La musique et les médias au Zimbabwe
Par Kudzai Chimhangwa
La relation entre l'industrie de la musique et les médias au Zimbabwe peut se décrire comme un jeu du chat et de la souris. En effet, les artistes, au travers de leurs chansons, doivent se conformer à certaines règles dans les médias contrôlés par l'État. Toutefois, beaucoup de choses ont changé au fil des années, ne fut-ce qu'en termes de la capacité du public de choisir leur musique grâce à l'avènement des nouvelles technologies.
La presse écrite
Le Zimbabwe possède des journaux qui sont parmi les plus anciens en Afrique. Le principal quotidien produit par le gouvernement s'appelle le Herald, et a remplacé le Mashonaland Times et le Zambesian Times, qui étaient en circulation depuis la fin des années 1890. Le Herald[i], basé dans la capitale, a également un site Internet actif qui fournit quotidiennement les actualités du monde du showbiz. Le Sunday Mail[ii] est une autre publication du gouvernement. Ce journal est populaire en raison de ses sections détachables qui couvrent des domaines divers allant de l'actualité et l'économie au divertissement. Le Sunday Mail est basé à Harare; son équivalent, le Sunday News[iii], est basé à Bulawayo. Le gouvernement publie à partir de Bulawayo un autre journal, le Chronicle[iv], qui cible principalement la population du sud du pays. Tous les journaux appartenant à l'État font partie du groupe Zimpapers qui est coté à la bourse locale.
Le pays dispose d'un réseau dynamique de médias indépendants fournissant une voix alternative pour les musiciens que la presse gouvernementale refuse de promouvoir. En 2008, lorsque la tension politique était à son plus haut point, il était mal vu de lire un journal indépendant et c'est encore le cas dans certaines parties reculées du pays. Par exemple, le Daily News[v], qui était un critique féroce du gouvernement, a été interdit de parution en 2003. La publication du journal a repris en mai 2010. Le Daily News appartient à l'entreprise privée Associated Newspapers of Zimbabwe. Alpha Media Holdings est une société privée appartenant à Trevor Ncube, dont le large éventail de journaux indépendants a été bien accueilli par le public. Le groupe publie le Zimbabwe Independent[vi], un hebdomadaire qui se concentre sur le monde des affaires et qui est publié tous les vendredis; le Standard[vii], un hebdomadaire publié tous les dimanches, ainsi que les quotidiens NewsDay[viii], lancé en juin 2010, et Southern Eye[ix].
Un autre journal privé, le Zimbabwe Mail[x], a été lancé le 9 décembre 2013 et appartient à Obert Mpofu, le ministre des Transports et du Développement des infrastructures, par le biais de ses sociétés d'investissement. Le journal The Zimbabwean[xi], sans doute le journal indépendant le plus diffusé dans le pays, est disponible sous format tabloïd et est également publié en ligne. Il est géré par un groupe de journalistes zimbabwéens vivant aux quatre coins du monde et qui se sont réunis pour lancer le premier journal pour les Zimbabwéens en exil.
Radio
Depuis l'indépendance du Zimbabwe en 1980, le parti au pouvoir, la ZANU-PF, s'est vigoureusement opposé à la libéralisation des ondes, mais utilise la société de radiodiffusion de l'État ZBC[xii] (Zimbabwe Broadcasting Corporation) pour renforcer le pouvoir du parti au travers de la propagande. Parmi les stations de radio de la ZBC, il y a Spot FM, Radio Zimbabwe, Power FM et National FM. Ces quatre stations peuvent être captées à partir des frontières du pays et sur diverses fréquences, sauf dans les régions isolées. Ces stations ne jouent que de la musique pro-gouvernementale, de la musique locale apolitique et quelquefois de la musique étrangère.
La radio est l'un des meilleurs exemples de la façon dont la politique du gouvernement a affecté les industries des médias et de la musique. Les musiciens qui se plient à l'idéologie officielle du gouvernement reçoivent un traitement préférentiel par rapport à ceux qui ne le font pas. En 2002, par exemple, le ministre de l'Information, Jonathan Moyo, et plusieurs musiciens, parmi lesquels les anciens combattants Dick Chingaira (alias Cde Chinx) et Marko Sibanda, accompagnés par le groupe Police Band ont enregistré un album soutenant la réforme agraire controversée du gouvernement. L'album s'intitule Hondo Yeminda - 3ème Chimurenga. Mais, dans le même temps, le gouvernement a réussi à éliminer des ondes, grâce à la censure, la musique qu'il juge «politiquement incorrecte». Par exemple, les chansons de Thomas Mapfumo, Leonard Zhakata et Chirikure Chirikure, entre autres, ont été interdites. En 2001, Mapfumo s'est exilé aux États-Unis, craignant pour la sécurité de sa famille après l'interdiction des chansons de son album Chimurenga Explosion qui critiquaient l'extravagance des responsables du parti et leur mauvaise gouvernance. En 2003, les chansons de l'album Hodho de Zhakata n'ont pas été jouées sur les ondes officielles, mais étaient circulées clandestinement.
En 2001, le gouvernement a annoncé l'adoption d'une loi obligeant les DJs de radio à réserver 75% de la programmation à la musique locale. Par la suite, un autre décret a exigé que 100% du contenu soit local - pour que les jeunes ne subissent pas un "lavage de cerveau" en écoutant la propagande et la musique occidentales. En 2013, dans son discours d'adieu à ZiFM, Mandiwanzira a confirmé que toutes les radios devaient désormais respecter l'exigence de 75% de contenu local et ZiFM montrerait l'exemple. Cette demande soudaine de musique locale a permis l'apparition d'un nouveau genre appelé Urban Grooves. Les musiciens suivants sont généralement considérés comme les pionniers de ce nouveau genre: Roy et Royce, les jumeaux originaires de Gweru, Sanii Makhalima, David Chifunyise, Leonard Mapfumo, Roki, Betty Makaya, Extra Large et Maskiri.
En 2012, deux stations de radio privées, StarFM et ZiFM, ont été créées. StarFM[xiii] fait partie de Zimpapers, le groupe de médias gouvernementaux, et offre des points de vue politiques divers et plusieurs heures de divertissement. ZiFM Stereo[xiv] a été créée par Supa Mandiwanzira, député Zanu-PF et vice-ministre des Médias, de l'Information et des Services de radiodiffusion, qui a publiquement démissionné de la station en octobre 2013. La station a commencé à émettre le 15 août 2012. StarFM et ZimFM font directement concurrence à Power FM, la station de radio commerciale de la ZBC. Zimpapers a récemment annoncé son intention d'ouvrir dans les 10 prochains mois une station locale de radio commerciale à Mutare (à l'Est du Zimbabwe). La demande de licence pour cette radio, qui s'appellera Diamond FM, doit être approuvée par l'Autorité zimbabwéenne de radiodiffusion BAZ[xv] (Broadcasting Authority of Zimbabwe).
Les stations de radio en ligne sont de plus en plus populaires. AfroZim Radio[xvi] est une nouvelle station en ligne indépendante, qui a du succès auprès du public urbain qui apprécie une grande diversité de genres musicaux. La station est gérée en grande partie par les Zimbabwéens de la diaspora. Radio Kunakirwa[xvii] (anciennement appelé XBC Jumpoff) se compose d'une équipe de personnes dévouées qui veulent promouvoir la musique zimbabwéenne locale à travers des podcasts et un blogue. Zim Net Radio[xviii] est une station en ligne qui joue de la musique zimbabwéenne traditionnelle et contemporaine, mais la radio n'est pas accessible au grand public.
Les stations de radio communautaires sont aussi populaires au Zimbabwe. L'Association zimbabwéenne des stations de radio communautaires ZACRAS[xix] (Zimbabwe Association of Community Radio Stations) est l'organe de coordination des radios communautaires dans le pays. Fondée en 2003, ZACRAS a les objectifs suivants: 1) aider les collectivités à établir des stations de radio communautaires à travers le Zimbabwe, 2) offrir des formations technique et théorique, 3) réglementer le fonctionnement des radios afin qu'elles soient conformes aux normes des radios communautaires. Un autre organisme important dans l'industrie est l'Autorité de régulation des postes et des télécommunications du Zimbabwe POTRAZ[xx] (Postal and Telecommunications Regulatory Authority of Zimbabwe), qui a été créé pour octroyer les licences et réglementer l'attribution et l'utilisation des orbites satellitaires et des fréquences radio au Zimbabwe.
Télévision
La télévision demeure l'un des moyens les plus populaires pour les artistes de se faire connaître du grand public. L'émission Weekend Request passe tous les vendredis sur la télévision d'État, ZBC TV, et permet aux téléspectateurs de demander les clips de leurs artistes préférés. En plus de la ZBC, les téléspectateurs qui ont accès à DStv[xxi] peuvent regarder une multitude de chaînes de musique, notamment Channel O (chaîne 320), Trace (325), One Gospel (331), MTV Base (322) et VH1 (323), qui diffusent une grande diversité de genres musicaux du continent africain et d'ailleurs. Par exemple, Channel O est une chaîne particulièrement appréciée ciblant principalement les jeunes et qui diffuse les artistes et clips africains. MTV Base diffuse principalement de la musique urbaine, et particulièrement la R&B, le hip-hop, le kwaito et le dancehall.
Nouveaux médias
Les nouvelles technologies ont révolutionné l'attrait et l'accessibilité de la musique pour les jeunes du Zimbabwe en leur permettant de partager la musique en ligne. En plus des stations de radio en ligne mentionnés ci-dessus, les opérateurs de téléphonie mobile Telecel, Econet NetOne sont en train de créer de nouveaux produits pour attirer plus de clients, ce qui permet à plus de jeunes de partager la musique Urban Grooves grâce aux plates-formes de messagerie. Le site Ezomgido Online[xxii] est spécialisé dans la musique et les films zimbabwéens. Ce projet, géré par Songear Ltd UK, a été créé pour les studios d'enregistrement et les artistes zimbabwéens. Le but du site est de rendre la musique et les films zimbabwéens disponibles dans le monde entier en un clic. Vangodzatunes[xxiii] est un détaillant (distributeur) en ligne qui est aussi populaire.
Les blogs de musique sont de plus en plus en populaire et ciblent un public plus spécifique. Par exemple, le site Young Zimbabwe[xxiv] a une section blogue qui présente les nouvelles musiques aux jeunes zimbabwéens. On peut également citer les blogues de Greedysouth[xxv],Three Men On A Boat[xxvi], et Zimbablog[xxvii]. Certains blogs sont basés en dehors du pays, comme par exemple Zvembira[xxviii] qui se focalise sur le sujet de la Mbira.
Les nouvelles technologies permettent donc aux auditeurs zimbabwéens d'avoir des choix en plus des médias traditionnellement contrôlés par l'État. Ainsi, les auditeurs ont une plus grande liberté de choix et les musiciens ont plus de moyens à leur disposition pour atteindre leurs fans.
[i] www.herald.co.zw [ii] www.sundaymail.co.zw [iii] www.sundaynews.co.zw [iv] www.chronicle.co.zw [v] www.dailynews.co.zw [vi] www.zimind.co.zw [vii] www.thestandard.co.zw [viii] www.newsday.co.zw [ix] www.southerneye.co.zw [x] www.thezimmail.co.zw [xi] www.thezimbabwean.co/ [xii] www.zbc.co.zw [xiii] www.starfm.co.zw/ [xiv] www.zifmstereo.co.zw/. [xv] www.baz.co.zw/ [xvi] www.afrozimradio.com/ [xvii] www.radioknk.com/ [xviii] www.zimnetradio.com [xix] www.zacraszim.org [xx] www.potraz.gov.zw [xxi] www.dstv.com/ [xxii] ezomgido.com/ [xxiii] www.vangodzatunes.com [xxiv] youngzimbabwe.com/music-blog [xxv] www.greedysouth.co.zw/ [xxvi] www.3-mob.com [xxvii] www.zimbablog.com/ [xxviii] zvembira.com
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