La musique traditionnelle au Burkina Faso
Le Burkina Faso sur ses 274 000 km² de superficie est pourvu d’une multitude de danses et de musiques traditionnelles. Toutes associées à un nombre important d’instruments divers, elles sont ou étaient toujours à des fins ou des fonctions précises.
La musique s’interpose partout et depuis toujours entre l’homme et sa quête d’une dimension supérieure ; c’est au moyen des sons que s’opère cet échange. Les griots, caste de musiciens, ont toujours été présents à tous les niveaux de la vie. Que ce soit des baptêmes, des mariages, des funérailles ou toute autre cérémonie, la musique a perpétuellement occupé une place prépondérante dans les traditions africaines.
La société burkinabè ne déroge pas à la règle. Des grands groupes ethniques Sénoufo, Bobo, Lobi, Dagara à l’Ouest et au Sud-ouest du pays, des Samos et Marka au Nord-ouest en passant par la famille Gourounsi au Centre-ouest et au Sud, ou du plateau Moagha (Mossi ou Mossé) s’étendant jusqu’à la lisière du Gulmu à l’Est, et des Bissa au Centre-est, ou encore des peuples Peuls ou Bella du Nord, le Burkina Faso est composé d’une soixantaine d’ethnies. Liés dans l’espace ou par l’histoire, des études récentes ont montré que cette pléthore de groupes socioculturels a, chacun, en moyenne cinq genres musicaux. Ainsi fait, on se retrouve avec au moins 300 expressions ou variétés à travers le Pays des Hommes intègres.
Cartographie de la musique traditionnelle
Les différentes représentations, matérielles (objets) ou immatérielles (message), au Burkina en fonction des instruments utilisés se décomposent principalement en quatre zones. Une cartographie faite par le musée de la musique Georges Ouédraogo à Ouagadougou donne cet aperçu :
- Le Nord du pays, avec les Peuls et les Bellao où l’on trouve principalement des flûtes et des luths. Ces populations ont une musique propre à elles, où l’on rencontre également des variantes avec des instruments à percussion.
- Le Centre, le Centre-est et l’Est, avec les Mossé, les Bissa et les Gourmantché, où rivalisent des tambours cylindriques et autres instruments à percussion membranophones. On y retrouve des sonorités bien connues telles que le Warba, le Wiiré, le Wenega chez les Mossé.
- Le Nord-ouest, le Centre ouest et le Sud habités par les Samos, Marka et Gourounsi qui excellent dans l’utilisation des flûtes et des sifflets. Les Gourounsi, qui ont une musique, assez athlétique utilisent, outre ces aérophones, des tambours.
- L’Ouest et le Sud-ouest où les danses et musiques s’articulent presque exclusivement aux sons des balafons, du xylophone et du tambour. Le balafon et ses différentes variantes occupent l’espace Sénoufo, qui va au-delà des frontières du Burkina. Ces pratiques et ces expressions sont inscrites sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
Bien qu’il y ait des particularités en fonction de ces quatre zones géographiques, il y a des ressemblances dans plusieurs grands groupes ethniques. Ainsi, les tambours se retrouvent un peu partout au Burkina avec des variances au niveau de la technique de confection, notamment les matières utilisées. Au sahel par exemple, le tambour le plus connu est primordialement un mortier, qui sera recouvert de membrane. Chez les Mossé, on retrouve soit la calebasse soit des troncs d’arbres comme caisse de résonance. Les flûtes sont également utilisées par plusieurs groupes ethniques.
Les différents instruments de musique traditionnelle au Burkina
Suivant les techniques d’utilisations et les sonorités, les instruments de musique sont regroupés en quatre familles : les membranophones, les idiophones, les aérophones et les cordophones.
Dans la famille des membranophones, le son est produit par une membrane (en l’occurrence une peau tendue sur un cadre) sur laquelle on tape soit à la main soit à l’aide d’un morceau de bois. Il s’agit des différents types de tambours, du « bendré » chez les Mossé, du djembé, etc. C’est la famille d’instruments de musique la plus nombreuse, répandue dans tout le pays.
Les idiophones sont les instruments qui donnent un son à partir d’eux-mêmes, lors d’un impact soit d’un instrument extérieur (une baguette par exemple) soit par une autre partie de l’instrument lui-même. On y trouve aussi bien les balafons, les xylophones que les petites percussions : grelots, castagnettes, hochets, clochettes, etc. qui se retrouvent dans la plupart des régions du Burkina.
La famille des aérophones, quant à elle, regroupe tous les instruments dans lesquels il faut souffler pour provoquer un son. On y trouve tous les sifflets, les flûtes, les cornes, les trompes... Ces instruments sont également présents sur tout le territoire.
Enfin, les cordophones formés par tous les instruments à cordes (cordes frappées, pincées ou frottées). À l’origine, ces cordes sont fabriquées avec des roseaux ou des nervures de Néré ou même du crin de cheval. Il existe plusieurs variantes à travers le pays.
Symbolisme de la musique traditionnelle
La musique traditionnelle au Burkina constitue un élément extrêmement important de l’expression culturelle, aussi bien récréative que comme code de communication avec le sacré ou le profane. Dans chaque registre, plusieurs morceaux différents peuvent être exécutés, parmi lesquels on choisit ceux qui s’adaptent le mieux au contexte dans lequel ils sont interprétés.
Chaque expression sonore rythmée est accompagnée par la danse, et la musique trouve sa plénitude quand elle est associée à celle-ci. Revêtue de cette dimension, elle est exécutée lors des cérémonies funéraires pour souligner le statut de grands initiés des défunts les plus âgés, des rites et autres cérémonies sociales telles que la naissance, le mariage, la fin des récoltes, etc.
La musique traditionnelle de chaque groupe ethnique a une histoire mais aussi liée à l’histoire de ces hommes. Elle joue aussi le rôle de communication d’autant plus qu’elle permet de transmettre des messages et/ou de briser les tensions latentes qui peuvent exister entre les populations.
Fonctions de quelques instruments et musiques traditionnelles
Il faut dire que dans la plupart des sociétés à oralité, la chanson et les instruments de musique ont toujours joué un rôle fondamental. Ainsi donc, des instruments identiques existent dans différentes ethnies au Burkina, mais suivant celles-ci, ils peuvent changer totalement de fonction.
Parmi les instruments à percussion membranophones, on rencontre le djembé utilisé par plusieurs ethnies de l’Ouest du Burkina. Tambour en bois et peau, il comporte de nombreuses variantes. Il est joué, à l’origine, à pleines mains pour accompagner des faits sociaux très précis tels que les mariages, les baptêmes, les circoncisions, les récoltes, etc. Ceci avec des rythmes particuliers et propres à chaque occasion et chaque groupe ethnique.
Le tambour-calebasse ou « bendré » chez les Moosé. Il est formé d’une grosse calebasse recouverte d’une peau d’animal et cerclé de lanières. Utilisé également chez les Gourounsi, les Bissa et d’autres ethnies du Centre-est et de l’Est à l’occasion de différentes cérémonies, certains tambours-calebasse possèdent des sonnailles en fer sous la calebasse.
D’une manière générale, le « bendré » est affilié au chef dans le royaume Moagha. C’est un instrument de cour, qui sert à rythmer les actes officiels. Attachés officiellement à une cour royale, les Yuumba et Benda, dépositaires de cet instrument, sont des compositeurs spécialisés d’une musique de cour hautement appréciée des dignitaires Moosé. Ce sont des musiciens exceptionnels, préposés exclusivement au service du pouvoir traditionnel dont ils sont aussi l’organe d’information officiel.
Chez les Gourounsi, le tambour-calebasse, rythme les sons et musiques des réjouissances populaires, des funérailles et des travaux champêtres. Associé à différentes flûtes, au tambour à aisselle et à un grand tambour, ces instruments sont utilisés pour galvaniser davantage les efforts des cultivateurs. Ils sont joués pour chanter les louanges du plus courageux au travail, ce qui inspire un esprit de compétitivité.
Quant à la danse elle diversifiée mais souvent avec des similitudes sur l’ensemble du territoire. Chez les Lobi par exemple, les danses s’articulent presque exclusivement au son du xylophone et du tambour d’accompagnement au cours des cérémonies et des fêtes. Elles constituent pour eux un acte social fondamental de cohésion, qui dépasse le simple divertissement lors des cérémonies.
Leur danse consiste en une succession de petits bonds vers l’avant sur le rythme de la musique, à pieds joints ou non selon les registres ; les femmes avec un bras, d’habitude le droit, tendu à hauteur d’épaule et la main ouverte vers l’extérieur, les hommes avec les deux bras arqués près de la poitrine, comme pour montrer leurs muscles. Tous les danseurs effectuent avec la poitrine des mouvements forts, rapides et rythmés. Ce geste, avec lequel les femmes faisaient bouger leurs seins, au rythme de la musique, avant que les habits occidentaux ne se soient répandus, reste aujourd’hui un trait culturel unique qui persiste malgré les évolutions apportées par la modernité.
Quelques grands noms de la musique traditionnelle
Même si la musique traditionnelle au Burkina a du mal à assurer sa pérennité, dans cet univers, au-delà de l’aspect sacré ou initiatique, des artistes se sont constitués et rivalisent aussi bien sur scène que dans la vente de leurs œuvres avec des artistes d’autres variétés dites modernes. Au nombre de ces derniers on peut citer le chansonnier Issaka Ouédraogo dit « Zoug-nanzaguemda ».
Du haut de ses 33 ans de carrière il est l’artiste Burkinabè ayant enregistré le plus d’albums. À ses côtés gravitent d’autres chansonniers, non des moindres que sont Kisto Koimbré, les cantatrices Habibou Sawadogo, Hado Léontine Gorgo et bien d’autres.
La musique moderne ou classique ne manque pas non plus de s’inspirer de ces sonorités et artistes traditionnels. L’une des vedettes en la matière au Burkina est Bil Aka Kora avec sa « Djongo musique », basée essentiellement sur des rythmes du terroir gourounsi. Entre autres, on peut citer également Bonsa, Awa Boussim, Dicko Fils, Nouss Nabil, et d’autres, qui sont de réels vecteurs et porte-flambeaux des sonorités traditionnelles du Burkina.
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