La musique traditionnelle au Togo
Au Togo, la musique traditionnelle est intrinsèquement liée aux danses traditionnelles, qui elles même, reflètent les valeurs, les vécus et les pratiques des différentes ethnies qui composent le pays. Ainsi, que ce soit sur la base des messages véhiculés dans les différentes chansons traditionnelles, des instruments de musique utilisés ou encore des danses exécutées, on peut déduire que deux facteurs essentiels sous-tendent la musique traditionnelle au Togo : les rites initiatiques et les cérémonies festives.
La musique pour célébrer la bravoure et régler ses comptes
Les peuples du Nord-Togo sont réputés guerriers. La musique traditionnelle de cette partie du pays puise ses origines des rites initiatiques qui marquent le passage d’un individu d’une classe, à une autre, au sein de la communauté.
Elle est essentiellement dédiée à célébrer la bravoure, la grandeur et la force des nouveaux initiés ; ou encore à chanter leur pureté et honneur dans le cas de la jeune fille.
Chez les Kabyès par exemple, les chants, lors des rites « Evala » « Kondonna » (rite initiatique pour les jeunes garçons) ou « Akpema » (pour la jeune fille) sont composés par les « YoÐou gliya », des sortes de griots.
Ce talent de compositeur peut être acquis naturellement ou appris pour ceux qui le désirent. Même si la plupart de ces griots n’ont pas pu laisser de traces dans l’histoire en tant qu’artiste, certains comme le Griot de Pagouda ont su marquer l’histoire musicale du Togo et exporter leur musique au-delà des frontières togolaises.
Si la plupart des chansons composées peuvent être exécutées et dansées par la communauté toute entière lors des rites initiatiques, d’autres, par contre, sont réservées exclusivement à une catégorie de personnes ou pour une occasion exceptionnelle.
C’est le cas du Tibol (ou T’Bol) appelé « la danse du feu » chez les Bassar ; rite par lequel l’initié atteint la divination. L’initié danse pieds nus dans un foyer de bûcher en flamme devant les membres les plus importants de son clan.
La danse est exécutée de 23h à 06h du matin et seul un chanteur initié peut fredonner les mélodies accompagné par des musiciens qui sont eux aussi des initiés. Il arrive parfois que le chanteur devienne aphone s’il n’est pas spirituellement fort. Dans les chansons qu’il fredonne, il affirme sa puissance et défie ses ennemis de l’attaquer spirituellement s’ils le peuvent.
De même chez les Kabyè, ne joue lors des cérémonies du « Habiês » (danse de démonstration de puissance spirituelle) que les initiés. Parfois, le lien entre les danses et la musique est telle que certaines danses comme Tchimou (exécutée par la jeune fille en âge de se marier chez les Kabyè) et Kamou (danse exécutée après les récoltes en novembre) ont pu laisser leur nom à des styles de musiques traditionnelles.
Si au Nord la musique sert à célébrer la bravoure, au Sud, elle sert à expier les frustrations, mieux, à régler des comptes.
Il est, en effet, de pratique Chez les Ewe et les Guins du Togo, que deux familles ou deux clans règlent leurs différents par chansons interposées. Les griots des deux camps en conflits s’inspirent des défauts et erreurs du passé du camp adverse pour composer une chanson qui est exécutée lors d’une célébration, ce qui donnera lieu à une réplique de l’autre camp.
Ces chansons peuvent devenir des chansons populaires qui traversent des générations. Même pratique chez les Ouatchi, où les griots s’inspirent de l’expérience personnelle d’un individu ou d’un fait divers marquant pour composer des chansons. Plus loin, la musique devient un moyen de transmettre l’histoire, les évènements et les vécus marquants d’une communauté à travers le temps.
Les plus célèbres dans ce dernier cas, sont les Pleureuses de Klomayondi, un groupe de chanteuses qui à travers leur chansons retracent l’histoire de leur communauté depuis la période de l’esclavage, jusqu’à l’indépendance en passant par la période de la colonisation.
La musique traditionnelle au Sud-Togo trouve généralement sa place lors des célébrations pour remercier les ancêtres pour un heureux évènement, ou lors des funérailles. On y compte plusieurs dizaines de rythmes dont les plus célèbres sont « Agbadja », « Gazo », « Gbekon », « Akpesse », « bɔbɔbɔ »… tous accompagnés de pas de danse spécifiques. Ces pas, qui font pour la plupart appel à la souplesse et à l’adresse du danseur sont généralement exécutés en groupe.
Néanmoins, des pas de danses comme le Tawugan chez les Ouatchi sont exclusivement exécutés par le fils aîné à la mort de son père. Ils consistent, pour le fils ainé, à transporter sur la tête un tam-tam d’environ 60kg de la maison de son père jusqu’à la place publique pendant qu’un batteur est en train de jouer ce même tam-tam dans son dos. Une fois sur la place publique il exécute des pas de danse qui retracent les grands moments de la vie de son père.
La musique tradi-moderne au Togo
Il existe sur la scène musicale actuelle, de grands noms d’artiste qui ont su concilier musique traditionnelle et celle dite moderne, tant au niveau du rythme que des instruments utilisés. Parmi ces grands noms on peut citer King Mensah dont les chansons inspirées du Gazo, Agbadja ou encore du Kamou lui ont valu le prix du meilleur artiste traditionnelle de l’Afrique de l’Ouest au Kora Awards en 2004 et plusieurs autres distinctions.
Autre icône de la musique tradi-moderne au Togo, Wilfried A2, surnommé « le Génie de la tradition », originaire de la partie septentrionale du pays et qui puise son génie des rythmes Soo, Tchimou et Kamou.
Mais, ce n’est qu'à partir des années 2010, qu’on peut parler d’une réelle influence du traditionnelle sur la musique dite urbaine au Togo, avec la montée de jeunes artistes comme Kossi Ape' Son (ex-danseur de King Mensah), Mic Flammez ou encore Amen Viana.
Le premier s’est distingué en lançant les concepts « Akpê Gwetta » et « Gazo Cool Catché » qui sont un mélange entre les concepts urbains Gwetta et « Cool Catché » du groupe Toofan et les rythmes traditionnels (originaire du centre du Togo) et Gazo.
Le second, Mic Flammez, a choisi les rythmes Kamou et Tchimou pour donner une autre dimension à sa musique Rap, tandis que Amen Viana, un amoureux du style Rock-funk, essaie de donner une touche rock aux tubes cultes de la musique traditionnelle togolaise.
Les instruments de musique traditionnels au Togo
Plusieurs accessoires et instruments de percussion sont utilisés dans la musique traditionnelle au Togo. Bien que variant d’une région du pays à une autre, ces instruments sont pour la plus part faits de bois, de métal, de peaux de bêtes (biche ou antilope pour la plupart) ou de cornes d’animaux.
Au sud-Togo par exemple, les tam-tams (Evù), les castagnettes (Akayê) et le gong (Gàkongoé) sont indispensables pour faire de la musique traditionnelle, le tout accompagné de battements de mains.
Pour donner une variété de sons, cinq sortes de tam-tams de taille variante sont utilisés. Ils se présentent tous sous forme de tronc de bois creux, de forme ovale avec deux orifices dont un seul est recouvert de peau de bête. Les variations du timbre ou du son dépendent de la taille du tam-tam et l’étirement de la peau de bête.
Le plus grand de ces tam-tams Atsimevù (entre 1m20 et 1m60) joue le rôle de chef d’orchestre en imposant le rythme et le tempo à suivre. Du fait de sa taille, il est couché sur un dispositif en bois croisé en X (Vudetsi) qui lui sert de support et le joueur doit de se tenir systématiquement debout, dans une position parallèle au tambour. Il peut se jouer à main nu ou à l’aide de deux baguettes en bois selon le son voulu. Il est souvent accompagné d’autres tam-tams de plus petites tailles comme Kplikpan, Atsihui et Kadam (le plus petit).
Ces instruments et accessoires sont plus diversifiés au nord du pays où en plus des tam-tams on retrouve des flûtes (Fwisi) fabriquées à partir des cornes de bêtes ou de tiges de mil d’une longueur souvent comprise entre 15 et 30cm (Olikpo), des olifants (Dégândrê), flûte en ivoire d’éléphant dans laquelle on introduit la bouillie du mil afin de l’humidifier et de lui garantir sa tonalité ; des cloches en métal faits à l’aide du bois ou de la dent de phacochère (agbogbo).
A la différence des tam-tams de la zone australe du pays, ceux du Nord sont de plus petite taille. Ils sont généralement cylindrique, munis de bretelles que l’on porte sous l’aisselle ou sur l’épaule et leurs exécutions sont exclusivement destinées, le plus souvent, aux avertis (lông’na,Sio, Dibêngkplên, Dibêngtéléné…). Pour y jouer, on se sert d’un bâtonnet sous forme de binette. Certains sont qualifiés de tambours gémellaires ou tambours mâles et femelles.
Et l’on ne saurait conclure ce chapitre sur les instruments de musiques du Nord-Togo sans parler des célèbres pierres des montagnes kabyè dont la musique est, selon Danièle Segre-Amar professeur au Conservatoire de Montbéliard (France), « la seule au monde à avoir la spécificité d’être jouée sur le mode pentatonique ».
Références :
Les Presses de l’Université du Bénin, Tome XII 1992 ;
Mémoire, « Transmission de la musique au Togo : Etat des lieux et perspectives », Mercier Armandine, Juin 2011 ;
Mémoire, « Les cérémonies de la danse du feu (Tibool) en pays Bassar, Processus d’intégration d’un nouveau devin : cas du canton de Kébou », BONFOH Wakilou, Anthropologie et Etudes Africaines Université de Lomé,
« Instruments de musique au Togo en pays Adelé et Tem ».
www.togocultures.com
www.librevoyageur.com
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