Opportunités musicales au Niger
- Par Hevi Joel Gandi
Au Niger, la plupart des artistes musiciens exercent leur métier de façon informelle et bénéficient rarement d'une couverture sociale.
La professionnalisation du secteur de la musique reste un défi majeur pour le marché de la production locale. Toutefois, des initiatives se multiplient, des opportunités se développent dans un contexte où la politique de renaissance culturelle, encouragée par les pouvoirs publics aide à stimuler la créativité des artistes musiciens malgré un fonds d'aide à la culture relativement faible.
En juillet 2015 s'est tenue la dernière remise officielle de chèques du Fonds d'Aide à la Culture[i]. Au total 17 artistes nigériens se sont partagés une enveloppe de 25 millions de FCFA (41 876 dollars US). Soit, en moyenne, 1 410 000 F CFA (1 675 dollars US) par artiste.
Pour rappel, selon l'Indice de Développement Humain (IDH) le Niger est 193e pays sur 194 classés. La Banque Mondiale classe ce pays 188e pays sur 188 en termes de pauvreté.
À cause de la multitude de problèmes sociaux urgents, la culture n'est pas fondamentalement une priorité pour le gouvernement nigérien. Même quand la volonté politique est présente, les moyens limités ne permettent pas forcément de réaliser les ambitions des acteurs culturels.
Opportunités de formations
Le Centre de Formation et de Promotion Musicale Taya[ii] (CFPM Taya) propose des ateliers de formation, des animations et des actions de sensibilisation (séances d'éveil musical, concours de chant, etc.) en faveur du public scolaire.
Le CFPM Taya est un établissement public créé en 1989, sous tutelle du ministère de la Culture, des arts et des loisirs. Il est chargé de la promotion de l'entreprenariat artistique.
Parmi ses réalisations, on peut citer un atelier de formation des musiciens nigériens financé par le centre Culturel Américain (CCA) en 2013.
Il y a aussi l'organisation d'un atelier destiné aux instrumentistes jouant des instruments à cordes. La formation baptisée « rencontre des cordophones » s'est tenue en 2007 à Zinder (891 km de la capitale Niamey), en partenariat avec le Centre Culturel Franco-Nigérien (CCFN). La rencontre a permis la venue du célèbre joueur de kora Ablaye Cissoko.
Le CFPM Taya a également organisé : les festivals de musique touarègue yéta-yéta, en 2006 et 2007 et le concours inter-scolaire de la voix féminine en 2007, 2008 et 2009.
Autres formations : le Centre Culturel Franco-Nigérien (CCFN) à Niamey et les Alliances Françaises de Zinder et d'Agadez tiennent régulièrement des séances de formation selon les évènements musicaux (festivals, concours, séminaires, etc.).
Entre autres : le Festival International du Slam et de l'Humour (FISH GONI) en partenariat avec le CCFN offre à chaque édition, depuis 2012, des ateliers d'écritures et de gestion de la scène.
Par ailleurs, la jeune filière « Arts et Culture » de l'Université de Niamey offre aussi des formations (colloque artistique annuel, séminaires, cours, coaching d'artistes musiciens, formation d'entrepreneurs culturels) axées sur les métiers de la musique.
À cause de l'insécurité, les opportunités de formation sont inexistantes dans les zones de conflits à l'est du pays.
Opportunités médiatiques
La promotion des artistes musiciens, via les émissions radio et télé, est un moyen sûr et efficace pour : d'une part renforcer la créativité. D'autre part : découvrir des talents et identifier les possibilités d'appui (coaching, financements, etc.)
En effet, certains médias soutiennent activement les artistes musiciens, indépendants pour la plupart. En contrepartie, les artistes s'engagent à accorder un droit de diffusion.
À Niamey, une vingtaine d'émissions radios et télés sont ainsi dédiées à la musique. Parmi elles : Sahel Show sur la télévision Tal, branche de la télévision nationale (ORTN), Top Dounia sur Dounia TV et Le Niger Ki Rap sur la radio Liptako. La plupart de ces programmes sont consacrés à la musique urbaine.
Face à la quasi-absence d'un marché local, au manque de véritables politiques de promotion et de distribution des œuvres musicales, les sociétés de téléphonie mobile telles qu'Airtel offrent aux artistes locaux la possibilité de faire la musique et de rencontrer le public au Niger et à l'étranger. Entre autres bénéficiaires de ces opportunités : le chanteur Alradik, lauréat du concours Airtel Trace Music Star Niger 2015 et le groupe de rap MDM Crew, lauréat du concours Airtel Trace Music Star Niger 2014 et ancien ambassadeur d'Airtel Niger.
Festivals et Concours
Les festivals et les concours de musique nationaux valorisent les jeunes talents nigériens. Parmi ces manifestations culturelles phares, le festival Sahel Hip-Hop et Musiques du monde qui se déroule chaque année à Niamey et attire en moyenne 5000 personnes en cinq (5) jours.
Pour l'édition 2017, l'activité principale était centrée sur le fleuve Niger à travers le slogan « J'aime mon fleuve Niger ».
Il y a également le concours Tremplin des jeunes talents du Niger initié par le label Art Disc Records. Le concours a déjà révélé des talents en herbe comme le rappeur Fiac Sy ou le slameur M'zi.
« C'est un évènement ouvert à toute personne ou groupe interprète de chanson qui a pour objectif de mieux recadrer les jeunes artistes nigériens sur le plan de la composition et de l'interprétation musicale, d'affûter leur bagage musical, leur offrir une visibilité auprès du public et leur inculquer un début de professionnalisme » dixit Abdourahamane Koudou Harouna, initiateur du concours.
Il faut aussi noter la première édition du Festival International de Reggae du Niger, intitulé « Havre de paix » qui se tiendra à Niamey en novembre 2018. Une nouvelle plateforme de rencontres et d'échanges pour le plus grand bonheur des artistes chanteurs de reggae.
Certaines opportunités à l'échelle internationale. Par exemple : Island Africa Talent en 2014 qui a hissé la chanteuse Binta Torodo[iii] à la quatrième place des six finalistes.
Autre exemple : en 2006, l'album Kirari de la rappeuse ZM est sélectionné au concours « découvertes RFI » dans la catégorie musiques du monde Afrique, Caraïbes, Pacifique.
Au Niger, il faut également noter la fête du Bianou à Agadez ( 950 km de la capitale Niamey). Cette fête est à la fois un évènement religieux et un festival musical. En effet, il est dédié à Mohamed, le prophète de l'Islam. L'édition 2017 s'est tenue le 28 septembre.
Financements
Les opportunités de financement restent peu accessibles aux musiciens nigériens peu populaires. En effet, les sponsors privés partenaires des agences opérant dans l'événementiel investissent généralement dans les manifestations musicales ayant pour tête d'affiche des musiciens étrangers.
« Le principal problème, c'est celui des partenaires, des sponsors. Ils sont toujours prompts à mettre la main à la poche lorsqu'il s'agit de sponsoriser les artistes d'ailleurs au détriment des artistes locaux. » Selon le musicien Mamane Sani Adamou alias Adamoulmoula.
Il ajoute : « lorsqu'un partenaire vous appuie dans votre spectacle, la contribution n'est jamais à la hauteur de votre production. Or tout le monde sait aujourd'hui combien la production coûte cher, surtout avec les nouvelles technologies de l'information et de la communication ».
Toutefois, il faut préciser que la plupart des appuis financiers aux musiciens locaux viennent d'institutions étrangères comme la coopération Suisse, l'ambassade des États-Unis ou le Comité International pour le Développement des Peuples (CISP), une ONG italienne.
Par exemple, le Centre de Formation et de Promotion Musicale (CFPM) a inauguré en 2009 un nouveau pavillon des instruments traditionnels du Niger et un centre de documentation musicale réalisés avec l'appui de l'Agence Espagnole de Coopération Internationale pour le Développement (AECID).
En 2015, le CISP en partenariat avec l'ONG Diko et l'Association Alternative Espace Citoyen (AEC), élabore un projet en direction des acteurs culturels et des artistes (musiciens, peintres, cinéastes etc).
Ce projet co-financé par l'Union Européenne et la coopération Suisse au Niger dans le cadre du programme « soutenir la culture en tant que vecteur de démocratie et de croissance économique » reste une véritable aubaine pour les professionnels de la musique.
Le Fonds d'Aide à la Circulation des Artistes, initiative de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et le visa pour la création attribué au CCFN encouragent la mobilité.
Mais ces opportunités ne profitent pas à la majorité des artistes nigériens soit à cause du manque d'intérêt, soit parce qu'ils ne sont pas éligibles, soit à cause de l'ignorance de l'existence de ces opportunités. Le faible accès à internet est aussi un blocage.
Conclusion
Les opportunités destinées aux professionnels de la musique au Niger ne manquent pas. Encouragés par des institutions actives dans le secteur culturel, les musiciens nigériens peuvent bénéficier d'opportunités pour vivre de leur art.
Mais seuls les chanteurs les plus populaires parviennent à obtenir des revenus. Plusieurs défis demeurent. On estime à 9 sur 10, le nombre de jeunes artistes musiciens contraints de diffuser leurs œuvres sur les réseaux sociaux tels que Facebook pour se révéler au public.
D'autres artistes investissent des activités créatives parallèles telles le stylisme pour exister médiatiquement et financer leur projet musical.
Références
Web
http://news.aniamey.com/h/30686.html
http://www.nyzik.com
www.nigerinter.com/2016/05/pr-antoinette-tidjani-pour-la-promotion-des-arts-et-la-culture-a-luamd/
next.liberation.fr/musique/2017/09/22/le-son-du-jour-199-futuriste-comme-les-filles-de-Illighadad_1597966
http://news.aniamey.com/h/3587.html
www.jeuneafrique.com/mag/356335/culture/musique-niger-incontournable-black-mailer
www.niger.inter.com/2016/10/portrait-dartiste-maman-sani-adamou-dit-adamoulmoula/
m.rfi.fr/emission/20140414-mamane-sani-son-orgue-electronique
Interview
Abdourahamane Koudou Harouna, directeur du label de musique Art Disc Records, réalisée par Joël Gandi le 20/09/2017
http://www.westartfrica.com/fr/item/centre-de-formation-et-de-promotion-musicales-taya-cfpm-niamey/
Centre de Formation et de Promotion Musicales Taya (CFPM) – Niamey
https://www.nigerdiaspora.net/index.php/idees-opinions-archives/item/49679-promotion-musicale-au-cfpm--doper-les-musiciens-%C3%A0-cr%C3%A9er-encore-plus
[i]http://news.aniamey.com/h/30686.html
[ii]http://www.westartfrica.com/fr/item/centre-de-formation-et-de-promotion-...
[iii]http://www.nigercultures.net/fiche.personne.torodo-binta.50985.html
Commentaires
s'identifier or register to post comments