La musique populaire en Ouganda
Par Achiro P. Olwoch
L’industrie musicale en Ouganda est très dynamique et joue un rôle important dans la vie sociale et économique de la population. Les musiciens y sont de véritables stars. Au cours des dernières années, ils ont utilisé leur musique pour faire passer des messages et encourager les changements sociaux et économiques. La langue la plus utilisée par les artistes de tous genres est le luganda, et certains la mélangent à l’anglais et depuis peu, au swahili afin d’atteindre un plus large public. Ce texte offre une vue d’ensemble sur les genres musicaux populaires en Ouganda.
Le kadongo kamu
Le premier genre musical populaire est le kadongo kamu qui est inspiré de la musique traditionnelle ougandaise. Les termes “kadongo kamu” signifie “une guitare” en langue locale luganda. Les amateurs les plus loyalistes de la région de Buganda apprécient tout particulièrement ce genre musical, ce qui lui garantit presque toujours une audience étendue. D’autres genres sont issus du style kadongo kamu et sont devenus les tendances les plus influentes.
Parmi les pionniers de ce genre, on compte Fred Masagazi, le premier musicien à jouer de la basse tout en chantant et ce, au début des années 60, peu après l’indépendance de l’Ouganda. Christophe Sebaguka et Elly Wamala sont considérés comme les fondateurs de ce style et ont tous deux participé aux évènements musicaux célébrant l’indépendance en 1962. D’autres artistes ont suivi dans les années 80 et 90, tels qu’Herman Basude, Fred Ssebatta et Paul Kafeero. Ils nous ont tous quittés mais leur musique demeure. En effet, de nos jours, le kadongo kamu est joué et chanté à travers tout le pays, notamment par le remarquable Dan Mugalula.
Le kidandali
Le kidandali est le style musical le plus populaire en Ouganda. Il emprunte ses rythmes à l’afrobeat ou “band music”, bien que son style ait peu de similitudes avec celui de l’afrobeat. Les racines de ce genre peuvent remonter à l’indépendance, quand la nation a été envahie par différents groupes musicaux. Ce genre est né peu après l’apparition du kadongo kamu, il peut presque être considéré comme sa version plus raffinée ou plus moderne et a été grandement influencé par le soukous et la musique congolaise.
Le premier groupe à avoir émergé et défié le temps est Afrigo Band, avec un premier album intitulé Omutanda Gyali en 1994, ils furent aussi les premiers à enregistrer leurs chansons sur un support CD. L’émergence du kidandali s’est accompagnée du succès de jeunes artistes tels que Bobi Wine, aussi surnommé “Le Président du Ghetto”. D’origine modeste, le style musical de Bobi Wine et ses textes sont appréciés tant dans les milieux urbains que ruraux. Ses plus grands concurrents sont Dr Jose Chameleone et Bebe Cool. Radio & Weasel ont récemment atteint le sommet de la profession avec une nomination aux BET Music Awards en 2013 comme Meilleur Révélation Africaine.
Le dancehall
Le dancehall ougandais est largement inspiré de la culture dancehall jamaïcaine et il s’agit de l’un des styles les plus influents en Ouganda depuis 20 ans. Il est apparu durant la première moitié des années 90 et des artistes internationaux tels que Shabba Ranks et Buju Banton ont été les modèles qui ont inspiré les pionniers locaux de ce genre, entre autres Rasta Rob et Ragga Dee qui, tous deux continuent à exploiter ce style musical bien qu’ayant été quelque peu supplantés par de plus jeunes talents.
En Ouganda, le dancehall est étroitement lié au kidandali, et les musiciens passent aisément de l’un à l’autre. Bien que la plupart des artistes de dancehall interprètent leurs chansons en langue locale, généralement en luganda, à l’occasion, ils miment le patois jamaïcain. Les musiciens les plus représentatifs de ce genre musical sont Cindy, Bella, Rabadaba et la star montante Irene Ntale. L’un des titres les plus populaires de Rabadaba est ‘Bwekiri’ (ce qui signifie “c’est comme ça”) sorti en 2009.
Le hip-hop
La culture hip-hop, calquée sur le modèle américain, a influencé la jeunesse ougandaise et pas seulement par la musique. La majorité des jeunes fans de ce genre en ont adopté le style vestimentaire, la démarche chaloupée et même la façon de parler. Klear Cut et Bataka Squad ont été deux des premières formations hip-hop en Ouganda à la fin des années 90. A l’époque, le hip-hop était plutôt mal vu et la plupart des groupes du genre se sont vus forcés de changé de style.
Malgré la résistance des débuts, des artistes tels que Navio et Babaluku ont persévéré, mais c’est en 2008 que le hip-hop a véritablement gagné en popularité avec l’avènement de GNL Zamba. Ce genre devient une tendance incontournable que les artistes ne cessent d’adapter au style local. Il n’y a pas de grande différence entre le hip-hop américain et ougandais, si ce n’est qu’en Ouganda les chansons sont interprétées en luganda et de là est né le terme ‘lugaflow’ (flux luga) afin de souligner le fait que la musique hip-hop peut garder tout son flux et être aussi divertissante dans d’autres langues que l’anglais.
Aujourd’hui le hip-hop reste l’un des genres les plus populaires dans les principaux médias. Les artistes de hip-hop les plus influents sont Keko, première interprète féminine à se distinguer dans ce milieu typiquement masculin, ainsi que Navio, qui parfois de produit aux côté de son ancien associé The Myth.
Le gospel
Le gospel est un genre musical qui a également acquis une grande popularité en Ouganda. Il s’agit d’une adaptation de la musique de louange et d’adoration jouée par les chorales et orchestres des églises, en particulier les églises pentecôtistes. Le nombre d’artistes de gospel ayant émergé à travers le pays depuis les années 90 est aussi élevé que ceux des autres genres musicaux populaires.
Les stars actuelles de la musique gospel doivent beaucoup à Fiona Mukasa pour avoir fait sortir ce genre musical de l’église pour en faire profiter la majorité vers la moitié des années 90. Les consonances de soukous contenues dans la musique gospel ont permis l’émergence de formations populaires telles que Limit X. Aujourd’hui, les musiciens gospel les plus appréciés sont Judith Babirye, Wilson Bugembe et Exodus, un jeune groupe qui bien qu’ayant d’autres genres à son répertoire, est classé dans la catégorie Gospel, de même que Judith Babirye et Wilson Bugembe. Le titre de Judith : ‘Yesu Beera Nange’ (2005) et ‘Igwe’ d’Exodus (2008) ont été joués et appréciés bien en dehors des temples et des églises.
Le jazz
La musique jazz n’est pas très répandue en Ouganda et peu de gens s’identifient à ce genre. Cependant, son public à tendance à croître, avec des musiciens tels que Isaiah Katumwa, qui a pris le risque de se produire d’un concert à l’autre, non pas dans le seul but de divertir le public, mais aussi de faire découvrir la beauté de ce style musical. Le jazz est généralement joué par des groupes complets dont l’un des plus respectés est Fusion Band. Ils offrent des compositions originales en plus de mélodies occidentales populaires auxquelles ils ajoutent une touche de jazz.
Ils sont surtout invités à se produire lors d’évènements ponctuels mais aussi chaque semaine dans de grands hôtels. Plus récemment, un certain nombre de musiciens internationaux de jazz ont été invités sur les scènes ougandaises. Les performances de ces géants de la musique ont ouvert la voie aux jeunes talents locaux en quête de reconnaissance.
Le R&B
Ce dernier genre musical est celui qu’adoptent la plupart des artistes en Ouganda. En effet, il permet une interprétation dans n’importe quelle langue et accommode aussi bien les musiciens en herbe que les chanteurs célèbres. Les artistes les plus notables du genre sont Iryn Namubiru, Julianna Kanyomozi, Naava Grey et Maurice Kirya, pour ne citer qu’eux.
Parmi ces artistes, certains sont à la frontière entre la musique soul et l’afro-pop. Leur musique, le plus souvent interprétée en luganda, est bien perçue au sein de la population ougandaise. De nombreux musiciens ont récemment commencé à chanter en swahili, ainsi qu’en un mélange de luganda et d’anglais pour atteindre un plus large public.
La chanson de Julianna ‘Nabikowa’ (2006), l’album d’Iryn’s Nkuweki (2006) et le titre de Grace Nakimera ‘Nkwagala Kufa’ (2013), font partie des plus grands succès du genre à ce jour. Maurice Kirya, du groupe Maurice Kirya Experience, s’est distingué par sa capacité à jongler entre le gospel et le R&B. Sa chanson ‘Boda Boda’ s’est maintenue en tête des classements sur les stations de radio locales et son message va au-delà les allégeances régionales et tribales.
Quel que soit le genre musical abordé ci-dessus, le plus grand défi auquel doivent se confronter tous les acteurs de l’industrie musicale en Ouganda et le non-respect des droits d’auteur. Leur musique est vendue au marché noir à un prix inférieur à un quart du coût officiel d’un CD. Afin d’inverser cette tendance, des organisations telles que l’Association pour les Droits D’auteurs en Ouganda et L’Associations des Musiciens Ougandais[i] essayent de réorganiser l’industrie du disque afin d’obtenir autant de ventes que possible avec les moyens dont ils disposent. Presque tous les artistes ougandais gagnent leur vie grâce aux concerts ou aux représentations privées et ne comptent pas sur les ventes seules.
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