La musique populaire mauritanienne
En Mauritanie, les tendances musicales varient considérablement selon que l'on soit au nord ou au sud du pays. Découvrez les styles musicaux les plus populaires sur cet immense territoire.
Par Aissata Bal
La musique mauritanienne est marquée par une pluralité de rythmes et de sonorités. Le pays est un trait d’union entre l’Afrique subsaharienne et le monde arabe ; ses différentes composantes ethniques, notamment les maures, les peuls ou encore les soninkés, ont des influences musicales différentes.
Dans ce contexte pour le moins cosmopolite [1], les différents genres musicaux traditionnels se sont modernisés au contact des musiques urbaines, donnant lieu à un style d'un genre nouveau, qui tente tant bien que mal, de satisfaire les différentes communautés, avec ses accents tradi-modernes.
Pour faire une cartographie des musiques en Mauritanie, au nord, notamment à Zouerate, un berger préférerait écouter des chants de Dimi mint Abba ou Tahara mint Hembara, tandis qu'à Nouakchott, la capitale, un jeune étudiant se passionnerait pour les créations d'Hamzo Bryn, de Taleb Latimore ou encore d'Adviser. Au sud du pays, le pékan, musique peule de la caste des pécheurs, ou encore le yéla, accompagnent les fêtes nocturnes.
Les œuvres de l'artiste sénégalais Baaba Maal sont fortement appréciées en Mauritanie, où est établie une grande communauté peule (ethnie du musicien). D’ailleurs le « roi du yéla » est une source d'inspiration pour beaucoup de chanteurs appartenant à cette ethnie.
La musique des maures, l'azawan, est une vraie curiosité. Elle est jouée par les griots (iggawen) et propose des mélodies originales empruntées aux populations noires. Elle est influencée à la fois par la musique berbère et celle du colon arabe [2].
Dans l'azawan, on distingue deux gammes principales : la lbeyad avec sa coloration arabe et la lek-khal avec ses accents négro-africains. Parmi les grandes figures de ce style, Sidaty Ould Abba, Mounina mint Eléya et Sedoum Ould Njartou.
Un orchestre jouant de l'azawan allie guitare électrique, clavier et batterie aux instruments traditionnels. Les femmes jouent de l’ardin, une harpe composée d’une dizaine de cordes et d’une calebasse pour la résonance, tandis que les hommes tiennent la tidinit, un luth traditionnel à quatre cordes bien connu dans le Sahara.
La dynastie Ould Meidah, famille de griots iggawen, a grandement participé à la modernisation de l'azawan en variant les textes et les sons. Reposant sur de la poésie, les chants sont le plus souvent des louanges au Prophète, sinon des hommages à la patrie et à la vie.
Dimi mint Abba, fille du parolier Sidati ould Abba, a elle aussi contribué à la modernisation de la musique maure et à son expansion dans le monde. Avec Maalouma mint Meidah, elles sont considérées comme les divas de la musique mauritanienne.
Maalouma, élevée par son père Mokhtar ould Meidah qui lui a appris qu’un artiste doit avoir de la présence et être capable de s’exprimer avec ses propres mots, ne se limitera pas aux chants traditionnels, et aux louanges religieuses. Ses textes sont complexes et abordent des sujets différents.
Elle lie sa musique au blues, le style aux origines américaines et fait des tournées dans les quatre coins du monde. Noura mint Seymali a elle aussi adopté ce métissage musical à travers son album Tzenni, qui oscille de l'azawan au rock, en passant par le blues [3].
Les maures noirs, appelés harratines, pratiquent une musique traditionnelle appelée medhs, qui est essentiellement religieuse. Les chansons sont accompagnée par une calebasse et par des battements de mains ; les femmes s'y emploient à pousser des cris aigus. Un autre instrument important de ce genre est le neifara, une flûte jouée dans les contrés du Sahara.
Quant à la musique afro-mauritanienne, on peut la classifier selon les groupes sociaux et les communautés. La musique des pulaars ou peuls a une forte vocation morale et religieuse. Elle chante les saints et les figures historiques.
Le pékan [4], musique des subalbés (caste des pécheurs), le goumbala, chant des ceedo (caste des guerriers), le aynabé, chant des bergers, qui font chacun l’apologie de la vie pastorale, sont des variantes de la musique peule.
Parmi Les chanteurs de Yéla connus en Mauritanie, on pourrait citer Thiédel Mbaye, Abou Diouba et Ousmane Gangué.
La musique traditionnelle des soninkés est jouée par des instruments comme le dodongué et le djambé. Elle fut professionnalisée par le groupe Soninkara qui en fit son style de prédilection et même son identité. Les musiciens soninkés les plus populaires sont Touré Kunda, Daby Touré, Lassana Diana Diallo, Demba Tandia, le griot Ganda Fadiga et le groupe Yilenkere.
Ces musiques classiques citées ci-haut, ont été légèrement altérées au contact des musiques modernes et étrangères, ramenées par des voyageurs.
Une musique urbaine est née et elle est incarnée par des artistes comme Hamzo Bryn qui s'inspire des sonorités et langues locales, pour créer des oeuvres répondant bien aux codes du hip hop mondial ; illustration dans son titre « Its started from Nouakchott », paru en 2012. Une autre figure de ce mouvement est Taleb Latimore, l'auteur de la mixtape Première vitesse.
Adviser, rappeur originaire de la région du Sud, est un des ambassadeurs du rap pular. Avec son label HMR records, il a produit plusieurs singles et albums, et a collaboré avec des artistes sénégalais pour se faire une réputation hors des frontières mauritaniennes. Il a pour ambition de lier la scène urbaine de son pays à celle du voisin sénégalais.
Il faut rappeler que la genèse du hip hop en Mauritanie remonte aux années 90, avec des groupes tels que Diaman Teki, Minen téye ou encore Ewlad leblad, et plus tard le rappeur Papis Kimi qui a cartonné dans les années 2000.
Kane Limam Monza, lui aussi rappeur, a fondé le festival Assalamalekoum il y’a plus de 10 ans avec l’appui de l’Institut Français de Mauritanie. Cette rencontre musicale permet aux talents locaux de se produire et de rencontrer des artistes venant de divers horizons. Monza a également ouvert une maison de production, Zaza productions, qui a pour vocation de faire vivre la musique urbaine et de renforcer l'industrie musicale locale.
Le hip hop [5], musique rebelle, est peu soutenu par les autorités culturelles ; pourtant, il réunit beaucoup de jeunes dans les salles de concert. Il s'agit d'un style populaire qui touche particulièrement la population juvénile.
Somme toute, lister les musiques populaires en Mauritanie est une tâche rude et ambitieuse, cela, en raison de la diversité culturelle du pays.
En plus des genres qui cartonnent à l'échelle locale, il existe une musique mauritanienne dont la popularité se joue sur le plan international ; il s'agit d'une musique de fusion pratiquée par des artistes comme Daby Touré et Noura Mint Seymali, qui se produisent dans festivals de world music à travers le monde.
Daby Touré est le musicien le plus présent sur la scène internationale. Son premier album Diam, paru en 2004, l'a révélé comme une véritable étoile de la musique mauritanienne ; il a collaboré avec de grands noms comme Peter Gabriel et Sting. Il a inventé un langage éclectique qui s'inspire des différents dialectes mauritaniens, pour marquer son identité.
Sources :
[1] https://journals.openedition.org/ethnomusicologie/1342
[2] https://musique.rfi.fr/actu-musique/musique-africaine/album/20140411-malouma-knou
[3] https://musique.rfi.fr/actu-musique/musique-africaine/album/20140627-noura-mint-seymali-tzenni
[4] https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01368959/file/LORIN_Marie_vavd2.pdf
[5] http://babacarbaye.unblog.fr/2008/09/26/le-hip-hop-mauritanienetat-des-lieux-dune-musique-en-mal-de-reconnaissance/
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Édité par Lamine BA
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