M'hamid el Ghizlane, une oasis d'espoir pour deux festivals
Le Sahara est immense, mais là où il est encore possible de faire de beaux festivals de renommée internationale, le désert est grandiose. Quand la musique s'en mêle, elle nous dit au coeur des dunes et du silence quelque chose de nous, du monde, d'une humanité qui n'a d'autres ennemis que ceux qu'elle s'est choisis. Au Festival International des Nomades ou au Festival de Taragalte, comme au Festival au désert de Tombouctou - quand il pouvait encore avoir lieu - il n'y a pas que les étoiles qui brillent. Bienvenue à M'hamid el Ghizlane (Sahara, Maroc).
M’hamid el Ghizlane compte deux festivals de renommée internationale et depuis peu une école de musique. Ces organisations culturelles témoignent d’un dynamisme exemplaire forgé à l’épreuve des faits. Ancrées dans une identité forte quoique de plus en plus menacée, ces initiatives s’appuient sur une capacité rodée avec le temps à capter des financements conséquents permettant de relever à chaque édition le défi de surprenantes programmations.
Ici plus qu’ailleurs peut-être, les retombées d’un festival sont essentielles pour la vie des habitants. À M’hamid el Ghizlane, ce sont d’abord les forces vives du territoire qui font le succès de ces deux rendez-vous musicaux bien médiatisés, sans perdre de vue une ambition locale qui dépasse les intérêts particuliers : accompagner tout au long de l’année des jeunes du village vers la culture, initier des projets de développement durable.
Cette économie fragile basée sur des valeurs culturelles, un art de vivre et de recevoir qui ne peuvent se rencontrer qu’au désert contribue efficacement à la mobilité des artistes du Sahara, et plus généralement à celle d’artistes de tous horizons au Sahara.
Toutes les têtes d’affiche qui font la scène touarègue sont venues un jour à M’hamid el Ghizlane dans l’un ou l’autre de ces deux festivals : le festival international des nomades, créé en 2004 comme le festival au désert à Essakane près de Tombouctou, et le festival Taragalte, dont la première édition a eu lieu en 2009 avec comme invité de marque, le groupe Tinariwen.
Autrefois les caravanes permettaient de commercer entre Tombouctou et M’hamid el Ghizlane le temps d’une périlleuse traversée de 52 jours, dont la viabilité dans les équilibres économiques de l’époque se devine encore dans la splendeur en déclin de l’architecture en terre des ksours et des kasbahs. Combien de chansons oubliées, inspirées de grands espaces, de souvenirs de voyage, ont permis longtemps de supporter des conditions de vie parfois difficiles, au coeur des oasis ?
Le contexte de fermeture des frontières et d’obtention de visas rendent les échanges difficiles, il convient donc de saluer les efforts engagés depuis plus d’une décennie à M’hamid el Ghizlane pour promouvoir la paix et le dialogue entre les cultures. Voir deux festivals connaîtrent une belle évolution dans la même oasis donne matière à réflexion.
Depuis, beaucoup d’autres se sont inspirés de ces énergies, de ces réseaux, pour créer leur propre programmation, car c’est aussi le rôle d’un festival au désert que de donner envie à d’autres de tenter l’aventure dans son propre environnement, quel que soit le pari à relever pour favoriser l’accueil des festivaliers et des artistes, acheminer tout le matériel nécessaire sur un site naturel qui ne devra garder aucune trace de trois jours de musique et de fête, parer à tous les problèmes de logistiques et aux déconvenues de dernière minute.
Les musiciens du Sahara qui se sont fait une belle renommée à l’international ont plus souvent l’opportunité de se produire dans n’importe quelle capitale occidentale pour des publics avertis mais très éloignés des questions dont traitent leurs chansons que devant des populations d’origine nomade dont ils sont les ambassadeurs à l’étranger et surtout les garants d’une possible transmission d’un héritage bien vivant.
Un festival au désert qui n’a pas lieu, comme cela semble être le cas à Merzouga en 2019, alors que l’édition en avril dernier « Mama Africa » a été des plus réussies, c’est un Petit Prince qui meurt, c'est une planète qui s’éteint, faute d'allumeur de réverbères !
Sahara, terre fertile, hommage à Khalifa Balla
Créé en 2009 aux portes du désert marocain par des promoteurs touristiques du cru, le Festival Taragalte porte le nom original de l’ancienne cité caravanière rebaptisée en langue arabe, la plaine aux gazelles, M’hamid el Ghizlane. Les Frères Sbai accueillent dans leur bivouac du Petit prince journalistes et festivaliers étrangers venus à la rencontre des populations nomades qui se sont sédentarisées dans la région. C'est ici que la marraine du festival, Oum, a enregistré le clip « Taragalte », qui permet avec ses 6 millions de vues d'assurer une belle visibilité aux organisateurs..C’est aussi dans ce cadre idyllique, loin de la rumeur du monde, que le groupe Tinariwen est revenu en janvier 2017 pour enregistrer son dernier album.
Il est aisé d’imaginer quel impact positif et bénéfique génère la venue d’artistes qui sont des légendes pour les jeunes musiciens de ce village. C’est dans cette perspective de favoriser l’émergence de nouveaux talents que les Frères Sbai avaient permis dès 2009 au groupe Génération Taragalte de se frotter à la riche expérience des musiciens de Tinariwen.
Depuis Génération Taragalte a pu à son tour franchir les frontières avec des prestations qui ont marqué les esprits, dont l’ouverture du festival Afrika d’Hertme en Hollande, en juillet 2015. Le groupe était en mars dernier dans des studios d’enregistrement à Casablanca pour finaliser un projet de 1er album. En juin, C'est à Paris que le groupe est allé à la rencontre de son public. Ces amis d’enfance autodidactes qui ont longtemps rêvé de grandes scènes avant de pouvoir s’y produire sont bien sûr au programme du week-end de Taragalte.
Tout le monde s'associe à leur énergie, à leur espoir, pour que ce nouveau concert de Génération Taragalte soit l’occasion d’un bel hommage à l’un des musiciens du groupe. Khalifa Balla n’avait pas 28 ans. Décédé brutalement dans un accident de la route à M’hamid el Ghizlane fin avril, il a emporté avec lui un vaste répertoire de chants traditionnels, une sensibilité, une retenue, une voix qui donnaient de la profondeur et une vraie grâce à tous ces instants, trop rares, où ses chansons nous berçaient d’une si belle chaleur.
Spéciale dédicace à Khalifa Balla « Les étoiles sont éclairées pour que chacun puisse un jour retrouver la sienne ». Antoine de Saint Exupéry, Le Petit Prince
La 16ème édition du festival international des nomades aura lieu du 4 au 6 avril 2019 et le Festival Taragalte ouvre ses portes ce vendredi 26 octobre, au cœur des dunes, pour sa 9ème programmation à découvrir ci-dessous.
Particulièrement ambitieuse, cette nouvelle édition réunit entre autres deux groupes qui sont à l’origine il y a bien longtemps de l’essor du rock touareg : Tinariwen et Lo’Jo. C’est une belle façon de rendre hommage à tous les artistes qui n’ont pas toujours les coudées franches pour voir leurs efforts couronner de succès et de rappeler qu’en musique, comme dans d’autres domaines, il faut bien un début à tout !
Le véritable voyage, ce n’est pas de parcourir le désert ou de franchir de grandes distances sous-marines, c’est de parvenir en un point exceptionnel où la saveur de l’instant baigne tous les contours de la vie intérieure. Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince
À noter, Une oasis d’espoir, Grand Prix du documentaire 2018 au Festival Green Awards de Deauville, sera projeté en avant-première africaine à M’hamid el Ghizlane ce samedi 27 octobre, à 14h30 dans le cadre de Taragalte, à l’initiative de Infocus Production. Projection sur Ushuaïa TV le 13 novembre à 20h30. Voir le teaser ci-dessous :
Références :
http://www.taragalte.org/fr/
http://www.nomadsfestival.org/
https://www.youtube.com/watch?v=KBM6ZEx5KGo
http://dernierbaiser.mondoblog.org/2015/07/10/pic-de-chaleur-du-week-end-hertme-en-hollande-cree-levenement/
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