Les médias et la musique au Botswana
- Par Modirwa Kekwaletswe
Le Botswana a connu des débuts quelque peu laborieux en termes de développement des médias. En 2017, le pays comptait cinq stations de radio, une chaîne de télévision nationale et une douzaine de journaux. Malgré des investissements financiers importants effectués, le pays n'a pas encore tiré profit du passage au numérique, alors que les producteurs locaux de contenus ont du mal à vendre leurs oeuvres sur la chaîne de télévision publique, Botswana TV (Btv). Cet article examine les différentes composantes à l'œuvre, bien entendu dans le secteur des médias et leur impact sur l'industrie de la musique.
Un peu d'histoire
Le secteur des médias de radiodiffusion (radio et télévision) a connu une croissance exponentielle depuis la fin des années 1990, après une longue accalmie dans les années 1970 et 1980. Les statistiques disponibles montrent que les ménages possèdent plus de postes de radio que de téléviseurs, en particulier dans les zones rurales.
Il existe actuellement deux stations publiques (Radio Botswana 1 et Radio Botswana 2) et trois chaînes privées (Yarona FM, Gabz FM et Duma FM). La radio est de loin le média le plus accessible au Botswana et la source d'information la plus populaire pour la majorité des citoyens de ce pays [1]. Aucune des stations de radio n'a obtenu de licence pour émettre en tant que station de débat et la musique représente au moins 40% des émissions quotidiennes sur toutes les stations de radio.
Les stations de radio d'État
Le Botswana possède des médias d'État et des médias privés. Historiquement, le doyen de la radio dans le pays, Radio Botswana (RB), a été la première station lancée en 1961 à partir d'un petit émetteur dans la capitale provisoire de Mafeking (connue aujourd'hui sous le nom de Mahikeng en Afrique du Sud). Elle a été rebaptisée Radio Botswana et intégrée au Ministère de l’information et de la radiodiffusion (Department of Information and Broadcasting Services - DIBS) en 1966, lorsqu'elle a aménagé à Gaborone après l'Indépendance. La station diffuse des informations et du contenu sur le développement. Elle émet en anglais et en setswana, essentiellement de la musique dans ses programmes. Radio Botswana était la seule station de radio au Botswana pendant l'Indépendance et a continué à jouir d'un monopole jusqu'en 1997.
L'autre chaîne publique est Radio Botswana 2 (RB2), lancée en avril 1992. RB2 complète les programmes de Radio Botswana en se concentrant sur les questions concernant les jeunes. Initialement, elle desservait Gaborone et ses environs. Cependant, RB2 est devenue une radio nationale en 2001 visant à répondre aux besoins d'un public contemporain, de jeunes professionnels urbains et du monde des affaires. RB2 est en concurrence directe avec des stations commerciales privées pour la publicité. Vu qu'elle est axée sur les jeunes, elle semble avoir un impact sur le développement de la musique dans le pays.
Le gouvernement du Botswana n'a pas encore accordé de licence à une radio communautaire malgré le fait que la politique en matière de radiodiffusion du pays prévoit ce type de licence. La principale raison avancée par le gouvernement est que les radios communautaires sont susceptibles de semer la discorde et de diviser la nation suivant des clivages tribaux, comme ce fut le cas dans d'autres pays africains [2].
L'avènement des radios privées
En 1997, le gouvernement du Botswana a libéralisé les ondes. Un nouvel organisme, le Conseil national de l'audiovisuel (National Broadcasting Board - NBB), a reçu le mandat de délivrer des licences de radiodiffusion. Le monopole de RB2 sur le divertissement des jeunes a été mis en cause lorsque trois stations privées basées à Gaborone, à savoir Yarona FM, Gabz FM et Duma FM, ont obtenu une licence. Les nouvelles stations offrent une plate-forme plus large aux artistes du Botswana pour passer à l'antenne.
Les trois stations commerciales ont commencé à émettre dans un rayon de 60 km couvrant Gaborone et l'intérieur du pays. En 2008, elles ont obtenu la licence pour émettre dans tout le pays. Cette autorisation leur a permis de renforcer leur empreinte tout en augmentant de manière considérable leur audience et leurs recettes publicitaires. En général, les trois stations offrent plus ou moins les mêmes programmes. À l'exception de Yarona FM et Gabz FM, Duma et RB2 se disputent le même public et les mêmes publicitaires. Les principaux publicitaires de la radio commerciale sont les sociétés de téléphonie cellulaire. Ces dernières organisent divers concours tout au long de l'année.
Quelques faits en bref
Yarona FM
- La première station de radio privée à émettre au Botswana en août 1999.
- La station a connu un départ difficile. Toutefois, elle a progressivement amélioré ses programmes et son offre commerciale.
- La station s'est imposée comme plate-forme des jeunes et leurs enjeux.
- La musique représente plus de 70 % de ses programmes.
- Les émissions comprennent de la musique pop urbaine
- Elle a recruté un responsable de programme pour élaborer un format d’émission et en assurer la cohérence.
Gabz FM
- La station a commencé ses activités en 1999.
- Elle a officiellement émis en anglais mais la plupart des invités, certains présentateurs et interlocuteurs imposent la langue vernaculaire (Setswana).
- Les émissions consistent en un mélange de 30% de débats, comversations et de 70% de musique.
- Elle est l'une des principales radios commerciales pour adultes au Botswana.
- Son auditoire rassemble la tranche d'âge économiquement active, soit 25-49 ans.
Duma FM
- En 2017, Duma FM était la dernière station de radio à avoir obtenu une licence au Botswana.
- Elle compte attirer les auditeurs plus âgés (le même public cible que les stations Gabz FM et RB).
- Selon le rapport d'audience de 2009 publié par l’Autorité des télécommunications du Botswana, BTA Audience report (2009), l'audience de Duma FM était composée à 58% d'hommes et 42% de femmes.
- Bien qu'elle n’ait pas obtenu de licence pour émettre en tant que station de débats, Duma FM comprend dans ses programmes 60 % de débats et 40 % de musique.
- Elle émet en anglais mais elle est confrontée aux mêmes problèmes que Gabz FM, où les invités et les interlocuteurs imposent le Setswana.
Btv et la musique
Btv, qui appartient à l'État, est le seul radiodiffuseur national du pays. Il a commencé à émettre en juillet 2000 et émet sur des faisceaux analogiques et par satellite dans plusieurs pays d'Afrique australe. En tant que station d'État, Btv n'accorde pas beaucoup d'importance à générer des recettes provenant de la publicité. La station dépend des financements publics pour ses activités.
La musique occupe une place prépondérante dans les programmes de Btv. L'une des émissions les plus populaires sur Btv est Mokaragana, qui présente des artistes locaux. L'émission de 50 minutes est diffusée le samedi et réuni divers artistes. Flava Dome, qui est diffusé le vendredi soir, est un autre programme de divertissement présenté sur Btv. Il combine de courtes interviews, des spectacles en direct, des DJs qui animent en direct et des vidéo-clips. Il y a également Melodi Ya Kgalaletso (Cantiques de louange), une émission religieuse qui diffuse le dimanche. Btv fait passer également des vidéo-clips locaux pour remplir ses programmes.
L'impact de la télévision sur la musique va au-delà de la diffusion de vidéo-clips et de spectacles en direct, comme dans le cas de Mokaragana et Flava Dome. Btv avait également accueilli une émission de musique, My African Dream (MAD), consacrée à découvrir des talents. La station a également diffusé My Star3, une autre émission qui est un concours de talent musical, calqué sur Idols. En tant qu'initiative gouvernementale, toutes les principales activités des concours à l’occasion de la Journée du Président, President’s Day Competitions, sont diffusées en direct sur Btv, offrant ainsi une plate-forme aux artistes nouveaux et établis pour présenter leur musique.
Btv est en concurrence directe avec les chaînes sud-africaines eTV et SABC, qui sont accessibles localement grâce au récepteur de satellite Philibao. Selon l’étude du Botswana All Media and Production Survey (BAMPS)[4], environ 77 % de la population regarde les programmes de télévision à la maison et 15 % en dehors. Les chaînes de SABC sont populaires en grande partie en raison de leurs feuilletons et des retransmissions de matches de football qui jouissent d'une grande popularité au Botswana.
Les critiques à l'encontre de Btv
Malgré ces efforts déployés, Btv est largement critiquée pour son incapacité à acheter du contenu [3]. Dans le cas où Btv acquiert et diffuse des vidéo-clips, elle est réputée pour le retard dans les versements ou les non-versements des quotes-parts à la Société de gestion des droits d'auteur du Botswana (Copyright Collecting Society of Botswana - COSBOTS). C'est le cas, par exemple, lors des célébrations du 50e anniversaire de l'Indépendance. Le ministère de la Jeunesse, de la Culture et des Arts a annoncé que pendant tout le mois de septembre 2016, Radio Botswana, RB2 et Btv (sous l'égide du Ministère de l’information et de la radiodiffusion) ne diffuseraient que de la musique locale. Beaucoup d'artistes ont célébré cette annonce, s'attendant à des redevances exceptionnelles. En septembre 2017, le Ministère de l’information et de la radiodiffusion n'avait toujours pas payé ce qui était dû aux artistes [5].
Étant donné qu’il n’existe pas de station de télévision privée viable dans le pays, les artistes ne disposent que de peu d'options pour passer à l'antenne. La deuxième chaîne diffusant en clair par voie hertzienne est eBotswana (anciennement GBC), lancée en 2010. Elle émet à partir d'un petit émetteur à Gaborone et n'est accessible que dans un rayon de 50 km. Bien qu'elle diffuse de la musique dans le cadre de ses programmes, la motivation pour lui fournir du contenu est faible en raison de son empreinte limitée et de ses faibles revenus.
L'avenir de la musique botswanaise sur Btv
L'absence d'alternatives signifie que les publicitaires ne peuvent promouvoir leurs produits que sur Btv. La station accuse toujours du retard en ce qui concerne la diffusion de contenu local et dépend de l'approvisionnement en productions étrangères. Des efforts ont été déployés par des producteurs indépendants en vue de créer des œuvres locales. Cependant, ils affirment que les offres de Btv ne correspondent pas au marché et ne sont pas rentables ; en effet elles ne permettent pas de couvrir les coûts de production.
Les seules productions qui subsistent sont celles qui sont réalisées à l'interne par la station ainsi que celles qui sont en mesure d'obtenir des sponsors. Btv vend des heures de grande écoute à des producteurs indépendants. Dans certains cas, la station entretient des relations commerciales avec des producteurs. Les émissions Prime Time live et First Issues, tous axés sur le monde des affaires, en sont des exemples. La station compte des « temps morts » et des « heures de grande écoute » importants qui pourraient être utilisés par à bon escient par des producteurs indépendants ou en herbe.
Sources et citations :
- [1] Baseline Media market Study for Mmegi Investment Holdings, Care4 Research, 2012, Gaborone.
- [2] Daily News, Community Radio Stations: To be or Not to be, 24 November 2016, Gaborone.
- [3] http://www.academia.edu/11141646/BTV_Fails_The_People_an_analysis_of_Botswana_Television_News
- [4] Botswana All Media and Products Survey (BAMPS), MTC Marketing and Research Solutions, 2007, Gaborone.
- [5] http://www.thegazette.news/govt-confirms-delay-in-paying-musicians-royal...
- Botswana media stats: www.nationmaster.com/country-info/stats/Media/Broadcast-media
Avertissement/Clause de non-responsabilité
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Ce texte a été traduit de l’anglais par Harvey Akwa Kitambika.
Revu et corrigé par Patricia Yumba Muzinga
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