REMA 2021 : les rencontres musicales africaines de Ouaga prennent leur essor
Depuis 4 ans maintenant, les rencontres musicales africaines animent pendant trois jours, les mois d'octobre de la capitale burkinabé, Ouagadougou. Elles sont nées de la volonté du chanteur Alif Naaba, de partager sa passion mais aussi de réfléchir sur le futur du secteur musical avec ses collègues de tout le continent.
Pour cette quatrième édition, la Cour du Naaba, avec l'aide de ses partenaires, a mis les petits plats dans les grands, avec la volonté de se positionner aux côtés des plus grands salons de la région. Avec le travail abattu, pas besoin d’être devin pour voir que les REMA sont bien parties pour devenir des rencontres « incontournables ».
En ce dernier jour de festival, samedi 16 octobre 2021, tout débute dans la matinée dans l'amphi de l'Institut Français de Ouaga, partenaire de la manifestation. Samuel Sangwa, directeur régional de la Confédération Internationale des Sociétés d'Auteurs et Compositeurs (CISAC), a ouvert le panel 2 intitulé : Vers un plan d’action pour l’harmonisation des dispositifs de rémunération pour la copie privée dans la zone Uemoa » ; il a d'abord abordé les enjeux liés à la copie privée avant de mettre en avant les résultats extrêmement intéressants de certains pays comme le Malawi qui l’ont mis en œuvre. Il a ensuite démontré que la zone de l’Uemoa avec son fort potentiel devrait travailler plus efficacement et en synergie, pour l’instauration et la mise en œuvre de systèmes efficaces de protection de la copie privée, afin d'assurer de meilleurs revenus à l'industrie culturelle et créative.
Monsieur Sangwa a ensuite passé la parole au directeur de la Sodav, le Sénégalais Aly Bathily, qui s’est techniquement appesanti sur les termes pour permettre à l’audience d’y voir plus clair et éviter toute confusion. Monsieur Gérard Tognimassou, le représentant de l’Uemoa a quant à lui rappelé aux acteurs du secteur qu’ils ont la capacité à influer sur les instances décisionnelles et qu'ils gagneraient à s'organiser mieux pour conscientiser les autorités de l’urgence de la situation. Philippe Chaudoir, administrateur de la cour du Naaba a en profité pour révéler justement un plan d'action qu'ils comptent mettre en œuvre pour peser sur les directives de l'Uemoa et accélérer la mise en œuvre de la copie privée sur toute la zone, avant que le public composé des professionnels spécialisés, ou simplement concernés par cette problématique apportent leur retour d’expérience dans un cadre favorable aux échanges modérés par Alain Bidjeck (coordinateur du MOCA).
Parmi ces professionnels, Soumaila Ousmane Boukari, secrétaire général de l'association nigérienne des auteurs-compositeurs-interprètes et métiers de la musique, qui nous a confiés à l'issue de ce panel : « J'ai compris qu'au niveau de l'Uemoa, les directives qu'elle donne sont importantes mais ce sont des orientations pour les états, il faudra que nous, à la base, nous portions le combat et que notre lobbying soit actif pour la mise en œuvre de la copie privée dans nos pays respectifs.»
L’après-midi, c’était au tour du Goethe-Institut de recevoir les musiciens traditionnels pour un atelier sur la valorisation digitale du patrimoine traditionnel. Pour Alain Bidjeck qui a animé le programme, il est important de réfléchir et explorer les solutions offertes par le digital pour que la musique traditionnelle soit accessible sur Internet. Le workshop a vu la participation d’artistes traditionnels, de startups digitales, de producteurs et de journalistes ; il a abouti à des propositions concrètes dont la mise en œuvre sera portée par les REMA.
À l'issue de cet atelier basé sur la méthode du design thinking, il est ressorti de travailler sur la récolte, l'archivage et la transmission de la musique traditionnelle à travers une plateforme digitale.
Le soir, c’est un beau monde qui s’est retrouvé pour un show remarquable au Foyer du Renouveau. Au programme de cette soirée de clôture, de magnifiques artistes dont la mystérieuse Kalam, l’incroyable Zidass et l’inénarrable Mahamdou Ilboudo, l’une des voix préférées du Burkina Faso qui a redonné vie à la tradition à chacune de ses prestations lors de cette édition.
Le couple Amadou Diabaté alias ATT et Awa Sissao bénéfice d’une vraie et délicate complicité sur scène, Awa captive avec aisance son auditoire, elle n’a pas de mal à faire vibrer les sentiments : joie, amour, tristesse - tout au long de leur spectacle. Entre deux plages lyriques, le couple, aidé par un saxo-virtuose et un xalam au doigté sûr, enchantera à chaque morceau la petite centaine de spectateurs présents. La prestation du groupe a été gratifiée d’une franche ovation.
L’ultime soirée des REMA était conçue comme le bouquet d’un feu d’artifice musical avec la star Awadi, pour une finale explosive. Le Sénégalais a répondu présent avec prés de trois heures de concert dans la cour du Foyer du Renouveau. Il a fait de ce concert, avec ses musiciens, une véritable performance artistique et musicale comme on aimerait en voir plus souvent.
Débordant d'énergie comme à son habitude, le rappeur est arrivé sur scène sur son dernier gros succès « Ndaanane », avant d'enchaîner sur ses principaux hits, le tout en interagissant systématiquement avec le public grâce à une présence scénique remarquable, tandis que Korka Dieng enflammait le public en ébullition lors de chaque solo.
La chanteuse a même réussi à faire chanter pendant des minutes toute l’assistance en wolof, un moment incroyable où la fusion a été totale. Sa complicité évidente avec Awadi a été la trame d’une soirée de haute volée où la star du rap francophone s’est donné entièrement, tantôt engagé, tantôt festif, tantôt drôle - offrant un show complet où rien n’a été laissé au hasard.
Très à l'aise sur scène, prenant le soin de faire des transitions entre ses morceaux à la manière d'une narration, Awadi a également convié ses compères, d’abord le reggaeman Spyrow qui a assuré un show exceptionnel la veille, mais aussi le rappeur Smockey, pour interpréter leur hit « Président Thomas Sankara ». Leur prestation s'est terminée en apothéose pour le plus grand bonheur du public qui venait déjà de passer une soirée mémorable.
La foule présente n'a pas été déçue, Awadi a délivré un show dont la qualité mérite d'être soulignée, tant son charisme et ses mélodies ont envoûté le public, bien épaulé par la talentueuse Korka Dieng qui a littéralement ébloui Ouaga.
La soirée a été une lumineuse et pétillante manière de tirer le rideau sur ces rencontres. Cette 4e édition a été clairement un franc succès.
La veille, vendredi 15 octobre, s’était tenu un premier panel à l’Institut Français sur le théme : « Une connaissance partagée de la copie privée » avec Lanssa Moise Kohoun, secretaire général du bureau burkinabé du droit d’auteur, le rappeur Awadi, et le chanteur Burkinabé Dez Altino avant le concert du soir animé par le collectif Paris-Ouaga-Dakar du chanteur sénégalais Moustapha Naham, les rappeurs Amza et Toksa et l'ivoirien Spyrow.
Guillaume Bisimwa, directeur du conseil d'administration du festival de musique et de danse Amani de Goma en RDC, s'est dit impressionné par la programmation des rema et du choix du thème de la copie privée : « nos états devraient s'organiser plus pour que la mise en œuvre de la copie privée soit une réalité sur tout le continent. »
Jeudi 14 octobre, les REMA s’étaient ouvertes en fanfare à Canal Olympia avec les officiels du pays hôte et les partenaires de l’évènement. La cérémonie d’ouverture a été marquée par la remise d’Awards à Didier Awadi, et aux organisateurs du Festival Amani du Congo, pour leur soutien mais aussi le travail remarquable accompli pour le secteur musical africain. La cérémonie s’est terminée en musique avec Mouhamadou Ilboudo. il avait été précédé quelques minutes plus tôt par le jeune chanteur burkinabé Greg Burkimbila qui avait offert une belle interprétation de son hit « Halaalé » au public présent.
Ce reportage a été réalisé grâce à l'aimable soutien de l'ambassade de France
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