Femmes et musique à Djibouti
À Djibouti, la femme est au cœur de l’expression musicale du pays, une culture au croisement des civilisations afar, somali et arabe et qui brasse divers genres musicaux.
Musiques traditionnelles et chants patriotiques
La femme djiboutienne, essentiellement chanteuse, est très présente dans les musiques traditionnelles et les danses, comme la danse malabo exécutée uniquement par les femmes lors des cérémonies de mariage, les danses nacna exécutées aussi bien par les hommes que les femmes et les danses siliko accompagnées de chants romantiques exécutées par les jeunes filles et les jeunes garçons.
Elle se distingue également dans les chants patriotiques à base de poèmes épiques évoquant l’histoire du pays et ses résistances aux envahisseurs comme le Gabay où excelle Fatouma Ahmed considérée comme une interprète majeure de ce genre musical et une légende dans son pays natal. Dans le registre patriotique s’impose également une autre figure tutélaire, Nima Djama. Née en 1949 à Ali Saieh, vivant à Ottawa, cette compositrice et chanteuse somali débute dans les années 1960, chante en 1967 contre l’administration française qui n’organise pas selon elle un juste référendum pour l’indépendance du pays mais elle explose réellement en 1976 avec un chant patriotique, « Gabdhayahow », à la gloire de la Nation. Fait rare à Djibouti, elle a signé de nombreux albums entre 1976 et 1999 et s’est lancé en politique s’attirant, en 2015, lors de son retour au pays, les foudres du pouvoir en place.
Des jeunes artistes comme Kaltuun Bacado ont repris le flambeau de ce genre musical. Cette chanteuse d’une quarantaine d’années qui réside au Royaume-Uni se produit régulièrement dans les fêtes de la communauté djiboutienne de Londres, de Belgique et de France, interprétant essentiellement des chants patriotiques. Elle chante également lors de ses retours au pays à la Radio Télévision Djiboutienne et s’offre des duos avec des artistes majeurs comme le compositeur et chanteur Xamateye.
La musique djiboutienne traditionnelle se caractérise également par des joutes verbales et chantées, un genre majoritairement interprété par les hommes, mais dans lequel des femmes comme Yanna Mafaxa ont réussi à se faire un nom. Cette chanteuse engagée qui est également une des rares instrumentistes de Djibouti (elle joue de la guitare et des percussions.) est présente sur la scène Djiboutienne depuis une vingtaine d’années. Elle vit aujourd’hui en Ethiopie, a participé au festival d’Asmara et à la tournée régionale Arho Tour organisée en 1974 par le producteur et agent artistique Dilleyta Tourab.
Les femmes sont également présentes dans les chants de louanges comme le Faras Saare, le Gaali Saare, le Malabo et le Gobley, mais aussi les chants prophétiques du devin ou Adals. Cet héritage traditionnel est maintenu par plusieurs groupes folkloriques comme le Groupe Culturel national « 4 Mars » et la troupe foklorique Qoran qui comptent de nombreuses chanteuses et danseuses.
Balwo et Qarami : les femmes au cœur de la chanson populaire Djiboutienne
Mais un genre où la femme Djiboutienne s’impose réellement est la chanson populaire qui est l’expression majeure du pays et le ferment de son unité nationale. Depuis une quarantaine d’années, toutes les grandes voix de la scène Djiboutienne se sont rendues populaires dans deux genres majeurs : le balwo, créé par le compositeur Abdi Sinimo, genre sentimental somali construit sur des dialogues entre le chant de l’homme ou gouxx qui exprime son amour à une femme dans un style grave et sensuel à la femme qui lui répond par un chant aigu et sentimental et le qarami, style musical fusionnant musique indienne, yéménite et somali lancé dans les années 1940 par le musicien somalien Cabdillahi Qarshe. Ce style très populaire dans les années 1970 a été lancé internationalement au début des années 1990 par Sarah Halgan, une artiste du Somaliland longtemps exilée en France et qui a ouvert depuis quelques années un centre culturel dans son pays natal.
Influencés par des musiques venues de l’extérieur comme le reggae, le funk, le zouk et plus récemment le rap et le R&B, la chanson Djiboutienne a évolué et certaines de ses interprètes se sont distinguées par leur audace. C’est le cas de quelques figures majeures des années 1970/1980 comme Roda Maash, une chanteuse somali née en 1963 qui a participé à plusieurs groupes phares du pays comme Dinkara, Lato et Gacan Macaan, un groupe funky des années 1970/1980, et a tourné dans toute l’Afrique de l’est. Cette artiste n’a pas hésité à chanter en plusieurs langues (arabe littéraire yéménite, français, anglais, somali) et à s’ouvrir à divers styles comme le reggae et plus récemment le rap. Chanteuse afar vivant en Ethiopie, Tayiba Mohamed Said dit Aissata s’est imposée dans les années 1980 et a chanté au sein de plusieurs groupes comme Egla Mao, groupe culturel afar à base de oud, de violon et de flûtes formé en 1963 par le prolifique compositeur Mohamed Ali Talha.
Cette formation a également accueilli une grande voix de la chanson afar, Bilila. Cette chanteuse, décédée en 1990, s’est distinguée par ses duos avec Abdelaziz, le James Brown djiboutien, et sa participation au groupe Badhon, une formation funky des années 1970. Née en 1968, Fatouma Mansour est une des rares artistes djiboutiennes à avoir embrassé une carrière internationale. Fondatrice du groupe Dinkara avec le compositeur Moyalé, célèbre pour ses collaborations avec des compositeurs et musiciens majeurs comme Haroun Daoud et Youssouf Abdillahi. Fatouma Mansour s’est fait connaître internationalement dans les années 1980 lorsqu’elle remporte le prix Fémina organisé par le magazine Amina, avec la chanson « Iyyi yoh Qaada ? » , « Qui entendra ma complainte ? ».
Elle tournera dès lors internationalement et s’illustrera notamment par une tournée dans l’Océan Indien au cours de laquelle elle obtiendra un prix décernée à l’île Maurice. Dans cette génération, une dernière artiste mérité d’être citée, Deka Ahmed. Chanteuse et femme du célèbre compositeur et chanteur Aïdarous qui a opéré une fusion entre musique afar, jazz et world music, cette artiste basée en Europe est très sollicitée pour les mariages et les baptêmes dans les communautés Djiboutiennes de France, des Pays-Bas, du Canada et du Royaume-Uni.
Une nouvelle génération ouverte aux musiques d’ailleurs
Depuis les années 2000, une nouvelle génération s’impose sur la scène nationale dont quelques figures majeures comme Fafy Haroun, Deka Issa Souhour, Adayro Ougoure et Louli Habib, apportant à Djibouti les nouvelles couleurs de la scène internationale comme le R&B, le reggae et le zouk. C’et le cas de Louli Habib, chanteuse afar et sœur du chanteur et compositeur Mohamed Habib alias Père Robert, un des fondateurs du groupe Dinkara. Au sein de cette formation qui intègre des couleurs zouk et reggae dans la chanson afar, elle s’est produite en Belgique, en France et en Ethiopie.
Surnommée Fafy Haroun, Fatouma Haroun de son vrai nom, a participé à la troupe Djib Arho Acoustique qui a tourné en 2019 en Tunisie pour donner à entendre la diversité culturelle du pays et compte des grandes figures de la scène nationale comme Abayazid Ali, leader de Nomad Blues, Mohamed Ali Houmed et Mouhsein Ali Ahmed dit Nahari. Ancienne chanteuse de Dinkara, elle s’est également produite en duo avec les chanteurs populaires Youssouf et Houmed Sengor. Aydara Ougoure qui a chanté avec Habab Moussa et Houmed Sengor, propose un style mêlant musique somali et afar, reggae et sonorités Djiboutiennes.
Repérée en 2014 par le concours jeunes talents de la RTD (Radio Télévision Djiboutienne), Deka Issa Souhour qui s’est produite au sein du groupe Dacan Macan, injecte des couleurs rock dans la chanson populaire nationale.
Reste dans cette galerie de portraits une artiste à part et pourtant internationalement reconnue, Shay Lia, de son vrai nom Shanice Dileita Mohamed. Cette artiste de R&B et de soul, basée à Montréal, sorte de Beyonce Djiboutienne canadienne, a décroché en 2019 pour son premier EP, Dangerous, le Polaris Music Prize 2019, prix musical canadien prestigieux créé en 2006 par des critiques au meilleur album canadien et qui comprend une récompense de 20 000 dollars canadiens, une somme conséquente qui devrait lui permettre de développer une carrière déjà bien lancée.
Ressources :
[1] https://www.facebook.com/RPP.OFFICIEL/videos/rubrique-culture-hommage-%C...
[2] https://www.afrisson.com/habib-mohamed-6082/
[3] https://www.afrisson.com/aidarous-6086/
[4] https://www.jeuneafrique.com/165342/societe/jeunes-talents-l-mission-de-...
Avertissement/Clause de non-responsabilité
Les aperçus de Music In Africa fournissent des informations générales sur les scènes de musique dans les pays africains. Music In Africa comprend que l'information contenue dans certains de ces textes pourrait devenir dépassée avec le temps. Si vous souhaitez fournir des informations plus récentes ou des corrections à l'un de nos textes, veuillez nous contacter sur info@musicinafrica.net.
Édité par Walter Badibanga.
Commentaires
s'identifier or register to post comments