L’art de la joie de Joy : une Féminitude résonnante
C'est une Africaine de sens et de cœur qui s’est bâtie à travers Bruxelles et en Belgique. Elle porte en elle, beaucoup de ce qui brille en soi, pour luire, pour être lumière d’amour et porteuse d'humanité. C'est une femme valeureuse et de valeurs, une femme de liberté, une femme d'urgence assumée, une femme cantatrice d'espoirs, une femme de joie profondément communicative. Ce n'est sans doute pas anodin qu'elle se fasse appeler « Joy », pour peu qu'il y a dans sa musique des mots, une envie de donner aux autres l'envie d'être, de tisser un dialogue incessant entre les origines, les cultures et les langues.
Ainsi, Joy est une slameuse venue des horizons où, la mosaïque constitue le socle du bien-être. Une slameuse dont l'existence créative se veut désir de l'autre, fraternité intense et défense de la légitimité des femmes. Et c'est sans doute pour cela que son album, L’art de la joie, sorti symboliquement le 8 mars 2019, fait écho à sa personne, à sa personnalité, avant même d’être reflet de ses convictions artistiques et intimes. Voici donc une plongée au cœur d’un album, qui apparaît comme un chant à hauteur d'âme, indispensable à notre époque…
Il y a dans son album une éruption d’amour. Une éruption de verbe qui cherche à nous illuminer. Qui cherche à nous débarrasser de ce trop-plein d’obscurité ambiante, caractérisé par nos actes, nos pensées, nos manières d’être au monde vis-à-vis des femmes. À entendre chaque titre se succéder et reprendre souffle, il est quasi impossible de se détacher de la perception, que cet album L'art de la joie est féministe avant d’être féminin. Et peut-être que c’est les deux à la fois, avec tout ce que ça implique de franchise, de fougue, d’énergie, de bon sens, de poigne, de hargne, d’outrance assumée, et de confidence précautionneuse.
Dans cette oeuvre composée de 11 titres, la slameuse Belgicaine s'évertue à décrypter la vérité telle qu’on n’ose pas l’entendre dire. Il faut dire, qu'elle ne se contente pas d'évoquer mais s'emploie également à révéler le mode d’enfermement séculaire installé autour de nous, et dans nombre de nos sociétés machistes ; dans le but de museler les femmes, ou de les pousser à épouser un silence coupable.
Mais au-delà, Joy ne s'empêche pas d'interpeller nos consciences, par rapport au besoin généralisé de faire croire aux hommes ou d'entretenir l'idée d'une capacité (voire d'une nécessité) des hommes à se croire à même de (devoir) dominer, ou pire : d'essayer de dompter le charisme, l’émancipation, la volonté d’exister, le désir de se posséder, le pouvoir intérieur, l’expression libérée, la particularité, de toutes ces femmes qui ont toujours su être dignes, battantes, et épatantes.
Ainsi, chaque texte est un prétexte pour Joy, d'évoquer avec fermeté, sans être dans l’agressivité décontenancée, ou même le ressentiment empreint de victimisation ; ces agissements qui réduisent les femmes à l'inaction. Enoncer, dénoncer, sans renoncer à pointer du mot ce qui est contagieux et qui contamine : le refus d’ouverture d’esprit, le refus d’accorder à l’autre au féminin, ce qu’elle assume être, le refus de se défaire de son ego (pour les hommes), le refus de voir au-delà de ses seuls intérêts triviaux (pour les hommes toujours) ; et la complicité, comme le complexe d'infériorité développé par tant de femmes.
De « Babel » (premier titre de l'album, ndlr) à « Vertige » en passant par « Ecran de fumée », ou « Parle », l'on reste marqué par le ton, le phrasé, les évocations, les intertextualités liées à la littérature (comme pour « le choix du titre » ou dans « Modesta »), les hommages historiques comme les chants identitaires (comme dans « June »), et les langues multiples (comme dans « Fin de règne »).
Mais plus encore, nous sommes interpellés par l’écriture pleine de sensibilité vive, parfois écorchée mais jamais écornée par la (les) réalité (s) dépeinte (s) ; par ces interrogations qui nous prennent au collet ; par cette urgence inassouvie de dire lancée comme une alerte insoumise ; par les compositions au subtil équilibre entre influences hip-hop, et sons électroniques ; par ces parenthèses jazzy, reggae, soul ou presque oriental ; par le flow de la slameuse, tantôt martelé, tantôt grave, tantôt apaisé (ou devrait-on dire serein ?).
Quoi qu'il en soit, l'on est marqué surtout par l’unité de création, qui porte bien l’esprit du discours, et de ta rhétorique de Joy. Et même quand elle s’accorde une ouverture (tropicale ou autre), Joy ne perd pas la teneur du propos, la minutie du sujet abordé, de l’idée déployée. La transe (mesurée) de ses préoccupations abordées ne dilue pas la valeur méditative de l’album. Au contraire, c’est de quoi offrir des transitons délicates, en attendant d’autres raisons de se questionner vis-à-vis de soi, du monde, et des femmes.
Comme quoi, désormais, il est possible de prétendre que nous sommes à l'ère et au temps des faiseuses d’histoires qui apportent lumière. Comme Joy, qui prend la parole, au nom d'elle-même comme des femmes ; pour rendre compte de la respiration escarpée des marées sous-marines de drames qu’on n’entend pas encore suffisamment pour s’en méfier, mais qui se préparent à venir troubler l'ordre des choses.
Comme quoi, désormais, il est possible de prétendre que nous sommes à l'ère et au temps des bâtisseuses et des prévenantes. Comme Joy, qui prend la parole, pour prendre les devants sur les murmures de ce qui meurt en nous, en l'humain ; de ce qui s’inquiète à notre propre insu et qui nécessite un sursaut d’humanité de chacune et tous.
Et grâce à un tel album, dans chaque oreille attentive, se lèveront peut-être, des soleils de grandeurs, de nouvelles valeurs constructives. Car, c’est grâce à l’engagement d’artistes comme Joy, que, les situations connaissent des mutations inattendues de façon totalement insidieuse. C’est grâce à la constance du propos ténu d’artistes comme cette slameuse engagée, que les mentalités (à commencer par celles des femmes elles-mêmes) évoluent, se décloisonnent, et s’affirment.
C’est pourquoi, il conviendrait de finir en prétendant que l'album L'art de la joie de la slameuse Joy, est d'une féminitude bien résonnante…
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