Piraterie d’œuvres musicales au Cameroun
Par Guy Nyameck
Au Cameroun, il devient de plus en plus difficile pour un artiste de récolter les fruits de son dur labeur tellement les pirates sont à l’affût et le phénomène inquiète toute l’industrie musicale.
Un piratage à ciel ouvert.
Vous n’avez qu’arpenter nos principales métropoles notamment Douala et Yaoundé pour constater l’étendu du mal. Vous n’aurez que l’embarras du choix pour vous procurer des CD audio et des cassettes DVD pirates parfois avec le logo d’une des principales sociétés de droit d’auteurs, car il existe plusieurs au Cameroun d’un cote la SOCAM reconnu par le Ministère de la culture et de l’autre la CMC de SAM MBENDE et tout cela fait désordre dans la lutte contre cette pieuvre qu’est la piraterie du fait de la cacophonie et du manque de concertation entre les différents acteurs.
Les saisies énormes opérées, restent une goutte d’eau dans la mer, tant les pirates sont actifs et rusés. Les moyens utilisés sont sophistiqués, si bien qu’il est difficile aux artistes et aux structures qui les protègent de leur mettre la main dessus. C’est donc impuissant qu’ils assistent au vol du fruit de leur labeur. La piraterie à grande échelle est pratiquée par des sociétés de duplication totalement inconnues des structures de contrôle et de recouvrement des droits d’auteurs. Quelquefois, les pirates sont installés autour de nous, plus près de nous.et certains acteurs comme les musiciens et producteurs sont accuses de collusion avec les pirates pour des raisons mercantiles devenant ainsi les « Pompiers pyromanes ». Juridiquement l’acte de piraterie se définit comme un délit de contrefaçon commis sur une grande échelle et dans un but commercial.
Il consiste en l’exploitation des œuvres en violation des droits d’auteur, des droits voisins et des droits relatifs à la protection des expressions du patrimoine culturel traditionnel appartenant au patrimoine national.la piraterie a pris de telle proportion qu’elle est définie comme le Sida (syndrome d'immunodéficience acquise) de l’Art.
Facteur majeur de la disparition des maisons de production et certains grands noms de la musique camerounaise.
Certains grands noms de la musique camerounaise ont presque rendu le tablier. Les Nkotti François, Anne marie Nzie, Misse Ngoh, Ekambi brillant, Toucouleur, Grâce Decca, Dina Bell, SAM Fan thomas sont de moins en moins présents dans le showbiz camerounais le constat est clair la piraterie est en train de tuer la production des œuvres artistiques au Cameroun. Plusieurs producteurs ne savent plus à quel Saint se vouer. Beaucoup parmi eux ont fermé boutique ou alors produisent des artistes de façon sporadique. On se rappelle que dans les années 1980 -1990, la maison de production Ebobolofio faisait le bonheur des artistes du bikutsi (rythme local). Cette écurie est inexistante aujourd’hui. La maison de production Nkul nnam, qui a longtemps produit les albums de plusieurs artistes comme K-tino a à peine un siège à Yaoundé. La maison de production Angoula angoula est presque en faillite. Les artistes de cette maison ont dû signer ailleurs. C’est le cas des artistes Tole Bac, Lady Ponce ou Ama Pierrot. La jeune maison de production Aappodisk International, mise sur pied en 2004 par Appolonie Eyebé est aussi tombée en faillite. Ses artistes comme Eboa Show, Vincent Paradis, Veronik Fakture, ont dû aller se chercher ailleurs. Jps production de Jean Pierre Sa’a va déménager de Paris pour s’installer à Douala au Cameroun. D’autres producteurs comme le célèbre Mc Pop music ou Mendy Show ont simplement abandonné le secteur pour se consacrer à d’autres activités. Tous estiment que la piraterie a fait chuter leurs chiffres d’affaires. Aussi, ne peuvent-ils plus investir à perte. La plupart des artistes ont aujourd’hui des difficultés pour trouver un producteur. Abanda Aviateur, Roger Bekono, doyens du Bikutsi, ou encore Jp Kaïti ont des maquettes qui n’attendent que des producteurs. Certains artistes sont donc obligés soit de s’auto produire, soit d’exercer une autre activité pour pouvoir survivre.La piraterie est donc en grande partie à l’origine de la baisse de la production artistique au Cameroun.
Productions musicales en perte de vitesse.
Actuellement, avec l’avènement prodigieux des technologies du numérique, chacun peut télécharger des musiques à travers son ordinateur, graver des compacts discs, ce qui fait que les producteurs ne se sentent plus à même de se dévouer à leurs missions premières. Ils rechignent à envoyer des artistes en studio, à mettre sur le marché des supports musicaux. Ceci expliquant peut-être cela, car nul ne peut courir à sa propre perte. Vous ne pouvez pas mettre 10, 20, 30 voire 100 millions de FCFA sur un artiste et ne pas avoir droit à un retour à l’investissement, les producteurs ont abandonné le marché discographique aux pirates. Même ceux qui assuraient la distribution ont foutu le camp. Aujourd’hui, pour trouver des disques originaux, il faut aller dans les coins isolés, fouiller et s’armer de beaucoup de patience quand vos efforts de recherche ne s’avèrent pas vains. Mc Pop a disparu du marché, Flash music n’existe plus…C’est la déroute totale de l’industrie musicale au Cameroun. Malgré quelques réels motifs de satisfaction comme X maleya il ya quelques jours a l’Olympia de paris, Mani Bella voire COCO argente la production musicale camerounaise est très décriée pas seulement a cause de textes mal inspires et très souvent libidineux mais aussi en grande partie de la qualité très souvent douteuse du son. Résultat la musique camerounaise peine a reprendre ses lettres de noblesse elle est surplanté par de productions musicales venus d’ailleurs notamment du Nigeria voisin. L’artiste SAM Mbendé alors à la tête de la Cameroon music corporation (CMC), avait entrepris des descentes sur le terrain en saisissant et en brûlant des CDS piratés. Son action a été à plusieurs reprises « éteinte » par quelques individus qui serraient en phase avec des pirates. SAM Mbendé s’était même plaint au cours d’une conférence de presse organisée à Yaoundé, du fait des pressions reçues à chaque fois que l’on mettait la main sur les pirates ou des cartons de CDS de contrefaçon.
La nouvelle société camerounaise de l’art musical(SOCAM) ne s’est pas encore prononcée sur l’action à mener pour combattre la piraterie au Cameroun. Le mutisme du ministère de la culture qui a pourtant en son sein une cellule chargée de la lutte contre la piraterie est étonnant .Cette inertie et ce laxisme des pouvoirs publics laissent le champ libre aux pirates qui s’enrichissent au fil du temps du labeur des artistes dont la plupart croupissent dans une misère lamentable.
Comment remédier à ce malaise profond.
Le combat doit se déporter vers le numérique. . On parle de moins en moins du piratage, mais davantage du “pico rage” car des téléchargements d’œuvre musicale sont la tasse de lait de Monsieur tout le monde. A travers une clef USB, on stocke des musiques, on grave par soi-même des chansons sur Cd… Le support musical ancien est voué dans ce contexte du tout numérique à la disparition. Dans quelques années, il y aura une épitaphe qui va indiquer qu’ici gît le dernier Cd audio. Parce que le mode de comportement des consommateurs a changé. Il y a quelques années, on aurait pu réduire la saignée car le phénomène n’avait pas une grande envergure comme de nos jours. A côté de cela, il faut dire que nous avons des textes de lois qui existent. Il faut qu’on les applique car il ne s’agit pas là d’un manque de volonté politique. Il faut se mobiliser, réunir des experts sur la question comme ça se fait ailleurs. Il faut reconnaître qu’actuellement au Cameroun, les syndicats du secteur artistique et culturel ne sont pas encore suffisamment organisés pour faire des propositions fortes aux pouvoirs publics et même jouer le rôle de contrepoids, dans l’optique de mettre un terme au piratage. Au Nigeria, le piratage concerne en gros les œuvres produites par des étrangers. On ne s’amuse pas avec les albums dont les Nigérians sont auteurs. Si dans ce pays de plus de 100 millions d’habitants, le phénomène est circonscrit, comment ce fait-il qu’au Cameroun avec moins de 20 millions d’âmes, une artiste comme Lady Ponce, Mani Bella voire Coco Argente qui cartonnent en ce moment ne parviennent pas à vendre 5 mille Cd ? Au Congo-Kinshasa, Koffi Olomidé se vend bien quoi qu’on dise. Au Cameroun, il s’agit d’un esprit qu’il faut avoir, qu’il faut inculquer. D’où un travail pédagogique à faire. Le Cameroun est un. C’est une République unie. Il faut que cela se traduise dans les faits et ne se limite plus aux déclarations de bonne intention.
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