Musiciens algériens : faire acte de résistance
La situation socioprofessionnelle de l’artiste musicien algérien est difficile, et souvent elle se révèle aléatoire. Il lui est quasi impossible de vivre de son art. Toutefois, il arrive à se débrouiller et à s’en sortir financièrement, car diverses opportunités se présentent à lui ; ses occasions inespérées lui procurent un contexte favorable dans lequel il pourra exercer son métier et, par conséquent, gagner sa vie ; et même si cela ne suffit pas pour autant à constituer des sources de revenus régulières, il parvient cependant à avancer dans sa carrière et à se faire un nom sur la scène. La vie de l’artiste n’est pas facile. C’est un combat au quotidien, parce qu’il ne doit pas baisser les bras. Il doit faire toujours acte d’entêtement, d’endurance et de persévérance.
Par Yacine Idjer
La difficulté d’être musicien
En Algérie, il est difficile d’être un artiste ; et comme tous les autres artistes de quelques bords que ce soient, il est aussi pénible de l’être en étant musicien. Tous partagent la même réalité. Ils vivent la même situation professionnelle, endurent la même condition sociale, essuient les mêmes déconvenues, les mêmes désillusions.
Mais l’amour pour l’art fait que tous ces artistes continuent de s’adonner à leur activité artistique tout en sachant qu’il est quasi impossible de vivre amplement de ce que leur sensibilité peut produire comme création.
Pour un musicien, il est donc difficile de gagner sa vie à la musique. Son art, seul, ne peut lui suffire à mener une vie, socialement parlant, confortable.
Il se trouve alors contraint de diversifier ses sources de revenus, en ayant, parallèlement, une activité professionnelle qui n’a rien à voir avec son talent musical.
Ainsi, force est de constater que la plupart des artistes (chanteurs, paroliers, compositeurs …) vivent leur art comme une seconde nature, alors que leur disposition musicale est innée chez eux ; leur aptitude musicale, ils ne la manifestent pleinement pas, seulement circonstanciellement, lorsque l’occasion de se produire sur scène, d’écrire ou de composer une chanson, se présente à eux.
De quelle façon les musiciens gagnent-ils leur vie ?
En dépit du marasme dans lequel les artistes végètent, le musicien algérien arrive toutefois à se débrouiller et à s’en sortir financièrement, et ce, en prenant part à des festivals et d’autres rassemblements artistiques. Il parvient, par là, à organiser sa vie musicale.
Il faut savoir que la scène musicale algérienne s’organise autour de deux genres musicaux : le traditionnel et le moderne. Tous les deux ont leur public.
Les musiciens de la jeune génération – ceux notamment qui versent dans les musiques fusions – bourgeonnent et évoluent sur diverses scènes (cafés, boîtes, restaurants, salles de concert, universités, hôtels, galas…) qui leur offrent la possibilité de se produire et l’occasion – surtout pour les groupes naissants – de se faire connaitre et d’affirmer leur talent, avec l’espoir, un jour, de percer. Il y a aussi les tournées nationales pour les groupes qui bénéficient d’une notoriété auprès du public.
Quant à ceux qui œuvrent dans les musiques relevant du patrimoine, il y a certes les concerts donnés dans les salles de spectacle ou lors des festivals ou encore lors des tournées nationales, mais ces musiciens gagnent leur vie, et ce qui est rentable pour eux, en animant des mariages. Là, ils sont énormément sollicités. Aussi, l’enregistrement d’albums spécial fête que les DJ exploitent pour animer les mariages, constitue une importante source de revenus pour ces artistes.
D’autres possibilités sont, par ailleurs, offertes aux musiciens : les chaines de télé, lors des émissions, où ces derniers sont invités à assurer un moment de scène.
AARC, CCA, l’ambition de faire connaitre la musique algérienne
Il y a également des dates à l’étranger où les formations musicales sont invitées à donner des concerts grâce au soutien de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel, un opérateur étatique chargé d’organiser et de co-organiser des manifestations culturelles dans le monde, et ce, pour promouvoir et diffuser la culture algérienne, entre autres la musique qu’elle soit actuelle ou ancestrale.
Il faut dire que cet organisme joue un rôle important à faire connaitre les musiciens auprès du public étranger et constitue, en outre, pour ces derniers, une importante source financière.
Le centre culturel algérien de Paris (CCA), qui dispose de plusieurs installations dont une salle de spectacle, contribue à offrir aux musiciens la possibilité de gagner leur vie en tant qu’artiste en les invitant à monter sur scène.
En effet, les concerts où tous les genres musicaux (chaâbi, arabo-andalou, malouf, musique kabyle, rai, musique moderne….) sont représentés à travers des chanteurs connus et moins connus, occupent une grande place dans la programmation de l’établissement, et ce, pour répondre aux gouts aussi divers que variés du public.
Le Centre culturel algérien de Paris et l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel ont cette ambition de faire connaitre la musique algérienne dans toutes ses formes et sa diversité, en mettant en valeur le talent de l’artiste algérien.
Les services culturels des ambassades : renforcer la collaboration avec les musiciens algériens
D’autres opportunités s’offrent aux musiciens, le plus souvent ceux qui évoluent dans les musiques actuelles, prodiguées par les services culturels rattachés aux ambassades, ou par les centres culturels étrangers (Français, Espagnol, Italien…), il y a également la délégation de l’union européenne qui participe à cet élan.
L’activité de ces institutions consiste à favoriser la formation, notamment sur le plan artistique, et à entretenir les relations culturelles ; ils soutiennent la collaboration avec les artistes algériens pour une meilleure inclusion dans différents projets artistiques.
À cet effet, ces institutions œuvrent à travailler avec notamment les jeunes talents pour leur permettre d’enrichir pleinement leur potentiel, et ce, en organisant des événements novateurs et de grande qualité et développer, dans ce sens, des collaborations créatives, dynamiques et durables ; ces jeunes artistes sont donc associés à divers projets.
Ainsi, les jeunes musiciens participent à des workshops ou des résidences artistiques soit en Algérie soit dans le pays en question ; et à l’issue de ces ateliers de création, ils présentent leur travail lors d’un concert.
Ce type d’expérience leur permet, d’une part, de s’ouvrir à ce qui se fait autrement en matière de création musicale et de s’en nourrir, et, d’autre part, de faire évoluer leur carrière d’artiste sur le plan professionnel.
Par ailleurs, les services – ou centres – culturels étrangers proposent aux jeunes musiciens des bourses d’études ou des mini-tournées dans leur pays respectif.
D’un autre côté, les formations musicales, pour certaines d’entre elles, sont invitées à faire la première partie du concert d’un groupe ou d’un chanteur étranger, venu se produire en Algérie.
L’INSM, un avantage pour les artistes de la musique universelle
L’Institut national supérieur de musique (INSM) joue un rôle essentiel dans la promotion du savoir-musical des jeunes étudiants. Son rôle consiste à montrer le potentiel prometteur de cette nouvelle génération de musiciens, à dévoiler leur réelle compétence artistique. Il s’emploie à donner leur chance en leur offrant la possibilité d’animer des récitals. Il les soutient et les encourage, en leur dispensant une formation musicale académique supérieure et de qualité, car ils sont le futur, la relève. Et c’est important d’investir sur ce vivier de talents pour en faire un acquis.
Miser sur cette jeunesse de musiciens se traduit par l’octroi des bourses d’études à l’étranger grâce au soutien du ministère de la Culture.
En plus de cela, l’INSM organise régulièrement pour les étudiants des Master-Class, animés par des solistes, notamment des artistes internationaux. Ces ateliers de formation s’inscrivent dans l’esprit d’atteindre l’excellence académique. Ils permettent aux jeunes talents de bénéficier de l’expérience de virtuoses étrangers.
Par ailleurs, les étudiants sont envoyés à l’étranger pour suivre des sessions de stage, et ce, afin de perfectionner leurs connaissances musicales.
Une fois diplômés, plusieurs choix se présentent à eux : être enseignant au niveau de l’INSM ou des instituts régionaux de musique ; devenir soliste dans un orchestre ; être conseiller culturel au ministère de la Culture ou dans les différentes structures culturelles étatiques ou privées…
« Alhane Wa Chabab », festivals, caravanes artistiques… Que des opportunités pour s’épanouir
« Alhane Wa Chabab », émission phare de la télévision algérienne, se présente comme une compétition musicale. Elle est dédiée à la découverte de jeunes talents de la chanson. Créé dans les années 1970, maintenu jusqu’aux années 1980, l’émission est relancée dans les années 2000 par la télévision publique ; le programme a permis depuis sa création de révéler et de lancer de grands noms de la musique algérienne.
On peut citer, à titre d’exemple, cheb Mami pour ce qui est de l’ancienne génération, et Amel Zen qui représente la nouvelle jeunesse ; compositrice, parolière et interprète, son registre est l’ethno-pop, rock et amazigh (berbère).
« Alhane Wa Chabab », qui accueille de jeunes talents, sélectionnés de différentes régions d'Algérie par un jury composé de professionnels de la musique, se dévoile comme une véritable école favorable à l’éclosion de jeunes talents prédisposés à embrasser une carrière musicale ; cette école constitue un label, une référence sur la scène musicale algérienne.
Outre cette émission, des festivals de la chanson organisent des concours en direction des jeunes musiciens, et les lauréats participent à des tournées nationales. En effet, les festivals révèlent des compétences et des talents ; ils assurent la relève. Ils contribuent à faire émerger une nouvelle génération d’artistes.
Il y a aussi des caravanes artistiques qui sillonnent le territoire national ; le but : la prospection de nouveaux talents. Tout comme il y a les centres culturels communaux qui offrent aux jeunes musiciens la possibilité d’exercer leur talent et de se produire sur scène.
Toutes ces opportunités représentent, aux yeux de ces jeunes artistes, un tremplin pour leur carrière, pour se faire connaitre du grand public et pour faire valoir leur talent.
L’apport des acteurs privés dans la promotion des artistes de la chanson
Des partenaires privés – des entreprises, des sociétés ou encore des opérateurs de téléphonie mobile – s’engagent en faveur du secteur des activités culturelles et artistiques, et ce, pour y impulser une dynamique. Ils contribuent, à cet effet, à apporter leur soutien à la création musicale et à porter sur scène des artistes, en sponsorisant les concerts ou en accompagnant activement des festivals et autres manifestations musicales de petite comme de grande envergure.
Par ailleurs, la publicité est une aubaine pour les musiciens. Car elle représente une importante rente pour de nombreux artistes de la chanson. Des marques font appel à eux ou utilisent leur musique ou leur chanson pour présenter leurs produits.
D’autre part, les opérateurs de téléphonie mobile, qui, à chaque fois, réaffirment leur dimension d'entreprise citoyenne engagée dans la promotion des richesses artistiques et culturelles de l'Algérie, sollicitent certains artistes à présenter et à promouvoir leurs produits, tout comme ils sponsorisent des programmes musicaux.
À cela, s’ajoutent les clips et l’enregistrement d’album. Avec les retombées de la vente et avec la redevance qui est reversée aux artistes, ces derniers arrivent à gagner leur vie.
Ainsi, autant de sources de revenus pour les musiciens qui, plus au moins significatives, vont les aider à avancer dans leur carrière.
Liens :
https://share.america.gov/fr/un-groupe-rock-et-reggae-algerien-enchante-le-public-americain-video/
https://www.britishcouncil.dz/fr/events/workshop-female-musicians-algeria
https://www.aps.dz/culture/99501-tizi-ouzou-de-jeunes-talents-font-vibrer-l-ame-des-melomanes
https://www.radioalgerie.dz/news/fr/article/20180308/135901.html
http://www.lestrepublicain.com/index.php/culture/item/13360-des-jeunes-musiciens-alg%C3%A9riens-au-top
https://www.vitaminedz.com/fr/Algerie/samir-toumi-trois-fetes-de-317686-Articles-0-15688-1.html
https://www.reporters.dz/abdelkader-bouazzara-directeur-de-linstitut-national-superieur-de-musique-mohamed-fawzi-garantir-une-formation-academique-de-haute-qualite/
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