Le hiplife au Ghana
Par Kwame Write Aidoo
Certains disent que la musique est un langage universel, d’autres doutent de cela. Dans tous les cas, nous sommes tous témoins de ces qualités communicationnelles et de son attrait international, peu importe le dialecte. Les propriétés complexes composant la musique provoquent des réactions émotionnelles même lorsque quelqu’un ne peut comprendre le contenu. Alors que les conversations parlées activent le cerveau de manière à décrypter la sémantique ou la définition des mots, des études montrent que peu importe l’élément linguistique ou le contexte culturel, les tendances émotionnelles de la musique étendent l’impact ou l’audience. Comme l’indique le sociologue Herbert Spencer (18020-1903) « la musique est le langage de l’émotion ». De nos jours, les télécommunications modernes et l’internet en particuliers ont grandement étendu l’impact de la musique. Les réseaux sociaux ont joué un large rôle lorsque dans la promotion de musiques du monde. Un genre qui a gagné en attention ces dernières années tout en restant imprégné de culture et de langues locales est la musique hiplife du Ghana.
Origines
En général, le hiplife peut être défini comme le style musical ghanéen qui mêle la highlife avec des éléments de hiphop. Il se caractérise souvent par des paroles en langue Twi (avec beaucoup d’autres langues ghanéennes utilisées plus tard) sur des sons hiphop (avec des samples de highlife et/ou des rythmes de palmwine).
Il est difficile d’aborder le sujet du créateur original du hiplife dû à un manque de documentation lorsque cela a émergé dans les années 90. On ne peut pas penser au hiplife sans mentionner Reginal Yaw Osei, mieux connu sous le nom de Reggie Rockstone. Même s’il est regardé comme le « Parain du hiplife », on peut spéculer si oui ou non il a donné naissance au genre.
Il est indisputable qu’il est l’une des principales icônes à avoir facilité sa popularisation en inspirant une pléthore d’imitateurs après le succès de son premier album Makaa Maka en 1997 et en particulier le tube « Choo Boi ».
D’autres pionniers du genre comprennent Da Multi Krew, un groupe basé en Hollande rappant en langue Twi aussi tôt qu’en 1992. Les Talking Drums, composés de Kwaku-T et Abeiku (maintenant connu comme Jay Gartey) ont sorti le tout premier clip vidéo de hiplife en 1994, ‘Aden’ produit par Panji Anoff, expérimentant avec un refrain en langue Twi avant l’arrivée de Reggie. Dans ce morceau, Panji a repris un son highlife de C.K Mann, ‘Asafo Beson’, arrangé par le légendaire Ebo Taylor.
Dans les années 90, les musiciens et le producteur/ Ingénieur Jay Q (de son vrai nom Jeff Tennyson Quaye) ont aussi été pionniers des premiers hits de hiplife, introduisant des influences Jama ou de Kpanlogo (traditionnellement associé à l’ethnie des Ga) sur des chansons telles que ‘I’m going to come’ de Buk Bak et traçant les carrières d’artistes tels que Castro, Shilo et Dr. Doh.
Mais voici une autre tournure de l’histoire : Gyedu Blay Ambolley, a sorti aussi tôt qu’en 1973 ‘Simigwado’ qui était dense et avec des portions rapidement parlées en langue Fanti sur des sons de highlife jazzy qui pourrait prêter à croire que ces morceaux pourraient aussi être du hiplife.
Montée vers la scène générale
Le premier album de Reggie Rockstone Makaa Maka (1997) a fait des vagues et a introduit un nouveau son à travers les radios et les pistes de dance du pays. La musique de Reggie Rockstone à ses débuts était caractérisée par des samples de sons plus anciens tels que Alhaji K. Frimpong et Fela Kuti. Reggie travaillait habituellement avec des ingénieurs tels que Mike Cooke, Rab Bakari, Zapp Malet et Coal House.
L’excellent producteur de musique Hammer des Last Two (vrai nom Edward Nana Poku Osei) a amené dans la scène générale de hiplife des artistes tels que Obrafour et Kwaw Kese. D’autres producteurs influents du genre comprennent Kaywa, Killbeatz, Appietus et Mix Master Garzy, alors que Chicago est considéré come l’un des pionniers du hiplife en langue Ewé.
Attrait international
Dans un verset du tube « African Rapper no°1 », le rappeur nigérian M.I rappe : « This one na highlife and hip-hop combination » (Ceci est une combinaison du hip hop et de la highlife NDLR). La chose intrigante à propos du hiplife est qu’il permet à des artistes de jouer et d’enregistrer des morceaux internationalement accessibles dans leurs langues natales. Les artistes profitent d’un espace relativement large pour engager leurs audiences, à la fois locales et internationales, avec l’attrait des rythmes énergétiques et dansant- même si les auditeurs n’ont aucune idée de ce qui est dit. C’est pour cette raison que Sarkodie, Edem, Tinny et d’autres artistes hiplife talentueux sortent du lot.
Même si Sarkodie rappe en Twi, il a gagné en réputation sur la scène internationale. Sa versatilité est comparable à Yaa Pono qui vient aussi de Téma. En 2010, Sarkodie a remporté une nomination aux MTV Africa Awards (MAMA). En 2012, il devient le premier rappeur ghanéen à ramener un BET Award pour le meilleur acte international (Afrique). Sa nomination en 2014 aux BET Awards et sa performance au BET Experience ‘LA Live’ le samedi 28 juin a renforcé sa pertinence internationale. En tant que rappeur inventif et avant-gardiste, Sarkodie a abordé sa carrière internationale avec des tubes impeccables comme « Lay Away » (avec Sway du Royaume-Uni) et « Internationally Known » avec Blitz the Ambassador. Il a récemment joué son tube « Adonai » enregistré à Vivivi Studio à Accra, exclusivement pour BBX Radio 1 Extra.
Edem (connu auparavant comme Ayigbe Edem) écrit présentement la plupart de ces paroles en langue Ewé. Edem a connu la gloire avec la sortie de son premier album « The Volta Regime » en 2008 qui a des chansons comme le tube « U Dey Craze », « Bra Fremi Fremi », « Nyornuviade », « Give It Up », « Emmre Sesa » et « Lorlortor » exclusivement produits par Hammer des The Last Two. Le clip vidéo d’Edem « Heyba » de 2012 est sorti en avant-première à une audience mondiale sur l’influent émission américaine de musique urbaine « 106&Park » sur BET International.
Tinny (de son vrai nom Tinny Nii Addo Quaynorhas) a eu un très grand don pour rendre la langue Ga attrayante à travers la musique. Son premier album Makola Kwakwe est sorti simultanéement en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord et a compris le hit « Oofee Dull » qui a aidé à le mettre sur le devant de la scène internationale. En 2009, il fut nommé artiste africain de l’année au Hip-Hop World Awards et a récolté de nombreuses nominations au Ghana Music Awards de 2008 à 2010. Tinny a mis son statut en avant pour signer des accords avec les géants de la télécommunication de Glo Ghana et Cadbury.
Sous-genres liés
Avec le hiplife qui grandit, cela a donné naissance à un nombre de sous-genres. Par exemple Jay-Q a conduit Asokpor sur la scène générale tout comme Sarkodie a popularisé l’Azonto. Le Twi Pop est valorisé par D. Cryme, alors que le hiplife contemporain a donné naissance au rap GH, un son hybride inspiré du hiplife mais avec des paroles en anglais pidgin. Plus récemment, on peut entendre les influences de genres globaux comme la dancehall et le reggae traçant leur voie dans la musique hiplife. Batman Samini est connu pour avoir perfectionné le mélange de hiplife et de Ragga, connu comme Raglife, un style à l’initiative de Terry Bonchaka.
Prédictions futures
Dans l’optique de l’usage généralisé dans la musique populaire de langues globales comme l’anglais, on peut assumer que l’usage des dialectes par les artistes ghanéens pourrait restreindre leur marché mais les succès précités montre que beaucoup d’actes ghanéens sont parvenu à trouver le succès international sans imiter les artistes occidentaux mais en vendant des sons locaux à une audience globale. La langue comme outil de communication dans la musique ne peut être négligé et a sans aucun doute été un facteur de rapprochement entre le local et le global et étend les possibilités d’appréciation pour une chanson. Le cosmopolitisme culturel a été le forum que beaucoup d’artistes de hiplife ghanéens créatifs et courageux ont mis à disposition de leurs audiences, sans la peur de mettre du « Ghana » dans leur musique.
Etant donné le succès international qu’ont connu les artistes hiplife jusqu’à ce jour, un optimiste pourrait assumer qu’il n’est qu’une question de temps avant que les artistes ghanéens – peu importe la langue utilisée dans leur musique- emmèneront avec eux des Grammys et feront des performances mondiales auprès de fans enthousiastes.
Le futur est prometteur pour le hiplife.
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