Love and Life : L’étonnante métamorphose d’Askia
Connue pour son côté provocateur et excentrique, la rappeuse camerounaise de 29 ans navigue désormais à contre-courant. Son EP de 6 titres, Love & Life, sorti le 13 octobre 2023, traduit une Askia qui n’hésite pas à se mettre à nue, entre glamour et découvertes, sans tomber dans le pathos. Et si nous le découvrions ensemble ?
La conférence de presse tenue à Douala (Cameroun) le 11 octobre 2023 au siège de Lionz Muzik, chez qui elle a signé en Janvier 2023, marque un nouveau départ. Le mariage artistique entre Mr Léo et l’interessée se conjugue en assurance. Nous sommes bien loin de ses albums Explosion (mars 2020) et I Tried to return your missed calls (juin 2020), dont les contenus dessinaient une orientation particulière.
Appel à la maturité
L’artwork de cet EP, Askia nous donne en partie les clés de compréhension de son projet nouveau. Elle y arbore une sorte d’Amazonia, un chapeau traditionaliste très populaire en Amérique latine (Brésil, Mexique, Chili), mais dans un style légèrement décalé. D’un regard confiant, la magie signée J. Shorts, est agrémentée d’un rouge passion signifiant un disque emprunt d’amour, de révolte et d’energie.
Nouvelle expérience de la native de Buéa (Sud-ouest Cameroun), Love & Life (Amour et Vie) offre un côté révolutionnaire chez Askia, dans son esthétique créatif. Ce projet peut se voir comme le prolongement et l’approfondissement des thèmes si chers à sa personne. Son amour pour les siens, son parcours difficile, son regard sur la société qui l’entoure. Avec en prime la sagesse et le recul que peut avoir une femme aujourd’hui bientôt trentenaire, et jeune maman.
Pour ce faire, celle qui a passé une bonne partie de son expérience au sein de divers labels, nous livre un disque dépouillé et concis. 6 titres, 1 featuring, et une production sobre forment un ensemble où le superflu n’a décemment pas droit de cité. Love & Life commence en douceur avec « La La », premier extrait dévoilé en Juin, qui parle de mariage. On y retrouve une Askia beaucoup plus à l’aise dans du chant, sans pour autant baisser sa garde en rap.
La force du temps
En l’analysant de plus près, Love & Life est un projet beaucoup plus court, moins dense, et plus généralement moins véhément que son grand frère Explosion.
Dans « Maladie » très dancehall, l’artiste revient sans amertume sur le désir puissant envers l’autre, en balayant les conséquences du temps. « La vida Loca » rassure sur le côté fou et légèrement décalé, mariant étrange et découverte.
C’est dans cette ambivalence que je lance la quatrième piste « Je meurs d’envie », dont l’univers érotique est résumé simplement à travers le nom du morceau.
S’il y a pléthore de raisons qui grisent la vie d’Askia, il reste, çà et là, quelques brins de couleurs qui apportent des éclairs d’espoir. Aussi bien porteur de désillusion que de torture, l’amour reste malgré tout un puissant propulseur de bonheur et de plaisir: « Love to party » le démontre assez bien.
De temps à autre, l’artiste et compositrice est aussi capable de sursaut d’orgueil et d’extrême prise de confiance, comme si après s’être quasiment noyée, elle reprenait brièvement son souffle, avant de replonger aussitôt dans les entrailles de sa reconstruction psychologique. La libération n’est que temporaire, mais procure l’infime espoir nécessaire qui laisse entrevoir une éventuelle guérison probable. Ne fait il pas vivre ?
La métaphore qui donne son nom à cet EP, habite le projet de la première jusqu’à l’ultime seconde d’écoute. Tout l’univers tissé par la jeune rappeuse et compositrice, repose aussi sur un incisif songwritter qui l’épaule, Mr Léo, et aussi des producteurs avertis et curieux, parmi lesquels Dijay Karl, Kn Junior, et Dijay Large Pro.
En somme, l’esthétique musicale d’Askia est semblable à une légère brise qui caresse nos oreilles de sa douce poésie et de son flow fluide. Entre chant et rap, Love & Life donne de la légèreté et de la hauteur à des thématiques pourtant enracinées dans les abysses de l’âme, dédiabolisant presque des sujets comme l’abandon ou la solitude.
L’équilibre des ambiances est parfaitement maîtrisé. Tantôt lancinant, tantôt entraînant, le voyage dans lequel elle nous emmène tout au long de ce disque, est plaisant et la variété des paysages enraye l’ennui qui ne se fait pas sentir durant près de 28 minutes. Après cette entrée en matière, je ne peux que me languir de voir l’évolution musicale d’Askia, pour qui je servirai la note de 8/10 pour sa pugnacité.
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