Nathalie Polombwe, une artiste engagée pour la cause des femmes en RDC
Chaque 21 septembre le monde célèbre la Journée internationale de la paix. À l'occasion de cette journée, Music In Africa a rencontré Nathalie Polombwe, une artiste « humanitaire » basée à Lubumbashi, en RD Congo.
Alors qu’elle était en pleins préparatifs pour sa prestation au café Jazz de Lubumbashi qui aura lieu le 30 septembre prochain, elle a accepté de nous accorder une interview afin de partager avec nous les moments clef de sa carrière dans un entretien à cœur ouvert.
Bonjour Nathalie, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Nathalie Polombwe, je suis artiste humanitaire. Je suis née au Katanga, (région du Sud-Est de la RD Congo), précisément dans la ville de Likasi. Mon père et ma mère sont d’ici et donc je suis une vraie Katangaise. Je fais de la musique humanitaire.
Vous êtes certes une artiste, mais pourquoi « humanitaire » ? Qu'est- ce qui vous a inspiré à faire de la musique humanitaire ?
J'ai été inspiré par ma mère, par sa façon d'être. En fait je suis née d’ une famille de 8 enfants dont je suis la cadette. Quand j'étais toute petite, je voyais ma mère aller au centre ville pour faire des courses. À chaque fois qu’elle y allait, elle revenait toujours à la maison certes avec les courses, mais aussi avec quelques enfants de la rue. Nous nous sommes habitués au fait qu’à chaque fois qu’elle sortait, elle revenait avec des enfants qu’elle trouvait dans la rue. Quand ces enfants étaient à la maison, ma mère les nourrissait et prenait soin d’eux.
En même temps, elle avait une école qu’on appelait « École cole de vie». C’est une école qui avait pour vocation d’encadrer les femmes analphabètes et celles qui n’avaient pas les moyens de se payer des études. Ma mère prenait en charge ces femmes et faisait en sorte qu'elles puissent apprendre à lire et à écrire pour pouvoir s’en sortir dans la société. Tout cela m’a énormément marqué toute ma vie.
Ma mère est décédée en 2011 et je me suis dit qu’avec le don de chanter que j’ai, je pouvais essayer de faire quelque chose à travers ma carrière en sa mémoire. Je me suis dis que je peux poursuivre sa vision, mais autrement. Je n’ai pas assez de force pour accomplir ce que ma mère faisait au quotidien, mais à travers ma voix, je me suis engagée à être ambassadrice des plus démunis.
C’est vraiment une histoire passionnante. Prestez-vous uniquement pour les enfants vulnérables ou votre audience est beaucoup plus large ?
Mon souhait est d'organiser des grandes manifestations où je peux prester devant un grand nombre d’enfants et de femmes vulnérables. C’est vraiment mon rêve mais, j’ai conscience que cela demande beaucoup de moyens. L'idéal pour moi serait d’avoir des personnes ou organisations qui peuvent m'aider à mieux produire ce genre de manifestations.
Mais avant d’en arriver là, je me suis dis qu’il fallait en premier commencer par composer des chansons qui abordent des sujets relatifs aux enfants et aux femmes vulnérables dans notre pays. Après les avoir enregistrés en studio, je pourrai me produire devant un public et il y aura sûrement quelques personnes qui seront intéressées à adhérer à cette cause en m’aidant à organiser des manifestations dans des orphelinats par exemple. Je me produis habituellement une fois l’an au café Jazz de Lubumbashi.
Votre principale difficulté est donc d’ordre financier. Mais le public répond-t-il positivement à vos activités ?
Le public est là, le public répond. C’est du côté organisation et du côté financier qu’il y a un problème. Si je pouvais trouver des gens pour m’accompagner et me soutenir afin d’aller vers les vulnérables, je serais vraiment très heureuse.
Qu’avez-vous pu réaliser par vous même jusque là ?
En guise d’anecdote, je suis allé à l'est de la RDC 2 fois. La première fois que j'y suis allé en 2019, je pense. Quelque temps, avant d’y aller, je composais des chansons sur ce qu’avait accompli le Docteur Denis Mukwege ( Prix Nobel de la paix 2018). J’ai rencontré un ami qui est de la région et qui m’a vivement encouragé à continuer de composer ces chants qui étaient proches de la réalité qui se vit à l’Est de notre pays.
Un jour, j’ai décidé d’aller dans cette région voir les femmes ayant été victimes des violences sexuelles dues aux nombreux conflits et guerres qui y sévissent. Je voulais être sûr que mes chants étaient fondés sur des réalités palpables.
Mon voyage était pénible : j’ai fait pratiquement 4 jours de route dans des conditions extrêmes. Ma famille avait même tenté de me dissuader de faire ce voyage. Mais j’ai dû leur faire comprendre que ce voyage représentait beaucoup pour moi et qu'en tant qu’artiste humanitaire, je devais nécessairement m’y rendre.
À mon arrivée, j'étais malade et j’ai dû me reposer pendant 3 jours avant d'aller à l'hôpital Panzi du Docteur Denis Mukwege. Une fois que j’y étais, je me suis présenté et j’ai dit que j'étais venu du Katanga pour visiter l'hôpital. Le personnel n’en revenait pas qu’une femme ait fait ce voyage simplement pour visiter l'hôpital. Ils ont accepté de me faire visiter l’endroit et j'étais tellement émue et je me suis dit que ça valait la peine de chanter pour cette cause.
J’ai vu sur leur programme qu’il y avait un culte à l’intention des patients et du personnel, je me suis tout de suite proposée en tant que chanteuse afin d'agrémenter cette cérémonie religieuse et de pouvoir chanter aux côtés de ces femmes.
Le lendemain, j'étais sur scène, j’ai chanté aux côtés des ces femmes et c'était vraiment quelque chose d’incroyable. C’était tellement émouvant que je me suis retrouvé dans les bras d’une autre femme en train de chanter.
Quel message pouvez-vous passer à toutes ces femmes qui ont des valeurs à partager mais qui n’ont pas la possibilité de s’exprimer comme vous ?
Je demande à ces femmes de ne pas avoir peur, de s’armer de beaucoup de courage et de ne surtout pas se laisser tomber. Le chemin d’un artiste humanitaire est un chemin long et pénible, mais à la fin nous serons toujours récompensés pour nos bonnes œuvres.
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