Les droits d’auteurs et les redevances musicales au Ghana
Par Charles Amoah
Les redevances musicales sont les paiements collectés et distribués aux détenteurs de droits d’auteur en tant que membres d’une société de gestion collective pour l’usage de leurs œuvres créatives. Etant donné qu’il est presque impossible d’effectuer un suivi précis de l’usage, des licences d’utilisation sont fournies dans la plupart des cas à des consommateurs tels que les chaines de télévision et les radios. Il y a différents types de redevances selon le pays. L’émergence de nouvelles chaines de distribution et d’utilisation tels qu’internet a nourri le besoin de varier les accords de licences et paiements de redevances.
- Photo: View Ghana
Une société de gestion collective est une agence offrant des licences ou une organisation qui gère les droits d’auteurs et autres droits de leurs membres. Ils mettent en œuvre les droits assignés à leurs membres en négociant des contrats de licence pour l’usage de leurs œuvres, collectent les redevances et distribuent les paiements aux membres. Ils entrent aussi dans des accords réciproques avec d’autres sociétés de collection, permettant la collection de redevances pour le compte d’agences basées dans d’autres pays. Les membres d’une société de collection sont typiquement des compositeurs, auteurs/paroliers et éditeurs. Il leur est demandé de répertorier leurs chansons et d’assigner leurs droits à l’organisation pour gérer leurs droits en leur nom[i].
La plupart des pays ont une sorte de société de gestion collective. Les types de collection de redevance et l’environnement ou le pays dans lequel ils opèrent définissent leurs fonctions.
Par exemple, les Etats-Unis ont trois organisations : ASCAP, BMI et la SESAC qui sont des organisations pour les droits de représentation ou PROS qui gèrent les œuvres jouées. Le Royaume-Uni de son côté a plusieurs organisations collectant différents types de redevances, alors que l’Allemagne n’a qu’une seule société la GEMA, récoltant toutes les redevances. Actuellement au Ghana, la Ghana Music Rights Organisation (GHAMRO) est la seule société de gestion collective[ii].
La collection de redevances au Ghana
La mise en place relativement tardive de la première société de gestion collective au Ghana, la Copyright Society of Ghana (COSGA) dans les années 80 souligne l’importance d’éduquer le public sur son fonctionnement, ses membres et comment adhérer. La Ghana Music Rights Organisation (GHAMRO) a reçu l’autorisation de gérer les droits de propriétaires de musique en 2011 reprenant le mandat de la COSGA[iii]. Beaucoup de controverses et d’allégations de mauvaise gestion avaient affecté la COSGA. Il était donc nécessaire de bien rédiger la loi sur les droits d’auteurs et de former un bureau intérimaire afin d’aider dans la mise en place d’une organisation plus efficace. La GHAMRO a reçu la certification et le mandat de restructurer et établir des systèmes d’opération à ces fins. Ce changement important a été bien accueilli parce que la COSGA était tombé sous la compétence du Procureur-Général[iv] et gérée par le Bureau des droits d’auteurs du Ghana (Ghana Copyright Office)[v] au lieu d’être reconnu comme une entité indépendante et gérée par ses parties prenantes. Les fonctions du Bureau des Droits d’Auteurs comprennent maintenant la loi sur les droits d’auteurs, l’enregistrement d’œuvres créatives et l’assistance dans l’éducation des droits d’auteurs et d’autres droits. Le Bureau sert aussi d’arbitre et de liaison entre le Bureau du Procureur Général et les industries créatives.
Difficultés
La GHAMRO, qui se trouve dans sa troisième année d’opération, connait les mêmes problèmes et allégations qui ont ébranlé la COSGA avant elle. Les problèmes pointés par les différentes parties prenantes comprennent : l’absence de transparence et de responsabilité ; le besoin du bureau intérimaire de passer le relai à un Conseil de gestion et la légitimité de sa présente constitution[vi]. Son présent bureau a été attaqué en justice en 2014[vii]. Même si cela semble avoir entravé le progrès de la GHAMRO dans une certaine mesure, les agitations et les intérêts soudains et croissants des actionnaires sont peut-être un pas dans la bonne direction. Cela a conduit à des remises en question, des clarifications et des prises de responsabilités.
Voici quelques obstacles qui empêchent la scène musicale locale de progresser :
- Manque de reconnaissance
Dans le passé, la plupart des musiciens ghanéens commençaient leurs carrières dans des groupes. Leur développement et évolution créative venaient de cet environnement. Cela a conduit à la pratique de créditer les chansons aux chefs de ces groupes (orchestres) et propriétaires. Il était généralement accepté, et à tort, que le compositeur /parolier travaillait pour le chef d’orchestre et était donc payé pour toutes ses contributions. Certaines séparations ont résulté lorsque des compositeurs/paroliers d’œuvres commerciales à succès se sont sentis trompés et ont commencé à exiger la reconnaissance et de meilleures compensations pour leurs œuvres. Plusieurs de ces problèmes non résolus ont conduit à une réticence au niveau des collaborations entre compositeurs/éditeurs provoquant des pertes d’opportunités autant sur le plan national qu’international.
Cela a aussi encouragé au cours des années le système de freelance ou ‘travail à louer’ de la part des compositeurs. Même si cela semble être une alternative plus sure dans la propriété d’œuvres, cela limite probablement le besoin d’exceller si leur créativité dépend de l’indemnité payée. Quelques producteurs et ingénieurs de son embauchés travaillant également comme des musiciens de studio ont adopté la pratique de sampler plusieurs fois des morceaux produits même après avoir été payés. Une pratique qui illustre toujours l’importance de reconnaitre les œuvres créatives.
La question est, si certaines de nos grandes et populaires œuvres ne peuvent pas être correctement attribuées à leurs compositeurs, paroliers/auteurs et éditeurs, comment peuvent-ils être dûment enregistrées, protégées et gérées par une société de gestion collective ? Et surtout, comment peuvent-ils être justement indemnisés pour l’usage de leurs œuvres ?
- Le systeme ‘payola ou les pots-de vin
Une autre pratique destructrice, issue d’une technique maladroite de marketing, et qui doit absolument être règlementé, est le ‘payola, une technique où le présentateur d’un show radio réclame de l’argent aux musiciens et producteurs pour jouer leurs morceaux. Cette pratique a des effets néfastes sur la vente de musique de qualité, repousse les investisseurs, appauvrit et décourage davantage les auteurs. De plus, elle encourage la manipulation dangereuse d’œuvres créatives.
- Le codage à barres (barcode)
La redevance mécanique est déterminée à chaque fois que des œuvres sont reproduites (vinyle, CD, etc…). L’industrie musicale ghanéenne n’a pas de système de barcode ou autre système qui permet de tracer et de documenter correctement les informations sur les propriétaires/contributeurs des œuvres à reproduire. L’absence de ces méthodes de suivi et de calculs (reconnus et utilisées partout dans le monde) rend impossible le paiement de redevances. Les tentatives précoces de la COSGA de résoudre cela en fournissant des étiquettes appelées Banderoles ou Ghamugram à des producteurs exécutifs et fabricants afin d’évaluer le nombre d’impression de disques a échoué. Son échec peut s’expliquer par des critiques sur sa mise en place précaire, un manque de transparence et sa tendance à encourager la fraude.
- Le piratage
Il y a aussi le problème global du piratage. Mais au Ghana, ses effets néfastes n’ont été pris en compte que récemment. Des mesures appropriées n’ont donc pas été mises en place à temps afin de dissuader les coupables. Les forces de la loi ont également besoin de plus d’éducation pour protéger et aider à contrôler le problème et les coupables eux-mêmes ne comprennent pas pourquoi cela est considéré comme un crime. Les mesures punitives imposées par les tribunaux n’étaient pas assez strictes pour être efficaces. Des pratiques dangereuses et désespérées telles que des musiciens qui négocient des termes indemnisations avec les acteurs de telles pratiques, sont devenues plus attractives que d’essayer de les poursuivre en justice.
Une des premières initiatives de GHAMRO était de s’allier avec les autorités pour établir une force d’action pour poursuivre les coupables. Le besoin d’une approche plus stricte devenait de plus en plus évidente, surtout lorsque des coupables arrivent systématiquement à échapper aux poursuites.
- Les systèmes d’enregistrement
La société de gestion collective au Ghana a fait preuve d’efficacité dans la collection de redevances venant de The Ghana Independent Broadcasters Association (GIBA)[viii], des grands hôtels et restaurants. Mais les critiques pensent que maximiser le potentiel de collectes de redevances au Ghana ne pourra être réalisé sans système d’enregistrement et d’identification exacte de la plupart des utilisateurs/consommateurs. Ces obstacles donnent lieu à la distribution de sommes dérisoires aux paroliers et éditeurs.
Conclusion
Les nouvelles tendances de l’industrie couplées aux difficultés économiques, poussent l’industrie musicale ghanéenne à se conformer aux standards internationaux afin de réussir. Des discussions à travers les média, ateliers et séminaires éducatifs financés par des organisations telles que Goethe Institute[ix], ont un énorme impact. Les avantages d’une société de gestion de droits d’auteurs et de la distribution de redevances, deviennent désormais visibles.
Si les bonnes structures sont mises en place, les partisans pensent que cela corrigera beaucoup de problèmes auxquels l’industrie est confrontée aujourd’hui et créera de l’emploi durable dans d’autres secteurs liés de l’économie. GHAMRO, ou toute autre future société de collection au Ghana, doit sa survie et sa réussite en apprenant les leçons de ses échecs passés et en améliorant les aspects positifs. De plus, il est nécessaire d’identifier les ressources matérielles et humaines nécessaires pour mener à bien ce vaste projet.
[i] For more information on copyrights and royalties, see “What Exactly is a Music Copyright?” (www.legaljungleguide.com/resourc/musician/articles/musiccopyright.htm); "How Music Royalties Work" (http://entertainment.howstuffworks.com/music-royalties2.htm); and “What About Royalties? A Sound Guide for Musicians” (www.venturenavigator.co.uk/content/royalties_guide_for_musicians). [ii] https://www.facebook.com/ghamro [iii] “GHAMRO Takes Over From COSGA”. News One, 20/01/2012. <www.news1ghana.com/?p=19789> [iv]http://www.ghana.gov.gh/index.php/2012-02-08-08-18-09/ministries/259-ministry-of-justice-attorney-general [v] http://www.copyright.gov.gh/ [vi] “GHAMRO Under Pressure To Elect Substantive Executives”. Ghana Showbiz, 06/11/2013. Available online from http://showbiz.peacefmonline.com/pages/music/201311/179531.php [vii] “GHAMRO SPLITS…Goes to court”. GhanaWeb, 21/06/2014. Available online from http://www.ghanaweb.com/GhanaHomePage/entertainment/artikel.php?ID=313724 [viii] http://www.ibagh.org/ [ix] http://www.goethe.de/ins/gh/acc/enindex.htm
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