Le festival Chant d’Elles Haïti mise sur l’avenir et l’international
La 2e édition du Festival Chant d’Elles Haïti s’est déroulée à Cap Haitien du 28 au 30 avril 2022 malgré une grève contre l’augmentation du prix de l’essence qui a paralysé la ville. A défaut d’avoir pu recevoir des artistes africaines désireuses de rejoindre l’aventure, l’équipe bénévole s’est efforcée de donner une dimension internationale à l’événement soutenu par l’Alliance française et de multiples partenaires haïtiens.
L’ambition de ce rendez-vous est d’accompagner l’émergence, la création, la professionnalisation, tout en considérant que la visibilité des femmes sur les scènes de musique actuelle est un enjeu d’avenir.
Le comité d’organisation est composé de jeunes locaux ayant déjà pour certains une expérience à l’étranger ou s’étant fait remarquer par l’obtention d’un prix comme Jeffté Saintermo en 2020, lauréat de Dis-moi dix mots. Cet artiste, militant culturel est le président du Konbit Atis Pwogresis (KAP), association locale qui porte la dynamique collective autour du festival à faire monter en puissance avec d’intéressantes perspectives.
Grâce à Music in Africa, Jeffté collabore depuis deux ans avec Françoise Ramel, une de nos contributrices. Il a participé à distance à la Saison Africa 2020. A titre d’exemple, ils ont aidé ensemble des élèves de CM2 d’un lycée français confinés chez eux au Liban à remporter une distinction au Concours La Flamme de l’Egalité. Pouvoir témoigner de son expérience d’artiste, héritier d’une langue et d’une histoire singulière liées à l’esclavage aboli à Haïti en 1804, a été un nouveau déclic.
Dans la continuité de ce partage de savoirs, Jeffté Saintermo a demandé à Françoise Ramel d’être la marraine de l’édition 2022. Cette invitation s’est traduite par des propositions qui ont permis d’innover et de poser des jalons pour l’avenir.
« Avec la participation à distance de Françoise Ramel, explique Jeffté, nous avions de quoi montrer aux artistes, au public, à nos partenair5es que le festival veut et peut aller au-delà de la seule volonté d’offrir à la jeunesse locale un tremplin, un moment de fête. »
L’édition a démarré avec une scène slam et la projection du film de Lutz Grégor Mali Blues (Berlin), long métrage consacré au parcours et à l’engagement d’une artiste malienne aujourd’hui incontournable : Fatoumata Diawara. La chanteuse est actuellement sur scène au Théâtre du Châtelet à Paris dans Le vol du Boli premier opéra du cinéaste césarisé pour Timbuktu, Abderrahmane Sissako.
Une conférence préenregistrée spécialement pour Chant d’Elles a permis de rebondir sur le propos du documentaire de Lutz Gregor. Intitulée « Trouver une voix puissante en nous, l’art et la matière », cette intervention de Françoise Ramel s’est complétée par la diffusion de dix podcasts de son émission « Femmes de caractères » dans différents lieux du festival et sur les ondes locales.
« Deux années de pandémie nous ont appris qu’il ne fallait rien attendre qui ne vienne de nous, de notre capacité d’adaptation. Nos marges de manœuvre sont limitées, jamais nulles. Elles dépendent de la façon dont nous savons créer des opportunités malgré un contexte défavorable. Ce qui était nouveau pour la majorité d’entre nous ne l’est pas pour la jeunesse à Haïti. Cette génération étouffe malgré une créativité, un appétit sans égal, et malgré la reconnaissance obtenue à l’international par leurs aînés en d’autres temps. Si à l’impossible nul n’est tenu, tous les possibles doivent aujourd’hui être une priorité. Surtout quand il s’agit de promouvoir les arts, la culture et des voix de femmes. D’ici deux ans, Chant d’elles sera en posture de devenir une référence dans les Caraïbes avec des partenariats renforcés à l’étranger ». Françoise Ramel
Parmi les artistes présentes à Cap Haïtien ce week-end à travers leur voix et leur parcours grâce aux podcasts « Femmes de caractères », figurent Mariaa Siga, trois chanteuses bretonnes, Adeline Haudiquet, Enora de Parscau, Stéfanie Théobald, trois écrivaines dont Sarah Schein, 19 ans, l’italienne Elisa de Angélis, et Lidwine Dakouri, étudiante ivoirienne en Master à Rouen qui consacre son mémoire à la place des femmes africaines dans les filières musicales.
Du côté haïtien et du Live, le public rassemblé dans l’auditorium de l’Alliance française a fortement apprécié les prestations de Queen Vergé, Jennyka Vilcourt, Jorana Alexis, Mondésir Sabine. Une ovation est venue récompenser l’audace de la plus jeune artiste à l’affiche, Thiesca Alexandre, 10 ans.
Chant d’Elles permet de réunir sur une même scène des esthétiques différentes, avec des univers musicaux qui couvrent un large panel du gospel au reggae, du chant traditionnel collecté dans la sphère familiale à la soul ou à la variété. Ce qui prime, c’est la présence scénique, la signature vocale de chaque artiste retenue lors d’une pré-sélection.
Les artistes étaient accompagnées sur scène par des étudiants en Beaux-arts du Campus Henri Christophe de Limonade dont une jeune violoncelliste, sous la direction musicale de Gilbert Saintefable, dit Jhilens.
Coach associée au Festival Afropolitain Nomade 2021, Françoise Ramel accompagnera de la même manière les jeunes artistes haïtiennes qui le souhaitent, à distance et à la carte. Avant le spectacle, la mondoblogeuse avait demandé aux organisateurs de partager cette pensée de Christiane Singer :
« Quelqu’un qui ne laisse pas la réalité déranger ses rêves est un sage ».
L’île d’Haïti serait le plus beau paradis des rêves, si tout le monde pouvait faire abstraction du chaos, de la peur et de la misère. Quant à la mobilité des artistes, il n’est guère difficile de comprendre que chanter sur un rocher au beau milieu de l’Atlantique leur rend la vie plus compliquée que nécessaire.
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