicale depuis Beni et espérer conquérir le pays est peu habituel au Congo, car l’écosystème musical semble concentré à Kinshasa. N’est-ce pas un pari difficile ?
Non. C’était facile pour nous vu qu’il y a Internet et les réseaux sociaux qui nous ont permis de nous faire connaître. La seule inquiétude que nous avions, c’était l’insécurité à Beni.
Justement, la ville est connue pour être le théâtre de violences où les groupes armés s’affrontent et règnent en maître. Pensez-vous que la culture en particulier la musique peut redonner vie à cette ville ?
Oui, nous croyons que la musique peut changer l’image de Beni. Certes, nous faisons de la musique, mais nous avons aussi des projets pour notre ville qui nous espérons pourront redonner de l’espoir et contribuer à mettre fin aux atrocités. Nous avons à cœur d’y ouvrir un centre culturel qui non seulement réunira les amoureux de l’art, mais permettra aussi de conscientiser la jeunesse à être fort, à ne jamais baisser les bras.C’est ainsi que nous comptons redonner de l’espoir à notre ville.
Beaucoup d’artistes originaires de la région Est de la RDC parlent de la paix, SLM fait plutôt danser. Un choix délibéré ?
Nous avions au début de notre carrière composé et interprété des chansons qui parlaient de l’insécurité et des appels à la paix. Mais cela ne nous empêche pas de faire de la musique pour égayer les gens. Malgré les atrocités, il y a des activités festives comme les anniversaires et les mariages au quotidien. Je ne pense que pas que dans une fête, on doit jouer uniquement de la musique qui parle de la paix alors que les gens sont là pour danser et s’amuser.
Dans « Escobar », votre clip sorti récemment, vous vous inspirez des rythmes latino et de Pablo Escobar. Pourquoi être allé puiser de l'inspiration chez le célèbre chef de cartel colombien ?
Nous nous sommes inspiré de Pablo Escobar pour encourager la débrouillardise et tous ceux qui se battent au quotidien, qu'ils soient étudiants, entrepreneurs, femmes de ménages, fonctionnaires de l'État et mettre en avant leur courage, peu importe ceux qu’ils font comme métier.
Vous avez été remarqué par Mr Eazi qui vous a embarqué dans son initiative Empawa Africa. Racontez-nous cette expérience et ce qu’elle a apporté dans votre carrière ?
Nous avons découvert le programme Empawa sur les réseaux sociaux. Pour participer, il fallait donc soumettre une vidéo d’une prestation a capela ou avec un instrument, c’est ce que nous avons fait. Notre prestation a retenu l’attention de l’équipe Empawa et nous sommes le seul groupe congolais à faire partie de cette aventure parmi les 100 autres artistes sélectionnés. Mr Eazi a financé le clip comme prévu dans le contrat.
Empawa a boosté notre carrière sur l’ensemble du continent surtout en Afrique de l’Est. Non seulement, nous avons été remarqués par Mr Eazi lui-même, mais aussi de grands noms comme le chanteur ougandais Eddy Kenzo.
En 2019, vous signez un single baptisé « Tchatcho » inspiré des compositions de Koffi Olomidé. Un clin d’œil fait au roi de la rumba congolaise ?
Ce titre est un hommage rendu à ce grand artiste de la rumba congolaise. Nous avons repris quelques rythmes de ses chansons pour agrémenter notre morceau. Koffi Olomidé est une légende, nous voulions juste l’honorer. À part Koffi, nous prévoyons aussi des collaborations avec d’autres artistes congolais et d’ailleurs.
Votre nouvel EP Motivé, c’est un aussi une initiative philanthropique dans laquelle vous vous êtes engagés à apporter un soutien aux enfants de militaires tombés sur les champs de bataille. Concrètement, quelques sont les actions que vous comptez mener pour matérialiser ce projet ?
Je tiens d’abord à rappeler les circonstances de naissance de l’EP Motivé, qui a vu le jour pendant le confinement, alors que nous étions en Ouganda. Confinés, on ne pouvait pas sortir et c’était une aubaine pour pouvoir travailler encore davantage, d’où le nom donné à notre projet musical. C’était aussi pour encourager les gens à rester positifs et motivés malgré cette période difficile.
Après, il y a aussi le volet humanitaire du projet. Nous avons signé un partenariat avec Balma Corp (une organisation spécialisée dans la communication et l’événementiel) pour matérialiser ce projet. 40 % des recettes réalisées par la vente de cette œuvre seront reversées à cette cause. C’est une initiative bien planifiée qui sera réalisée avec le concours de notre partenaire.
Le 25 mai dernier, vous a été l’un des groupes africains à donner un concert dans le cadre de l’initiative WAN. Que ce que ça fait de chanter aux côtés d’autant de célébrités du continent ?
WAN était une belle expérience, nous avons été exposés à une très grande audience. Ces grands noms de la musique ont pu également nous découvrir et ça nous a aussi rapporté de l’audience notamment sur nos réseaux sociaux, c’est ça qui est intéressant.
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