Majid Bekkas, ce globetrotter musical venu d’Afrique du Nord
Musicien habité par de multiples influences, Majis Bekkas drague le passé pour mieux enjamber le présent. Il plonge dans la réalisation de Joudour (racines), un nouvel album à paraître en octobre prochain avec des singles à découvrir dès le mois de juin.
En fait, l’étoile enracinée de l’underground marocain ne vit que pour faire de la musique, jusqu’à ce qu’essoufflement s’ensuive. Et encore ! Il est capable de continuer hors respiration, en inter-changeant ses différents médiums à cordes, en convoquant tous les dialectes qui sommeillent en lui.
Car, pour lui, pendant le cessez-le-feu, la guerre se poursuit. Une guerre où le conflit est une belle succession de batailles assimilées aux sons enfouis, à des méditations où l’œil se confond avec l’oreille.
L’originaire de Zagora (Sahara marocain) est un gnaoui rageusement jaloux de ses racines. Cette culture, il en consomme avec gourmandise même si elle ne le nourrit pas aveuglément. Il se dit ouvert à tout, clame son «innocence» lorsqu’on lui force la main face à cette mouvance de plus en plus en vogue. Majid Bekkas le dit tout de go : «La musique gnaoua fait partie de ma vie, mais elle n’est pas toute ma vie. Il est vrai qu’elle m’a bercé pendant mon enfance, mais j’ai été également influencé par le phénomène Nass El Ghiwane, par le blues de John Lee Hooker, BB King, Sam Cook, Ray Charles... L’Afrique aussi m’a emballé. J’ai chanté du Fela Kuti, du Salif Keita, du Farka Touré… En somme, ma vie c’est la musique gnaoua dans toute sa diversité, malaxée à sa large dimension africaine. La preuve, lorsque j’ai enregistré en 2002 mon premier album en Belgique, je l’ai baptisé ‘African Gnaoua Blues’. Voilà qui résume ce que je viens de détailler. »
Pourtant, Bekkas -18 albums au compteur- n’est pas forcément que dans ce détail lorsqu’il prend quelques responsabilités au festival rbati des Oudayas de la Communauté européenne, ou quand il assure la direction artistique de l’évènement «Jazz sous l’Arganier» d’Essaouira. Ce gnaoui dégagé se dit amoureux de son art, mais aussi le serviteur d’un public qui lui est continuellement fidèle. Ce qui maintient en vue le show man.
Au fond de sa besace de globe-trotter musical, on déniche huit années de cours de guitare classique inculqués au Conservatoire de Rabat, la capitale marocaine. Majid Bekkas se crée des connexions qui deviennent des circuits finement tracés. Le choix de ses complices de scène est également ficelé, faisant appel au feeling. Pour son prochain opus, il reprend le même label belge qui a cru en lui en 2002.
Une célébration sonnant les vingt ans de cette première collaboration. Bekkas y invite une huitaine de musiciens. On croise dans le line up les Marocains Khalid Kouhen (percussions), Foulane Bouhssine (ribab), Ali Charfi (ney et kawala), le saxophoniste et flûtiste belge Manuel Hermia, le pianiste autrichien Michael Hornek, le bassiste mozambicain Childo Tomas, le percussionniste camerounais Biloud Darwich et le récurrent batteur algérien Karim Ziad. Avec Abdelmajid Bekkas seul, hors composition, c’est toute une formation qui s’annonce : oud, guembri, guitare, ngoni, bouzouki, kalimba, balafon et chant.
Et avec cela, se sent-il heureux ? «Le bonheur, c’est d’abord être en bonne santé. Partant de là, être productif et utile. Réaliser ses rêves et défendre les principes du vivre ensemble, de la paix.» Ce bûcheur qui vit là où ses pas le mènent, poursuit en philosophe inavoué : «Le plus pesant pour moi, c’est être, pas avoir été. Cela veut dire que je peux encore penser, produire, exister.»
Nous voilà requinqués à l’absorption de cet enivrant élixir.
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