La musique live au Sénégal
Dakar, la capitale sénégalaise domine l’industrie musicale du Sénégal. La ville est le principal foyer de la musique live au pays de la Teranga, puisqu'elle centralise tous les grands studios, maisons de production et salles de spectacle.
Cette centralisation des grandes infrastructures culturelles à Dakar pousse de nombreux artistes à s’y installer pour avoir un accès aisé aux studios d’enregistrement, se créer des chances de rencontrer de grands producteurs, se produire en live, avoir une meilleure visibilité au niveau médiatique, produire des oeuvres de qualité, valoriser au mieux leurs talents et en vivre décemment.
Les lieux d’organisation de spectacles y sont nombreux. On pourrait citer le Théâtre National Daniel Sorano, le Grand Théâtre National de Dakar, la Place du Souvenir Africain, le centre culturel Blaise Senghor, la Maison de la culture Douta Seck et bien d'autres sites encore. Précisons néanmoins que seules les deux premières structures listées sont très bien équipées.
Ces infrastructures sont parfois jugées insuffisantes pour une population dakaroise, qui représente près de 25% de la population sénégalaise. Mais le programme d'appui au réseau ouest-africain des pépinières d'entreprises du secteur musical (ARPEM) rassure : « chaque terrain vague, chaque site en plein air peut facilement accueillir une scène dans de bonnes conditions ».(1)
Ces terrains ont accueilli beaucoup de podiums de rap. Hélas dans les régions, il n’existe pratiquement pas d’infrastructures culturelles. D'autres lieux très prisés pour l'organisation de spectacles sont les boîtes de nuit et les restaurants. À Dakar, il est habituel de voir les artistes se produire dans une ambiance « after work ». (2)
Des lieux comme le Just 4 U, Yeugoulene, Thiossane, Ravin, Madison ou encore le Nirvana, accueillent bien souvent des performances live d'artistes. D'ailleurs, les sources de perception de la Sénégalaise des Droits d’auteur et des Droits Voisins (SODAV) outre les redevances, sont non seulement les spectacles occasionnels (soirées dansantes, concerts, festivals) mais aussi les abonnements avec les bars, hôtels et restaurants qui diffusent de la musique dans leurs établissements ou invitent des orchestres à y prester.
Il importe de rappeler que des stades comme Demba Diop ou Marius Ndiaye, accueillent également des méga concerts. Entre les années 80 et le milieu des années 90, des artistes sénégalais et étrangers y ont donné de grands concerts live, face à un public toujours très large.
En outre pour l’appui logistique, le service Spectacle, Son et Lumière (SSL) a été institué depuis le début des années 90. Elle a pour mission principale d’apporter son soutien aux organisateurs de concerts et autres manifestations musicales, puisqu'étant une structure d’appui technique et de fourniture de matériel d'animation.
Même si la demande est supérieure à l’offre, le SSL joue bien son rôle avec les moyens dont il dispose. Le matériel du Festival Mondial des Arts Nègres (FESMAN) est lui aussi utilisé pour l'animation de spectacles divers.
La musique sur scène : concerts, anniversaires et festivals
Au Sénégal, les grandes occasions pour avoir de la bonne musique live sont : les concerts, les anniversaires, ainsi que les festivals modernes et traditionnels.
Aujourd’hui, force est de constater la raréfaction ou la quasi inexistence des méga-concerts, tel que l'on en organisait dans le passé. Amadou Bator Dieng tente d'expliquer : « Entre les lourdes taxes, les cachets des artistes et les différentes charges liées à l’organisation, qui incombent aux promoteurs de spectacles, il devenu quasi impossible de réaliser des bénéfices sur un concert »(3)
Il est difficile pour les promoteurs de spectacles de se faire du profit dans ces conditions difficiles, d’où la nécessité de faire appel à des sponsors.
Face à cela, les artistes ou musiciens de Dakar et ceux des autres régions, trouvent une autre circonstance pour s'exprimer, les anniversaires ! Ils occupent une place très importante dans les agendas des musiciens sénégalais. Il s'agit essentiellement des anniversaires du groupe musical ou du lead vocal.
En effet, il s’agit d'événements de musique sur scène, très souvent parrainés par des hommes ou femmes d’affaires, sinon par des politiques dotés de grandes capacités financières. Organisés dans des lieux de spectacle de dernière génération comme le grand théâtre, avec des entrées variant entre 10 000 et 40 000 Fcfa par personne, les anniversaires d'artistes attirent de nombreux mélomanes.
Les parrains ou marraines n’hésitent pas à offrir de grosses enveloppes ou des cadeaux de natures diverses, aux musiciens qui passent sur scène. Les anniversaires sont non seulement des moments de retrouvailles entre les musiciens et leurs fans, mais aussi pour de belles opérations commerciales, qui permettent aux artistes de gagner beaucoup d’argent.
Ces fêtes ressemblent à une nouvelle forme de « griotisme »(4), car les artistes se voient obligés de chanter les louanges de leurs parrains à la façon des griots, pour réussir à se faire du gain en conséquence.
Les festivals constituent également une belle occasion pour la musique live. Il en existe 2 types à Dakar : les festivals traditionnels et les festivals modernes.(5)
Les festivals traditionnels sont souvent initiés par les différentes ethnies de la place, à l'occasion des journées culturelles qui ont souvent lieu sur des espaces publics.
Ces festivals sont généralement ouverts au public et ils ne sont pas très lucratifs. Ils sont cependant de véritables moments d’échanges et de brassages culturels, avec des acteurs qui proposent des moments plaisants d’expressions artistiques et culturels, pour la seule satisfaction d’être vus et entendus par le public. La plupart des artistes qui interviennent à ces occasions ne sont pas des professionnels.
Mactar Ndiaye médiateur et consultant culturel à Dakar, explique que contrairement aux festivals traditionnels, les festivals modernes nécessitent de grands investissements financiers. Un bon espace ou encore un excellent plan de communication, autant de raisons qui expliquent que les entrées soient toujours payantes, d’où l’existence des contrats et des cachets pour la rémunération des acteurs majeurs.
Enjeux économiques de la musique sur scène
En ce qui concerne les enjeux économiques du spectacle vivant au Sénégal, il faut noter qu'en dehors des cachets donnés aux artistes, de nombreux prestataires parviennent à tirer leurs épingles du jeu. Nous pouvons citer entre autres les agences de voyages, les hôtels, les restaurants, qui reçoivent les festivaliers pour de grandes rencontres tels Africa Fête(6) ou le FESMAN.
À cela s’ajoutent naturellement les compagnies de transport en commun qui mènent le public sur les sites de spectacles et même les petits commerçants de la place voient aussi leurs chiffres grimper. Les photographes, infographes et informaticiens, les imprimeurs sont également sollicités à l'occasion de ces festivals, pour la réalisation de flyers publicitaires, pour des posters géants à l'effigie des artistes et pour des tee-shirts revendus aux fans. Les loueurs de toilettes mobiles comme Sénégal bâche profitent aussi des festivals, autant que les cantines de restauration rapide les plus proches des lieux de spectacle.
Le Festival International de Jazz de Saint-Louis est un des plus grands au Sénégal. Comme beaucoup d'autres spectacles de musique en live, il contribue au développement économique de la ville, en créant des emplois temporaires pour les prestataires techniques, les maîtres de cérémonies, les loueurs de matériels de scène, les journalistes, les agents de sécurité et les bénévoles tout au long de son déroulement.
Références
(1) Recensement de l’ARPEM, p.5.
(2) Alassane Seck Gueye « Production musicale au Sénégal : À part « jololi », le désert »
(3) Amadou Bator Dieng, « L’environnement musical au Sénégal »
(4) II s’agit de vanter la qualité d’une personne qu’on croit aisé ou riche en lui rendant hommage, dans la finalité d’être
rémunéré.
(5) Mactar Ndiaye médiateur et consultant culturel à Dakar, en entretien
(6) Daba Sarr, président Africa Fête, section Dakar en entretien le 20 juillet 2016
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