Lu et adoré : La face cachée de Ndongo Lô
Livre : La face cachée de Ndongo Lô Auteur : Déthié Ndiaye Edition/ Année : Wissen /2017
Il était une fois l’histoire d’un petit garçon de la banlieue qui avait une passion : la chanson. Mais son père ne l’entendait pas de cette oreille. Car dans cette jungle qu’était Pikine, il fallait coûte que coûte que sa progéniture se tienne loin des mauvaises fréquentations. Et une carrière de chanteur était la plus sûre voie pour en avoir. Le clash entre le père et le fils s’opère. Ce dernier est mis à la porte de la demeure familiale, sous les yeux impuissants de sa mère et de ses frères et soeurs.
Ce petit garçon, c’est Ndongo Lô, Ndongo Niang à l’état-civil.
Avant de vous parler plus longuement de la vie et l’oeuvre de ce génie de la musique trop tôt arraché à notre affection de mélomanes, laissez-moi d’abord féliciter celui qui a eu l’excellente idée d’écrire un livre sur Ndongo Lô, en l’occurrence Déthié Ndiaye. Ndongo Lô est décédé en 2005, et douze ans après, l’amour que lui portent ses fans demeure intact. Il s’est même intensifié les années défilant. À part quelques émissions télé, des interviews de ses proches, aucun hommage véritable n’a été rendu à cet artiste de talent. Pis même, la ville de Pikine qui l’a vu grandir et qu’il a tant chanté, n’a pas la plus petite ruelle portant son nom.
Déthié Ndiaye est donc venu réparer cette injustice en écrivant La face cachée de Ndongo Lô. Il occupe toujours une large place dans ma playlist quotidienne, car douze ans après sa mort, ses chansons restent plus que jamais d’actualité. J’encourage vivement les critiques et les histoires à se pencher sur les parcours des musiciens, hommes politiques, notables, sportifs, en gros ceux qui ont marqué par leur parcours l’histoire de notre pays. Les ouvrages qui seront tirés de leurs vécus seront grandement utiles à la postérité et feront à coup sûr des émules.
Pour en revenir à la musique, après avoir lu les ouvrages autour de Baaba Maal et Omar Pène, c’est avec un grand plaisir que j’ai lu La face cachée de Ndongo Lô.
Comme je l’ai écrit plus haut, Ndongo Lô sera mis à la porte de chez lui par un père intransigeant qui ne voulait pas entendre parler de musique sous son toit. Le jeune homme sera hébergé par diverses personnes, qu’il a avec gratitude remercié dans chacun des trois albums qu’il nous a laissé, à savoir Ndoortel, Tarkhiss et Aduna.
Chants religieux, mariages, baptêmes, simb, kassak, Ndongo Lô ne négligera aucun moyen d’affûter sa jeune voix - déjà belle - pour se faire aussi un peu d’argent pour aider sa mère - la brave Mariétou Fall - et avoir un public. L’attachement de Ndongo Lô à sa mère est sans commune mesure. Elle qui l’a aidé à parfaire ses textes, à croire en son étoile malgré le refus paternel, qui lui apportait des vêtements de rechange quand il logeait chez ses amis, mérite tous les honneurs.
La carrière de Ndongo Lô a été si courte qu’il n’a eu le temps de sortir que trois albums studio. Mais paradoxalement, elle m’a semblé être plus longue, du fait de sa fulgurance. Les années de galère cèdent vite le pas à des succès retentissants et le jeune homme frêle à la voix de velours commence à se faire une renommée dans le landerneau musical sénégalais.
Ses amis et souteneurs font bloc autour de lui et le soutiennent. Ils ont pour nom Petit Mbaye, promoteur, Pape Diop, ancien Maire de Dakar, Alla Diop, le maître, Malick Diouf, DJily Niang, le manager, Habib Faye et Papis Konaté les musiciens, le groupe Jaam, Mayacine Diop, Djily Niang, Adji Goumbé, la bien-aimée, de même que ses frères. Ndongo gravit les échelons à toute vitesse et brille.
Au-delà de l’aspect musical, il permet de dépoussiérer l’image chargée de préjugés (pas toujours favorables) accolée à l’évocation de la banlieue. Une nouvelle génération émerge et se décomplexe. À l’image de Mohamed Ndao Tyson, lutteur et précurseur du mouvement Bul Faalé, Pikine renaît.
Mais tout cela commence à ressembler à un conte de fées, alors que c’est loin d’être le cas. Son encadrement est informel, sa carrière mal gérée et il est au bord de l’épuisement. Sa générosité le pousse à prendre des décisions inconsidérées, qui le poussent dans des situations extrêmes, pouvant l’amener à n’avoir aucun revenu ; après avoir gagné des milliers de francs lors d’une soirée, il lui arrive de redistribuer tout et de rester sans le sou.
Et c’est là que la maladie interviendra. Il meurt brutalement en 2005, après avoir respecté l’engagement de trop. Mort sur scène, il laissera aux yeux de ses fans l’image d’un chanteur qui sera allé au-delà de ses capacités. À son décès, les langues se délient, chacun y va de son commentaire, et difficile est de démêler le vrai du faux.
En donnant la parole à ceux qui l’ont accompagné du début à la fin de sa carrière, Déthié Ndiaye nous permet d’avoir un autre aperçu de l’homme que fut Ndongo Lô. Les témoignages s’enchaînent, tous plus émouvants les uns que les autres. L’auteur parvient tour à tour à s’effacer pour laisser parler ses interlocuteurs, et ensuite reprendre le dessus pour commenter ces témoignages. On peut facilement avoir la larme à l’oeil, je vous préviens ! Et j’ai trouvé cela admirable, pour avoir lu l’ouvrage en 48h ! Bonne lecture et repose en paix l’artiste !
Je vous suggère ce superbe documentaire sur la vie de Ndongo Lô.
Commentaires
s'identifier or register to post comments