Interview - Lornoar, lauréate du Tanit d'Or des Journées Musicales de Carthage 2019
Créatrice d'exception, Lornoar est aussi une véritable glob-trotteuse qui parcourt des milliers de kilomètres pour proposer sa musique aux 4 coins de la planète.
Music in Africa vous propose un entretien exclusif avec la chanteuse camerounaise, lauréate du Tanit d'Or des récentes Journées Musicales de Carthage.
Bonjour Lornoar, voudriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Bonjour ; je suis Lornoar, chanteuse et compositrice originaire du Cameroun. Mon nom d'artiste, Lornoar, exprime ce que la culture représente pour moi, de l'or ; il traduit aussi ma fierté d'être noire.
Au moyen de mon art, je présente les cultures et musiques du continent africain au monde entier. J'ai eu la chance de me produire dans de nombreuses rencontres internationales et partout où je passe, je m'évertue de montrer une autre figure de l'Afrique, que celle misérabiliste longtemps présentée à l'extérieur.
Quels ont été les moments les plus mémorables de votre parcours d'artiste ?
J'ai débuté ma carrière solo en 2007 et remporté dès 2010 le prix du Massao à Douala (Cameroun), un festival organisé en l'honneur de Myriam Makeba ; le jury était d'ailleurs constitué de ses petit-fils. Pour la circonstance, j'avais interprété son célèbre titre, « Malaika », en bikutsi, un rythme très dansant du Cameroun.
En 2011, j'ai sorti mon premier album Lornoar et en 2012, j'ai fait mes premières scènes à Paris, la capitale française. En 2014, j'ai embarqué pour New York (États-Unis) et rencontré Alex Boissel, membre de mon équipe de managers, qui a réussi à me trouver des dates en Amérique.
J'ai eu la chance en passant, de collaborer avec le bassiste camerounais Francis Mbappé et le grand honneur de travailler avec Bashiri Johnson, un percussioniste qui a côtoyé des sommités de la musique comme Michael Jackson, Withney Houston, Beyonce ou encore Lady Gaga.
J'ai également été invitée au Siège des Nations Unies lors d'une assemblée générale, pour interpréter un de mes titres en hommage à nos ancêtres réduits à l'esclavage.
De 2014 à 2017, j'ai multiplié les concerts en France, dans toute l'Afrique et en Amérique. En 2017, j'ai représenté le Cameroun aux jeux de la francophonie à Abidjan (Côte d'Ivoire), dans la catégorie chanson. L'année suivante (2018), je me suis produite au Marché des Arts et du Spectacle d'Abidjan (MASA) qui m'a ouvert beaucoup de portes, j'ai eu une tournée asiatique juste après.
J'ai également participé au Mapas en Espagne, au Moshito en Afrique du Sud, à Visa For Music au Maroc, ainsi qu'au WOMEX, en Espagne, où j'étais sur la programmation off. Tous ces moments sont inoubliables pour moi.
Comment définissez vous votre musique ?
Ma musique, je la rangerais dans ce que d'aucuns appellent communément la « world music ». Mais s'il fallait être plus précise, je dirais que je fais de l'afropop, car mes oeuvres sont dominées par des rythmes pop et des sonorités traditionnelles du centre du Cameroun.
Au coeur de mes créations, on trouve le bikutsi, un rythme de mon terroir, dont le nom signifie littéralement : « frapper le sol avec les pieds ».
Autour de ce style, viennent s'agglutiner le makossa, l'assiko, la salsa, le bossa nova, le funk, le reggae, la pop et même un peu de mbalakh.
Fan des musiques d'Afrique de l'Est et d'Afrique du sud, ma musique intègre également des éléments stylistiques empruntés aux créateurs de ces régions.
En somme, ma musique est d'un éclectisme qui est sans rappeler l'identité du Cameroun que l'on appelle souvent « l'Afrique en miniature ».
Récemment, vous avez reçu une distinction aux journées musicales de Carthage en Tunisie, pouvez-vous nous en dire quelque chose ?
En effet, le 18 octobre dernier j'ai eu l'immense privilège de recevoir le Tanit d'Or des Journées Musicales de Carthage (JMC). Ce fut un moment exceptionnel ; je ne m'attendais pas du tout à remporter ce prix - c'était pour moi un vrai cadeau de mariage, un mois seulement après la noce.
Pour tout vous dire, je ne crois pas aux concours ; je voulais me produire sur la scène des JMC que je considère comme un simple festival, mais c'est mon équipe qui m'a convaincue de m'inscrire à la compétition organisée à cette occasion.
La Tunisie a été une découverte pour moi. C'est un pays qui propose des spectacles gigantesques et les JMC particulièrement sont un carrefour pour les artistes du monde arabe et de l'Afrique. Ce que j'ai vu là-bas était en soi une récompense, le Tanit d'or a été la cerise sur le gâteau. J'ai envie de dire que c'est ma plus belle distinction...
J'en retiens qu'il faut croire en soi dans tout ce que l'on fait ! Remporter ce trophée devant tous ces magnifiques artistes que j'ai vu se produire est juste incroyable.
Les JMC sont une belle plateforme et j'appelle vivement mes collègues artistes à la découvrir ; à ne pas s'imposer de barrières et aller découvrir comme moi. Je tiens aussi à remercier particulièrement Imed Alibi, directeur des JMC.
Vous avez participé à des rencontres musicales de tous les genres (salons, festivals, conférences, etc), tous ces voyages ont-ils eu un réel impact sur votre carrière ?
Ces dernières années, j'ai effectivement participé à de nombreuses rencontres musicales, souvent invitée, sinon à ma propre initiative car dans le milieu de la musique, il faut parfois forcer la chance.
J'ai eu le plaisir de rencontrer Tony Mefe, promoteur de l'Escale Bantoo et du catalogue Voix de Fame, et c'est lui qui m'a proposé d'aller à Visa For Music, alors que je n'avais jamais mis les pieds dans un marché musical.
Je ne savais vraiment pas ce que je devais y faire mais je me suis quand même rendue au Maroc ; j'étais sur le stand de Voix de Fame. J'ai participé à toutes les conférences et workshops du salon, rencontré des personnes et j'étais vraiment émerveillée.
Rentrée, j'ai commencé à penser ma carrière autrement, j'avais des perspectives nouvelles, ma vision s'est élargie après le salon.
L'Escale Bantoo, organisée au Cameroun par Tony, a été la seconde occasion de rencontrer des professionnels du continent. Grâce aux conseils de quelques uns, j'ai revu mes formats de spectacle et corrigé beaucoup de choses.
Quand j'ai candidaté pour le MASA l'année suivante, j'ai été retenue tout de suite, puis c'était le cas pour Visa For Music, le Mapas, le WOMEX et le Moshito, Seoul Music et bien d'autres événements.
Ces rencontres m'ont permis de remplir mon CV, d'avoir des dates de concert à travers le monde, de croiser d'autres artistes pour des collaborations et finalement de mieux vivre de mon art, car plus ça tourne, plus l'argent rentre.
Grâce à ces voyages, j'ai rencontré des personnes aux cultures différentes et réalisé que ce que j'écris sur un petit bout de papier dans les 4 murs de ma chambre, peut toucher le monde entier.
Parcourir le monde a aussi été l'occasion pour moi, de répandre mon message d'amour aux personnes que je rencontre. Notre monde est cruellement rangé par la haine et l'égoïsme de quelques uns, qui vont jusqu'à détruire un village ou une ville entière, pour satisfaire un intérêt personnel.
Avez vous des projets pour l'année à venir ?
Je suis en actuellement en mode « repos », car l'année s'est voulue éreintante !
J'ai quelques dates au Cameroun, notamment un concert en février à l'Institut Français de Yaoundé. Entre-temps, je ferai un tour au Maroc en fin novembre pour Visa For Music, rencontrer des professionnels et vendre un peu plus le projet « Lornoar ».
Pour 2020, j'ai des idées de featuring avec plusieurs artistes à travers le monde. J'envisage également de sortir un album dédié à la vierge Marie, il s'agit d'un opus purement religieux.
Je compte aussi en enregistrer un autre, sous la direction artistique du bassiste camerounais André Manga. Parallèlement, je vais réaliser des vidéo-clips le long de l'année.
Commentaires
s'identifier or register to post comments