Les femmes dans la musique guinéenne
En Guinée les femmes sont faiblement représentées dans le monde musical. Quelques années plus tôt, elles avaient du mal à s’imposer dans ce domaine. Cependant, en fonction des genres, des progrès sont notés.
D’abord il était très difficile de trouver des femmes qui ont du talent pour la musique qui ne soient pas issues des familles de griots. Celles qui viennent de ces familles ont le plus souvent acquis de l'expérience auprès de leurs ainés et ne rencontrent pas d’obstacles d’ordre familial à leur volonté de se lancer dans la musique.
Ensuite, il y a la tradition et les mœurs guinéennes, qui constituent un grand obstacle pour les femmes qui veulent faire carrière dans la musique. La société guinéenne voit très mal une femme (sauf celles issues de famille de griots ) s’exposer devant un public, sortir à des heures tardives pour les studios d’enregistrement, pour des concerts ou encore pour quelques rencontres culturelles que ce soient. Elle est tout de suite stigmatisée car pour les familles conservatrices, cela n’est possible qu’avec les hommes.
Il y a aussi l’aspect religieux. La Guinée est un pays avec une majorité de musulmans, il est très difficile de voir une famille musulmane pratiquante (saud les familles de griots) permettre à sa fille de se lancer dans la musique. Elle se base souvent sur l’argument selon lequel le Coran interdit cet art.
Malgré ces obstacles, quelques Guinéennes ont réussi à faire parler d’elles. Le parcours du groupe Les Amazones de Guinée en est une parfaite illustration. Créé en 1961, ce groupe constitué de femmes gendarmes a joué dans de nombreux pays africains et a représenté la Guinée à maintes reprises dans les années 60 et 70.
En 1977, les Amazones participent au FESTAC de Lagos au Nigeria ; ce qui leur a valu plus d’ouverture à travers le monde. Elles enregistrent leur premier album en 1983, en France, lors de leur participation à un concert à Paris. Elles deviennent alors les artistes africaines les plus sollicitées à travers le monde. Elles sont ainsi appelées « Les déesses de la musique africaine ». De nos jours, beaucoup d’entre elles sont décédées, d’autres parties à la retraite mais le groupe existe toujours, avec des anciennes comme la guitariste Yaya Kouyaté et quelques recrues des années 2000. Elles sont sollicitées à l’occasion de toutes les grandes cérémonies en Guinée.
Nous pouvons également citer d’autres femmes qui ont tenté l’aventure dans la musique populaire appelée également « La Mamaya ». Oumou Dioubaté, « La Dame Chic Choc », issue d’une famille de Djély (griots) a été découverte pour la première fois en 1975 lors du festival National et depuis, elle a marqué de son talent la musique guinéenne. Elle a son actif plus de 4 albums.
Il y a aussi Mamaissata Kamaldine Conté, à la voix si douce, elle est de la deuxième génération de la révolution musicale guinéenne. Elle a fait découvrir le zouk love dans les langues guinéennes notamment le Soussou.
Binta Laly Sow, à travers son titre « Bouloun Djouri » (le miel) pour parler de ce qui est doux, dans une mélodie pastorale a pu se faire une place dans ce domaine, même si cette renommée n’a pas perduré.
Néné Gallé Lega Bah, Fatou Linsan Barry, Sonna Tata Condé l’épouse de l’artiste Sékouba Kandia Kouyaté, Sayon Camara sont toutes de cette catégorie et ont toutes su s’imposer à travers leurs musiques.
Il y a aussi un autre groupe de femmes qui évoluent dans la musique traditionnelle appelée généralement par les peuls, Poodha (avec des instruments traditionnels). Elles sont très sollicitées pour les cérémonies de mariage et pour les veillées dans les bars américains. Le titre « touroutourou » de l’artiste Maimouna Seck est un véritable succès en Guinée. Ce tube qui est devenu l’hymne d’une frange de la population en 2017 connait un véritable succès dans toutes les boîtes de nuit du pays.
Cependant dans la musique urbaine peu de femmes sont fait remarqués. Mais il faut reconnaitre que le domaine de la musique urbaine est un milieu très masculin, et pour les femmes il est très difficile de s’y imposer. En novembre 1997, le tout premier groupe de Rap / RnB féminin du nom de Ideal Black girls a été créé par des jeunes lycéennes à l’époque Dine, Hadji, Nat et Miss Bah. Elles ont développé un hip-hop teinté de RnB et chantaient dans quatre langues : le soussou, le maninka, le poular et le français.
Défenseuses de la cause féminine, elles traitaient dans leurs chansons des sujets tels que l’excision, le mariage forcé, la justice. En 2003, elles ont sorti leur premier album Guinéya mou monera traduisez : ce n’est pas un problème d’être une femme. Un album qui a connu un grand succès avec près de 70.000 exemplaires vendus.
Après plusieurs années de pause, le groupe revient en 2009 avec le titre « Fans » et la même année, il est sélectionné pour le concours Prix Découvertes RFI avec le titre « Gars te blague ». Le groupe Ideal Black Girls a tenté de faire grandir le rap féminin en créant le festival Rap Sodiz pour détecter de nouveaux talents malheureusement, le festival a fait long feu.
Depuis la disparition de ce groupe de la scène urbaine, très peu de filles ont suivi leurs traces. Ce n’est qu’en 2012 que les choses ont commencé à changer, des promoteurs culturels acceptent d’accompagner un peu plus les femmes pour faire carrière dans la musique urbaine, d’où le « petit succès » de l’artiste Khady Diop qui a une dizaine de titres à son actif. D’autres figures féminines comme Ashley, Sister Lessa, Keyla K sont en train de faire leurs premiers pas dans le domaine.
« Il faut avouer que la disponibilité de la femme pour la musique pose problème aussi », a fait remarquer Rahim Diallo, le responsable de maison de production de Khady DIOP. Il soutient que les femmes ne s’investissent pas totalement dans leur carrière. Souvent, pour des raisons sociales elles ne respectent pas leurs engagements. Ce qui n’encourage pas, selon cet opérateur culturel, les producteurs à investir dans les carrières des femmes. Il se dit tout de même optimiste quant à un changement de mentalité qui est en train de prendre forme.
Une artiste rencontrée au centre culturel franco-guinéen de Conakry justifie ce problème de disponibilité par le poids de la société sur les femmes : « À un certain moment de notre carrière, on se dit qu’il faut fonder une famille, mais si on ne tombe pas sur un homme compréhensif et qui nous accompagne, on va lâcher surtout lorsqu’on commence la maternité… »
Elle parle aussi d’un manque de soutien. « Dans ce milieu, beaucoup d’hommes ne veulent pas que les femmes les dépassent en matière de succès, ils ne nous font aucun cadeau. Malheureusement aussi, l’État aussi ne s’investit pas assez dans la culture encore moins dans les femmes musiciennes… »
Cependant, Il faut quand même reconnaitre que la présence des femmes sur la scène musicale en Guinée a considérablement évolué depuis les années 60.
De plus en plus, elles osent se lancer dans la musique malgré les pesanteurs. Avec les mentalités qui changent, on peut parier qu'elles seront nombreuses, dans les années-à venir, à saisir leur chance et conquérir la scène musicale guinéenne
Commentaires
s'identifier or register to post comments