
Voler une chanson, c’est comme voler une voiture – Il est temps de considérer les droits musicaux comme une véritable propriété
Par Nicholas Maweni
Quand on évoque les droits de propriété, la plupart des gens pensent immédiatement aux terres, aux maisons ou aux voitures. Une idée reçue largement répandue veut que la propriété ne concerne que les biens matériels. Pourtant, en Afrique du Sud, les droits de propriété sont bien plus vastes et englobent la propriété intellectuelle (PI), notamment le droit d’auteur sur la musique. Notre Constitution garantit ces droits de propriété, une protection qui dépasse les simples bâtiments pour inclure les mélodies, les paroles et les rythmes créés par les musiciens.
- Nicholas Maweni, président du SAMRO
L’article 25 de la Constitution sud-africaine, connu sous le nom de « Clause de propriété », précise expressément que « la propriété ne se limite pas à la terre ». Cette inclusion délibérée vise à garantir que les actifs immatériels, comme le droit d’auteur en musique, bénéficient d’une protection égale.
En vertu de la Loi sud-africaine sur le droit d’auteur, une chanson est considérée comme une propriété. L’affaire Gallo Africa Ltd c. Sting Music (Pty) Ltd a confirmé que le droit d’auteur constitue un bien mobilier, tout comme une maison. Ainsi, un musicien peut vendre ou accorder une licence sur sa chanson, ou encore la transmettre à ses héritiers.
La Cour constitutionnelle s’est penchée sur la nécessité d’une mention distincte des droits de propriété intellectuelle. Elle a conclu que la PI est intrinsèquement couverte par l’article 25, affirmant que les droits des artistes sont aussi fondamentaux que ceux des propriétaires fonciers. Les créations intellectuelles d’un compositeur méritent le même respect juridique que la terre d’un propriétaire.
Les tribunaux sud-africains confirment régulièrement que la PI est une propriété. Dans l’affaire Laugh It Off Promotions CC c. SAB International (2005), la Cour a reconnu les marques comme un droit de propriété méritant une protection constitutionnelle. Le juge Albie Sachs a souligné l’importance constitutionnelle égale des droits de propriété intellectuelle.
La Cour suprême d’appel a statué que les marques, droits d’auteur et autres formes de PI constituent une propriété au sens de l’article 25. Ainsi, toute suppression ou restriction injustifiée du droit d’auteur d’un artiste peut être contestée sur la base de ses droits constitutionnels en matière de propriété.
L’approche sud-africaine s’inscrit dans les normes internationales. L’article 27(2) de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) affirme le droit des créateurs sur leurs œuvres.
Ce principe est renforcé par des traités internationaux :
- Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), ratifié par l’Afrique du Sud
- L’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’Organisation mondiale du commerce, qui impose des normes minimales de protection de la PI.
Reconnaître le droit d’auteur musical comme une propriété a des implications majeures :
- Protection contre le vol et l’exploitation : Toute utilisation non autorisée, comme le sampling sans permission ou le piratage, équivaut à un vol
- Prévention des lois injustes : Des limitations excessives du droit d’auteur doivent être examinées sous l’angle constitutionnel, protégeant ainsi les artistes contre une perte injustifiée de leurs droits, à l’instar des propriétaires fonciers contre l’expropriation abusive
- Monétisation et héritage : Les droits de PI permettent aux artistes d’accorder des licences, de vendre et de transmettre leur musique, contribuant ainsi à la création de richesses générationnelles
- Équilibre avec la liberté d’expression et l’usage loyal : Les droits de PI sont soumis à certaines limites raisonnables, notamment l’usage loyal, afin de garantir un équilibre avec la liberté d’expression.
Trop longtemps, les débats sur la propriété se sont limités à la terre, ignorant l’importance économique de la propriété intellectuelle. À l’ère du numérique, il est essentiel que chacun prenne conscience de ses droits en matière de PI.
Le cadre juridique sud-africain reconnaît pleinement le droit d’auteur comme une propriété, mais son application doit être renforcée. Une collaboration entre les organisations musicales, les décideurs politiques et le secteur créatif est indispensable pour permettre aux musiciens de faire valoir leurs droits.
À tous les musiciens, compositeurs et créateurs sud-africains : votre musique n’est pas qu’une passion—c’est votre propriété, protégée par notre Constitution comme tout autre bien de valeur.
En tant que créateurs, nous devons nous mobiliser pour une meilleure application des lois sur le droit d’auteur, des mécanismes de collecte de redevances plus efficaces et une résistance aux défis juridiques injustifiés à notre propriété. Lorsque vous pensez aux droits de propriété, imaginez vos chansons, vos mélodies, votre travail acharné. En Afrique du Sud, votre musique est votre propriété, et la loi est de votre côté.
Nicholas Maweni est président de SAMRO, président de Valued Citizens Initiative, ancien président d’Amnesty International Afrique du Sud et doctorant en droit. Il s’exprime ici à titre personnel.
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