Chronique d'un JT pas comme les autres
Voilà plus de deux ans déjà, qu’à Dakar, un journal télévisé d’un genre inédit fait le buzz. Le premier numéro a été lancé en Avril 2013. Depuis, il prend des proportions exceptionnelles. Beaucoup de capitales africaines, séduites, emboîtent le pas à nos précurseurs pour présenter à leur tour, leurs versions. Et, de Paris à Washington, en passant par Abidjan et Antanarivo, c'est le monde entier qui est en train de se mettre à l'heure du JTR. Chronique d'un JT pas comme les autres.
Lancé par deux icônes du rap sénégalais, Gunman Xuman et Keyti, le journal rappé raconte en musique, sur un ton badin et railleur, en français et en wolof, les faits saillants de l’actualité de la semaine, au Sénégal, en Afrique, et dans le monde. Diffusé sur leur chaîne Youtube, ce programme est régulièrement regardé par quelques milliers d’internautes.
En trois saisons, le Journal rappé est désormais une référence sous-régionale, originale ; à tel point qu’il a fait de nombreux émules en Afrique. En février 2015 était lancé le journal gbayé (la version ivoirienne du JTR) présenté par la go Nash et le rappeur Smile. Diffusée chaque quinzaine sur Youtube, cette émission produit un contenu local qui gagne lui aussi, de jour en jour, en popularité, grâce à une bonne communication internet. Selon nos sources, un autre JTR devrait voir bientôt le jour au Nigeria. Et, tout récemment à l'autre bout du continent, à Madagascar un journal rappé (Info Clash) est né, s'inspirant largement de l'exemple dakarois. Il existe aussi une version tunisienne du JTR, et nous verrons sûrement d’autres éclosions dans un avenir proche.
Selon Gunman Xuman, à qui on doit l'idée du JTR : « Le traitement de l'actualité est souvent biaisé par des intérêts économiques. On a l'impression que ceux qui parlent ne le font pas pour nous. Au JTR, on milite pour une troisième manière de voir les choses entre les médias et l'État. Si on travaillait pour la télévision nationale sénégalaise, la RTS, par exemple, on ne pourrait pas dire certaines choses sur le gouvernement. Ici, on s'exprime de manière libre et indépendante. » Et le rappeur de continuer : " Certains n'écoutent pas les nouvelles, ne lisent pas. Mais ils consomment du rap. Ils ont une vision du monde à travers nos chansons de rap." Le JTR est donc un excellent moyen d'ouvrir sur le monde et son actualité non seulement les oreilles mais les yeux de ces fans de rap.
Avec la saison 3, lancée en grandes pompes le mardi 19 mai 2015 au théâtre national Daniel Sorano, (qui a refusé du monde ce soir-là), le nouveau JTR, relooké, innove continuellement pour rester à la hauteur de sa réputation toujours grandissante. Ainsi, les fidèles du programme ont pu suivre le 22 mai 2015 un "débat rappé" épique, qui a vraiment plu à beaucoup. Les reprises parodiques et hilarantes des standards de la musique mondiale, africaine, ou locale, par Xuman, sont elles aussi, toujours très appréciées.
Humour, parodie, dérision, détournement sont les ingrédients de base du JTR, mais au-delà, l'objectif est d’inciter à réfléchir, à se remettre en question, et surtout à se poser les bonnes questions. Loin d'être des "cyniques iconoclastes", ces impertinents, avec leurs opinons sagaces nous bousculent dans nos "comfort zones" et, curieusement, nous font du bien.
Quelques organismes internationaux, et personnalités de tous bords, reconnaissant le potentiel énorme de ce programme, tentent de le faire se développer et essaimer partout. D'autres régions plus éloignées du continent, essayent de comprendre le projet. Xuman et Keyti, en effet, voyagent en Europe, en Amérique, et même au Japon, pour parler du JTR. Car le Journal Rappé est véritablement une plateforme idéale et un excellent véhicule pour sensibiliser, éduquer et informer les jeunes. La liberté de parole y est encouragée puisqu’instaurée en principe. Aussi toutes les obédiences, toutes les sensibilités ont-elles droit au chapitre, comme le rappelait Keyti, lors d'une interview accordée à un site de la place.
Aujourd'hui, le JTR est devenu un programme panafricain, qui touche de plus en plus de pays sur le continent… et pas seulement. Chaque vendredi, des milliers de personnes guettent le nouveau numéro de la semaine, pour s'en délecter, mais aussi s'informer, s'imprégner de l'actualité nationale et internationale, y apprendre de bonnes et de mauvaises nouvelles. Au final, comme dans un vrai journal.
Découvrez le numéro du JTR consacré à la disparition du rappeur Pacotille
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