« Femme-poème » de Amee, l’élégie introspective d’une slameuse éprise de poésie

9 avr 2021 - 10:41

Après un premier single baptisé « Au commencement », c’est avec « Femme-poème », que la slameuse ivoirienne Amee signe le premier clip officiel de sa carrière. On y découvre une femme de traditions qui déploie sa pluralité créative à travers plusieurs perspectives artistiques : la danse, le slam et le chant. Ainsi, c’est du bout de son âme que Amee se dévoile en exprimant tout ce qui l’a mené et guide sa quête de transcendance esthétique à travers la poésie.

Amee, c’est avant tout une voix de sentiments, un raconté de sens, un élan inventif aux multiples facettes et une volonté d’engagement permanent. C’est d’ailleurs cette implication de soi, qui donne à son travail une pertinence aussi bien suggestive qu’évocatrice. De fait, ce qui captive chez Amee, c’est sa capacité à déployer ses convictions dans ce qu'elle émet par son dire. C'est aussi cette fluidité pour faire percevoir et parvenir sa détermination afin de se devenir ou d’instruire au changement positif. C'est pourquoi, pour savourer la substance des œuvres de la slameuse Amee, il convient de prendre conscience de sa volonté assumée d’écrire dans une simplicité qui touche par le naturel de la rime, et la vitalité de la réalité des choses qu’elle déclame ou entonne.

Par son travail, Amee prouve aisément qu’elle est une artiste d’interpellation qui sait transcrire rage, colère et frustrations avec une subtilité mûrie et poignante. Qu’elle soit indignée au sujet de la situation des femmes dans la société, ou à propos des situations inacceptables qui gangrènent le bien-être collectif ; elle conserve sa posture de questionnement qui crée le tic du bon sens. Mais comment y parvenir sans se connaître, sans aller à sa propre rencontre, sans s’investir au plus profond de son être pour se cerner et investir ses propres fondements intrinsèques ?

De fait, dans « Femme-poème », Amee occupe les genres, comme pour nous faire comprendre qu’il y a poésie en tout ce qui nous définit profondément. Ce titre comme sa vidéo est donc une ode pleine de transversalités pour dire la beauté dans son élégante diversité. Mais aussi pour la dire à travers la grandeur de l’intériorisation. C’est sans doute pour cela que la slameuse Amee (Amina Bamba de son vrai nom, NDLR) s’accapare des mots pour se retracer intimement, pour réinvestir son parcours, se définir sans censure ni césure avec le langage qui lui ouvre les portes des images subversives afin d’effectuer une sincère plongée de liberté dans son imaginaire.

Ainsi, « Femme-poème » devient un lieu d’autopsie permettant de consolider son rapport à elle-même et à sa créativité qui se réinvente en toute curiosité. Mais au-delà, c’est une chanson à caractère psychologique, pour peu qu’elle invite et incite à une acceptation décomplexée de soi-même, en insinuant notamment ses liens d’accord avec ses personnalités intimes, changeantes, en mouvement, et imprévisibles. C’est dire que la « femme-poème », ce n’est pas seulement l’artiste, mais aussi l’humaine : celle qui se découvre ; celle qui découvre, comprend, admet sans gêne ni besoin de contenter quiconque d’autre que son bien-être personnel ; sa multiplicité, sa complexité, sa diversité, sa variabilité.

Du sujet partant de soi vers soi, Amee nous apporte donc un message à responsabilité collective, à caractère inclusif et rassembleur. Message sans doute destiné à toutes les femmes, à toutes celles qui seront prêtes à s’initier à l’autoapprobation d’être qui elles sont. C’est-à-dire à assumer d'être des femmes intimement connectées à leur tout sur le plan anthropologique, biologique, économique, social, culturel et même cultuel.

Autrement dit, face au tumulte de la globalité sociétale, la slameuse ivoirienne et francophone Amee propose aux femmes, l’expérience de s’immerger dans leur conte individuel, dans la réalité de leur vérité intérieure, profonde, confidentielle, personnelle, privée, secrète, originelle.

À une époque où, la démarche d’affranchissement des femmes est une préoccupation qui s’impose à juste titre, Amee semble apporter sa contribution en traçant un itinéraire pour ses partenaires de lutte : celui des retrouvailles avec soi-même. D’ailleurs, comment transformer le monde alentour sans se rebâtir avant tout ? Comment s’affirmer sans se connaître et se métamorphoser en toute conscience d’être ?

C’est donc cela que suggèrent également les paroles de « Femme-poème » de Amee, dites comme dans un élan de suture… avec des références d’invocation qui évoquent le passé, le présent et de manière prémonitoire, un futur d’affranchissement et d’épanouissement.

De sorte que la slameuse Amee, en possédant ses mots, les fait valser, avant de se laisser posséder à son tour, et émouvoir par la transe transcriptrice de leur langage sur son être. Comme si, s’épanouir impliquerait d’écouter sa part d’exultation libératrice.

Quoi qu'il en soit, les images du clip, tournées dans un décor édénique en rajoutent à cet idéal. Entre natures, quête promeneuse, verdure rayonnante, vêture blanche, maquillage tribal, look de souveraine, regard de submersion, livre feuilleté dans une attitude immersive, posture et acte de prêtresse.

En définitive, « Femme-poème » de Amee est une exhortation au recentrement, à l’auto-observation, à l’analyse de ses états d’esprit, de projection de conscience de soi sur soi-même pour s’envisager dans sa plénitude (humaine comme artistique).