La musique traditionnelle en Namibie
Par Minette Mans
Comprendre la musique c’est renforcer le discours humain. Comprendre la musique namibienne c’est apprendre à connaitre son peuple. Ce texte de synthèse ne peut qu’effleurer les riches traditions musicales du pays.
La musique namibienne est extrêmement variée, en raison de la diversité des groupes linguistiques et la séparation ethnique du passé (l’apartheid), qui décourage le mélange des cultures. Les pratiques musicales namibiennes peuvent probablement être regroupées en trois grands (bien que culturellement mixtes) groupes à travers la région. Le partage culturel, les migrations, l'histoire politique et même les pratiques agricoles, sont tous inscrits dans la tradition et se révèlent dans la danse et la musique.[i] Une grande partie de la musique namibienne s’interprète en groupe, et est souvent accompagnée d’une danse et parfois de tambours et s’interprète en solo ou accompagnée d’un arc à corde ou d’un lamellophone.
Les traditions musicales du nord
Dans la région essentiellement rurale du Nord, qui s’étend de la côte vers le Kalahari et au nord de la frontière vétérinaire «rouge», les traditions musicales sont bien conservées. La musique est souvent une activité sociale. La musique accompagne les fonctions quotidiennes ou saisonnières et affiche une identité distincte selon les différents groupes culturels. Cela signifie que la musique est interprétée quand il y a un besoin, par exemple: quand un enfant est nommé, à un mariage, à des funérailles, à la saison des récoltes, aux rites de passage et pratiques de guérisons. La tonalité diffère considérablement de l'ouest à l'est, tout comme l'usage des instruments. L’agriculture fait partie intégrante de la vie quotidienne et de nombreux événements musicaux importants sont dictés par les saisons notamment chez les pasteurs semi-nomades et les paysans plus sédentaires.
Les chants de guérison sont particulièrement importants parmi les Ju’/hoansis (n/om tzísì),! Kungs (g!aiǂi) et kxoes (yeu/'i) du nord-est, les Lozis de Caprivis, et les peuples Mbukushu, Gcririku et Kwangali de la région du Kavango. Ces quatre derniers font tous usage d’un ensemble de trois tambours, de battements de mains et d’une danse où les jupes d’herbe et épaulettes s’agitent pour accompagner les rites du guérisseur, comme dans le Nyakasanga (Silozi). Les chants de guérison Ju’/hoan sont pratiqués régulièrement pour protéger la communauté du danger spirituel et les guérisseurs entrent dans une transe « risquée » pour affronter le danger sous la forme spirituelle d’un élan. Les guérisons spirituelles du peuple Damara du nord-ouest, appelées Arub après le tambour traditionnel qu'ils utilisent ; chassent les //Gawarab (esprits) d’une personne atteinte en état de transe, et sont accompagnées d’un répertoire d’environ neuf chansons qui commence toujours par « !Haoros », après quoi les guérisseurs individuels interprètent leurs propres chants de guérison. Les Ovazimbas et autres peuples de la région de Kaoko pratiquent également des guérisons spirituelles (Olundongo). L’état de transe pour chasser les mauvais esprits fait partie de ces rituels mais donne également du courage aux hommes qui vont en bataille ou en raid.
Les chants et danses font partie du divertissement (loisirs). Dans l'Est, le Siyamboka (Valozi) et l’Udano (Kwangali) fait usage de tambours; dans les zones centrales, l’Uudhano (Ndonga) ne fait usage que d’un seul tambour; l’Omutjopa (OvaZimba) deux tambours; et l’Ondjongo (Ovahimba) dans l'ouest d’aucun. L’Ondjongo, la danse traditionnelle Ovahimba accompagnée de forts battements de mains, a un rythme et un timbre tonale uniques tandis que les rythmes, étonnamment complexes, des Gais du nord-ouest, est une sorte de performance Damara où l’on relate beaucoup d'histoires. Les Nama du nord-ouest chantent et jouent le Namastap accompagné du son de la guitare.
L’Efundula, traditionnel rite de passage des femmes Kwanyama, incorporait jadis de grands ensembles de tambours en tonneaux (Eengoma). Ces ensembles ont tous disparu. Les chants, cependant, sont encore couramment interprétés par les femmes plus âgées et les jeunes femmes qui assistent à la cérémonie à travers la frontière angolaise. Cette cérémonie est appelée Olufuko parmi les Ndonga et rassemblait jadis un grand nombre de femmes, même si on assiste actuellement à une redynamisation de la cérémonie à Outapi. Les deux cérémonies se déroulent sur plusieurs jours et impliquent de longs battements de mains, des compétitions de chants et de danses afin de préparer les femmes à la vie de mariage. Parmi les Ju’/hoansis du nord-est, le rite de passage (Tcòqmà) se déroule après la première menstruation et est célébrée principalement dans les chansons d’élan. De même, les jeunes filles Damaras et Amnas se livrent individuellement au rite ! Khae-oms dans la région de Sesfontein et leur «passage à l’âge adulte» est célébré dans la chanson et la danse.
Les louanges sont communes aux Aawambos et Hereros. Ces chants peuvent par exemple louer un individu et sa famille, des chefs et héros, des animaux ou encore relater des évènements historiques. Les hommes Owambos chantent également l’Ongovela pour faire l’éloge de leur bétail. Les louanges s’interprètent en groupe ou en solo.
Les traditions musicales du centre
Cette région plus urbanisée, qui s’étire de Walvis Bay à l'ouest vers les zones d’élevage bovin de l'est, a longtemps été multiculturelle. Depuis la création de Windhoek il y a près d'un siècle et demi, la musique européenne et la musique autochtone ont évolué. Les allemands introduisent des fanfares dans les églises ou pour se divertir, tandis que chaque église a une chorale pour animer les messes. Ainsi, même au début du 20e siècle, on voit des ensembles de violon pratiquant même dans certaines écoles confessionnelles «noires», tandis que la population «blanche» assiste à des concerts classiques exécutés, la plupart du temps, par de petits ensembles. Les orchestres de danse sont également populaires et proposent de la musique de bal. L’Afrikaans Boeremusiek et la musique Orlams sont populaires vers la ville de Rehoboth et autres petites villes.
Les Damaras du centre, adoptent des harmonies occidentales, on ne sait quand, et considèrent leurs prestations de danse et chorales, communément appelées «récital de chansons», comme tradition. Les Damaras adoptent également pour tradition la danse Namastap ; une danse accompagnée de la guitare et de l'accordéon. Les chants Damaras se composent d’une harmonie à quatre voix ; structure typique aux chœurs Setswana et même Xhosa. Dans l’est, on entend toujours les chants accompagnant les rites de passage à l’âge adulte (dipena tsa Bojane) et les chants accompagnant les troupeaux ; tous pentatoniques. Dans les townships, il y avait jadis des salles de danse et des shebeens qui proposaient des spectacles musicaux. Saxophones, cordes de contrebasse, batteries et guitares y résonnaient.[ii] Cette scène musicale vivante est perturbée lorsque le lieu (Old Location) est aplati et les résidents forcés à s’installer dans le nouveau district ou township ségrégué à Katutura.
Vers l'est de l’Okahandja, dans le territoire des pasteurs Hereros, on retrouve la même tradition du chant presque identique au chant Ovahimba, car ils sont de la même ethnie. Le chant Ovaherero comprend des incantations solos d’une grande liberté rythmique, des louanges et poèmes divers. Les femmes interprètent l’Outjina lors des cérémonies de mariage ou pour se divertir. Ces chansons évoquent principalement leurs souffrances aux mains des troupes allemandes au début du 20e siècle. L’Outjina est accompagné du son d’une planche rattachée à un pied que l’on frappe rythmiquement au sol (Otjipirangi), les bras levés comme des cornes de bovins. Les hommes chantent l’Ehiya, un chant psalmodique autour duquel s’entrelace le ton descendant du chœur de femmes.
Les personnes de langue afrikaans de la région, y compris Rehoboth, interprètent des chansons folkloriques et dansent le Volkspele. Ces pratiques ont presque disparu.
Dans certaines parties de la région centrale, on entend toujours les chants Ongovelas interprétés par des hommes qui se sont déplacés vers les zones urbaines à la recherche d'un emploi. Ces solos s’accompagnent du chant répétitif du chœur et parfois de mouvements rythmiques d’un chanteur. Il existe différents types d’Ongovelas, mais la plupart louent leur bétail et relate des histoires liées à l'élevage.
Les traditions musicales du sud
Le sud très aride de la Namibie est peu peuplé, avec des petits éleveurs installés dans quelques villes et à travers les terres. Les rythmes de la région sont plus simples que ceux du nord, mais les harmonies, semblables à quatre parties occidentales, sont plus intéressantes. Les Orlams du sud, dont les ancêtres migrent à travers le fleuve Orange, racontent leur histoire à travers leur musique.
Leur danse Langarm a souvent un rythme Boerewals à trois temps, et se danse avec un partenaire, et est accompagnée par la guitare, la batterie, le piano ou l’accordéon. Aujourd'hui, les claviers électriques ont remplacé ces instruments, mais la musique est toujours jouée dans le pur style et rythme. Les célébrations annuelles de la Journée des Héros / Khowesen à Gibeon rappellent les chants et les danses du peuple Orlam, avec des titres comme "Saso ge ti sorte" (femmes, tu es mienne), bien que les danseurs ne chantent pas.
La vieille tradition des chants et danses Namas, accompagnés de grands ensembles d’instruments en os et de flûtes en roseaux, a disparu, à l’exception de quelques vestiges au nord de Sesfontein, et peu se souviennent des chansons originales.
[i] Discuté pleinement au Mans, M (2003).
[ii] Projet de recherche Stolen Moments: www.stolenmoments.info
Bibliographie
- Mans, M. 1997. Ongoma! Notes on Namibian Musical Instruments. Windhoek: Gamsberg-MacMillan.
- Mans, M. E. & Olivier, E., 2005. The living musics and dance of Namibia: Exploration, education and publication, Volume 1 - Instruments. Rapport de recherche, Archives nationales : Windhoek
- Mans, M. 2003. Music as Instrument of Diversity and Unity: Notes on a Namibian Landscape. Rapport de recherche Nordiska Afrikainstitutet no. 124. Uppsala.
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