Victoria Nkong : « ce 8e AFRIMA est pour le Sénégal ! »
Femme d'affaires engagée pour le développement du secteur créatif africain, Victoria Nkong est une consultante nigériane en matière de divertissement, qui a travaillé comme présentatrice bilingue et productrice pour les Kora et les Headies Awards, et elle est actuellement productrice associée des All Africa Music Awards (AFRIMA).
Dans cet entretien avec Lamine Ba, elle livre le programme de l'édition Teranga de la manifestation panafricaine, dont la 8e édition se tient du 12 au 15 janvier 2023 au Sénégal.
Bonjour Victoria, tu es la productrice associée des AFRIMA. Voudrais-tu nous en faire une petite historique et rappeler les objectifs de cette manifestation ?
Bonjour Lamine, AFRIMA est la plus grande cérémonie de récompenses musicales pour les artistes du continent africain et de sa diaspora. On pourrait même le considérer comme le plus grand événement de la filière musicale africaine tout simplement.
Il est organisé en partenariat avec l’Union Africaine (UA) et ses objectifs s’alignent à la vision de l’UA pour 2063 : favoriser une narration positive sur l’Afrique pour déconstruire les clichés (guerres, famine, pauvreté) longtemps entretenus par l’Occident. À cet effet, AFRIMA œuvre pour la valorisation de la richesse et des talents du continent.
Par ailleurs, nous essayons de créer de l’emploi et des opportunités pour les jeunes africains afin qu’ils soient à l’aise sur le continent et qu’ils se départissent de la vieille illusion d’un eldorado occidental.
L’un des objectifs majeurs d’AFRIMA est aussi d’aider les artistes africains à développer leurs carrières. L’événement permet à des créateurs en développement, de rencontrer des collègues plus avancés et à faire du networking avec eux. Ils peuvent aussi rencontrer des bailleurs de fonds en marge de la manifestation, qui draine généralement du beau monde.
AFRIMA veut aussi vendre les capitales africaines au monde, en tant que des destinations de prestige. Tout le monde en Afrique connaît Londres en tant que capitale anglaise ; mais il est temps que les autres connaissent aussi nos villes…
Nous utllisons les célébrités qui viennent pour faire la promotion de la destination de l’événelment. Nous les invitons à publier beaucoup d’images sur les médias sociaux où ils ont des millions de followers, de sorte à attirer les regards sur le lieu où AFRIMA se tient.
D’aucuns pensent qu’AFRIMA ne se résume pour chacune de ses éditions, qu'à un grand gala de récompenses. Mais apparemment, il se décline en plusieurs autres activités : des conférences, panels, ateliers... C’est bien cela ?
En effet, AFRIMA est un événement qui se déroule sur 5 jours en moyenne et nous avons une large panoplie d’activités à chaque fois. Mais beaucoup ne retiennent que le gala de récompenses, sans doute parce que c’est le point culminant de la manifestation.
Si les invités arrivent un mercredi par exemple, dès le jeudi, on leur fait faire le tour de la ville hôte – cela est une action visant à promouvoir la destination. La promenade est filmée et diffusée, et les célébrités partagent des images sur les réseaux sociaux avec un hashtag.
Les invités sont ensuite menés dans une école pour faire des dons à de jeunes élèves et surtout pour les inspirer à rechercher le succès à l’image de stars avec qui ils ont l'occasion de discuter.
Le jour suivant, un concert grand public est organisé avec toutes les célébrités convoquées. Il ne servirait à rien de déplacer de tout ce grand monde, sans faire quelque chose pour les populations. C’est pour cela que le show est promu et la place est gratuite pour tous ceux qui viennent y prendre part.
Ce concert d’AFRIMA qui est diffusé par 84 chaînes sur environ 105 pays, est également un tremplin pour des artistes locaux que l’on intègre dans le line-up et qui ont l’occasion inédite de jouer avec des stars du continent.
Les artistes qui participent sont également utilisés pour faire de la sensibilisation en live, sur de nombreuses causes liées au continent. Par ailleurs, il y a traditionnellement une visite au président de la République, des afterworks et plein d’autres petites activités.
Mais nous retiendrons les plus grandes lignes du programme : la visite de la ville (action touristique), la visite d’une école (action sociale), le sommet de music business avec les représentants de grands labels et grandes compagnies internationales de la filière musicale comme YouTube, Tik Tok, etc.
Les participants au sommet discutent sur des problèmes liés à la production et la distribution de la musique sur le continent, mais on organise également de petits showcases pour permettre aux jeunes artistes présents de se faire remarquer des grandes compagnies.
Nous rapprochons aussi les artistes débutants de ceux plus expérimentés pour du mentoring, en vue de les aider à mieux se développer.
Toutes ces initiatives ne garantissent pas 100% de succès il faut l’avouer, mais les 2 ou 3% que nous pourrions atteindre seraient déjà une très grande fierté.
Sur le site d’AFRIMA, on ouvre même un studio de musique avec un beatmaker expérimenté qui y reçoit les artistes pour des projets collaboratifs. Nous encourageons vraiment les créateurs présents à se réunir et à travailler ensemble.
Il y a beaucoup de grandes collaborations musicales qui se font en marge d’AFRIMA mais personne n’en parle ; je pourrais même vous en citer 10 ici…
Un grand travail est abattu en amont pour préparer le gala des récompenses d’AFRIMA ; il faut identifier à travers l’Afrique et sa diaspora, les artistes les plus méritants pour les différents titres. Comment ce travail de nomination est-il fait ?
La première phase de sélection repose sur un appel à candidatures adressé à tous les artistes afin qu’ils envoient leurs œuvres. Une période bien spécifique est définie pour cette phase là.
Un jury est ensuite constitué pour apprécier les créations reçues ; il réunit des experts qui représentent les différentes régions d’Afrique. Les réalités linguistiques sont prises en compte dans la constitution de ce corps. Pour la région d’Afrique de l’Ouest par exemple, il y a un expert pour la zone francophone et un autre pour la zone anglophone.
Tout le jury se réunit dans une ville afin de statuer sur les données reçues et un cabinet d’audit dénommé Pricewaterhousecoopers (PWC) assure le monitoring de cette phase, pour permettre une grande transparence dans les nominations. Il y a également un représentant de l’Union Africaine.
Les artistes les mieux notés au terme de ce processus sont donc retenus comme nominés pour les différentes distinctions ; il y a généralement 10 nominés par catégorie.
Après cette phase, les nominés prennent le relais et invitent leurs fans à voter pour eux sur le site d’AFRIMA.
Au final, les votes du jury et ceux du public qui représentent un pourcentage plus signifiant, sont reçus et calculés une nouvelle fois par le cabinet Pricewaterhousecoopers (PWC), qui établit la liste définitive des lauréats.
D’aucuns se plaignent souvent d’un prétendu caractère arbitraire des choix, mais il faut vraiment préciser que la désignation des lauréats se fait de la façon la plus objective possible. En témoigne le sacre du Malien Iba One, peu connu au Nigeria, qui est pourtant rentré l’an dernier avec 5 trophées, devançant même Wizkid et plein d’autres célébrités nigérianes dans certaines catégories ; il avait été accueilli en roi dans son pays – une consécration qu’il ne doit qu’à la qualité de son travail !
Les artistes doivent comprendre tout cela et savoir qu’être ne serait-ce que nominé à AFRIMA, est un privilège immense, car ils sont mentionnés dans différents magazines et médias, et bénéficient d'un sacré coup de promotion.
AFRIMA est une cérémonie qui s’est tenue jusque-là dans la partie anglophone du continent, mais avec toujours un œil sur ce qui se passe dans la sphère francophone. Pour 2023, vous venez à Dakar, en terre francophone, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
AFRIMA n’est pas un événement anglophone, il appartient à tout le continent africain. Le mandat que nous avons au niveau de l’Union Africaine est d’unir l’Afrique à travers ce programme.
Quoiqu’avec les réseaux que nous avions dans les régions anglophones, il était plus facile pour nous de commencer là-bas, et de contourner plus facilement les exigences liées aux visas, à la logistique et autres…
Nous avons fait 7 éditions dans les pays anglophones et l’heure est venue de venir en terre francophone.
Dakar pour rendre hommage au président sénégalais qui dirige l’Union Africaine en ce moment, mais aussi parce que c’est un pays qui a une histoire et un patrimoine musical immense, même si les choses ont un peu régressé.
Nous venons justement au Sénégal pour redynamiser les choses et identifier les pistes à explorer pour redonner à la scène de ce pays, toute la brillance qu’elle mérite.
Dans les années à venir, nous comptons faire davantage de choses pour les artistes francophones pour qu’ils se sentent plus concernés par AFRIMA et sa vision.
Vous avez nominé Matar Diop du label Soubatel comme représentant d’AFRIMA au Sénégal, pourquoi ce choix ? Quel est son rôle ?
Notre choix a porté sur Matar pour la qualité du travail qu’il a abattu sur la scène sénégalaise. Nous le suivons depuis un moment et nous savons que c’est un professionnel travailleur et averti.
Quand nous sommes arrivés à Dakar, sans lui demander quoique ce soit, il a pris les devants et s’est proposé de tout mettre en place pour que l’événement se tienne dans les meilleures conditions ici.
C’est de ce genre de personne dont nous avons besoin ! Matar peut porter l’événement et en être la voix au Sénégal. C’est quelqu’un de très transparent et travailleur, et il a été choisi à l’unanimité par le comité directeur d’AFRIMA qui est vraiment satisfait de son implication.
Son rôle, c’est d’être le visage d’AFRIMA au Sénégal – de réunir les artistes et de susciter leur intérêt pour l’événement. Nous attendons aussi de lui, de nous ouvrir les bonnes portes au pays de la Teranga car il y est notre œil et notre guide.
Un mot pour la population du Sénégal qui va accueillir AFRIMA ?
La 8e édition d’AFRIMA arrive à Dakar ! Nous serons là du 12 au 15 janvier, et le 13 janvier, un grand sommet de music business se tiendra au grand théâtre de Dakar en matinée, avant le méga show du soir.
Le 15 janvier ce sera l’apothéose de la fête avec le grand gala de récompenses au Dakar Arena de Diamniadio.
Cela fait déjà trois mois que nous avons posé nos valises à Dakar, pour travailler main dans la main avec les Sénégalais afin de faire de cette édition, la meilleure qu’AFRIMA ait connue jusque-là.
Je voudrais juste rappeler à la population sénégalaise qu’on ne pourrait réussir tout cela sans elle, car c’est son AFRIMA, sa propriété…
J’ai déjà goûté à la teranga sénégalaise et j’en attends encore plus car nous allons être là pour longtemps. Merci à tout le peuple, merci au président Macky Sall qui nous a bien accueillis.
Cet AFRIMA est à nous, donc allons-y !
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