Passion, persévérance et perspectives : le parcours inspirant de Naxx Bitota
Elle est jeune, charismatique, pleine d’énergie et a la verve musicale dans les veines. Face aux multiples embûches d’ordre raciste et sexiste qui se sont dressés sur son parcours, la carrière musicale de Naxx Bitota a su forcer l’admiration, car peu de femmes oseraient s’affirmer comme elle le fait dans un monde hostile à l’idée de voir émerger la femme, particulièrement dans le milieu de la musique.
Née en République Démocratique du Congo, Naxx découvre sa passion pour la musique à l’âge de 9 ans et rêve de se lancer dans une carrière professionnelle. Elle poursuit ce rêve en s’inscrivant à plusieurs chorales de différents styles : gospel, traditionnel, classique, folklorique au Congo puis en Belgique.
Elle quitte le Congo à l'adolescence pour d’abord s'établir en Belgique, et traverse ensuite l'Atlantique pour rejoindre le Québec (Canada) en 2008, où elle réside jusqu’à ce jour. Sa ferme conviction à exprimer son immense talent créatif l’a conduit à lancer en 2022 son premier album baptisé Kuetu, qui signifie « chez nous », en Tshiluba.
Dans cette interview, Naxx a eu la gentillesse de répondre à nos questions en partageant avec nous les revers de ses débuts et les cléfs qui l’ont conduit à s’affirmer en tant qu’artiste. Interview.
Pouvez-vous vous présenter ?
Quand on me demande de me présenter, j'aime bien souligner en premier le fait que je suis africaine, car je suis fière de mes origines. Je suis une artiste, chanteuse, je joue quelques instruments mais ma véritable arme c’est ma voix. Je joue de la musique populaire de la RD Congo, mon pays d’origine avec des petites influences que j’ai acquises durant mon parcours.
En tant qu'africaine, est-ce facile de prendre ses repères artistiques à l’autre bout du monde ?
Ce n’est pas du tout facile notamment avec le style de musique que j’ai choisi de faire. En gros je fais le mutwashi, un style qui n’est pas très connu ici. On connaît Tshala Muana, mais elle ne se produisait plus beaucoup durant les dernières années de sa vie.
Il y a peu de musiciens congolais en Amérique du nord qui pourraient faire découvrir d'autres genres du pays et donc, ce n’est vraiment pas facile d'avoir ses repères. Il faut s’imposer, partir de zéro.
J’imagine que dans un monde sexiste où la place de la femme dans l’industrie musicale est plutôt minoritaire, cela a rendu les choses encore plus difficiles?
En effet, ce n'était pas facile à cause de cela aussi. Que l’on soit en Belgique ou au Canada, la place de la femme dans le milieu artistique reste toujours un grand combat parce que les mentalités n’ont pas encore changé.
Dans certains milieux, une femme ne peut pas être en tête de son projet, une femme ne peut pas s’auto produire, une femme ne peut même pas être la porte-parole de son propre projet. Il faut qu’il y ait un homme qui soit là pour parler et qui agisse pour elle.
Voilà pourquoi je me bats contre cela, partout je veille à ce que mon nom soit en premier bien que j’aie toute une équipe. C’est mon petit côté féministe.
Hormis ces difficultés liées au genre, il y a également des difficultés liées au racisme. Ça fait partie des embûches que l’on rencontre.
Comment s’est passée votre première production sur scène en tant qu’artiste confirmée ?
C'était à Montréal, en 2016. J’avais très peur parce que justement, quand je suis arrivé dans le milieu musical, j'étais à la recherche de quelques promoteurs mais, malheureusement, je n’en avais pas trouvé.
En tant que femme, on est quelquefois forcées de passer par des voies « malsaines » si vous voyez ce que je veux dire.
Pour ma part, je n’ai pas suivi cette voie et j’ai tout organisé toute seule. J'avais peur que ce ne soit pas comme je voulais parce qu’organiser tout cela et en même temps répéter, arranger ce n’est pas facile.
Mais à un moment avant de monter sur scène je me suis dit : « Oy’eko ya e ya » (Advienne que pourra en lingala). Et je me suis donné à fond, et c'était vraiment très bien et beaucoup de gens ont apprécié et m’ont même demandé une deuxième production. Ça m'a donné beaucoup de courage.
Vous avez beaucoup d’admiration pour Myriam Makeba, Whitney Houston ou encore Angélique Kidjo que vous avez rencontré récemment au Festival Nuits d’Afrique. Qu'est- ce que cette rencontre a renforcé en vous ? Qu'est- ce que ces femmes représentent pour vous ?
Toutes ces femmes sont des influences pour moi. En fait, je suis toujours séduite par les militantes. C’est vrai que j’aime aussi certains artistes qui ne sont pas du tout militants mais en premier, j’aime ceux qui sont militants. L'Afrique est constituée de pays défavorisés, victimes d’injustice et caractérisés par plusieurs maux que l’on ne mentionne pas assez.
Voir ces artistes qui ne cherchent pas la facilité et qui sont prêts à dénoncer ces injustices tout en prenant le risque d'être mis de côté est tout simplement bluffant. Et donc, ce sont des gens comme ça que j’admire. Ils font de la musique pas seulement pour amuser la galerie, mais aussi pour éduquer. Cela me séduit.
Concernant Angélique Kidjo, je l’ai rencontrée cette année au Festival Nuits d’Afrique. Nous avons fait une tournée médiatique et sommes en train d’entrevoir une collaboration si tout va bien.
Depuis votre départ de la RDC, êtes-vous déjà revenue vous y produire ?
J'ai essayé en 2019. C'était difficile de revenir et de ne pas trouver de repères. Toute ma famille est partie du pays et je revenais après 22 ans.
Mon retour au pays ne s’est pas très bien passé, car il fallait se réadapter et la production que j’avais prévue n'a pas abouti à cause de certains problèmes techniques et financiers auxquels j'ai été confronté une fois sur place.
Et donc, j'étais rentré au Canada toute triste, car je n’avais pas pu me produire comme prévu. Mais je serai à nouveau en RDC en janvier 2024 pour une production confirmée cette fois-ci. Je vais essayer d’en faire un peu plus qu’une.
Vous avez lancé votre premier album intitulé Kuetu, que souhaitez-vous que le public retienne de cet album ?
Dans l’album Kuetu, l’idée principale que je veux partager est que nous les membres de la diaspora nous ne quittons pas notre pays parce qu’on veut l'abandonner.
Quand on part, ne pensez pas qu’on a oublié d'où l'on vient. C’est pour ça que, bien que je n’aie jamais été dans le Kasaï, ma province d'origine, à travers cet album, j'ai voulu valoriser la culture de mes origines. Je connais un peu la Belgique, je connais le Canada et je le représente aussi, car je suis canadienne de nationalité et le gouvernement m’envoie chanter dans différents pays. Mais je tiens toujours à souligner que je suis originaire de la RDC.
Donc ce que je veux que les gens retiennent est que l’Afrique a des enfants partout, et on sait d'où on vient. Notre chez nous ne va jamais disparaître parce qu’on va se battre pour.
Quand vous serez au bout de votre carrière, disons à 90 ans révolus, une armoire à trophée bien garnie, que souhaiteriez-vous qu’on dise à votre sujet ?
J'aimerais qu’on dise que je suis entré dans la lignée des grandes femmes. J’aimerais que quand on parlera de grandes artistes militantes telles qu'Angélique Kidjo, Myriam Makeba, qu’il y ait aussi Naxx Bitota qui soit mentionnée. C’est vraiment là que je veux finir, bien sûr avec tous les trophées qui vont avec !
Considérez-vous que vous êtes bien partie pour en arriver là ?
Je pense que oui, surtout si Dieu me prête vie et qu’il me donne toujours de la force dans les bras, les jambes et la voix.
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