La musique classique à Madagascar
Par Niry Ravoninahidraibe
Le public malgache se fait une fausse idée de la musique classique. Néanmoins, les talents, événements et écoles de musique y remédient, lentement mais surement.
A l’heure actuelle, la musique classique ne touche qu’un public restreint. Mais son expansion est incontestable vu les enfants et adolescents qui intègrent ce genre musical. De la même façon que les expressions : « musique classique », « musique savante » ou encore « opéra » placent les malgaches dans une méconnaissance collective suivie par de l’indifférence. L’environnement musical de Madagascar, fortement marqué par les musiques populaires ne permet pas aux malgaches l’adoption de celle-ci.
En effet, les sonorités sont diamétralement opposées, du doux et strict d’un côté, de la musique libérale et plutôt forte de l’autre. De plus, le classique est cette musique technique difficile à maitriser, et quelque part à apprécier. En effet il est difficile d’adhérer à ce style, que ce soit pour les artistes ou pour le public, avec un peu moins de difficulté pour certains. Néanmoins, les artistes malgaches de musique classique peuvent s’engager dans la voie des conservatoires, réussir et même contribuer à l’expansion de cette musique dans la Grande île.
Les débuts de la musique classique
L’intégration de la musique classique à Madagascar présente des origines incertaines. Il n’est pas impossible que des interactions aient eu lieu entre la royauté malgache et des étrangers, dans la période précédant la colonisation. Mais c’est après l’indépendance que l’on peut parler de vulgarisation de la musique classique sur la Grande île. Il est néanmoins possible de citer les premières écoles de musique : Ecole de Musique d’Antananarivo dans les années 60 et le Centre National d’Enseignement de Musique fondé en 1972 et dirigé par Schwarde. Les premiers enseignements furent effectués par des étrangers comme Bernarson ou encore Rouillon. Par la suite survint l’avènement des écoles privées telles que l’École de musique Ratefy et l’Ecole de musique Rajaofetra qui figurent également parmi les premiers ateliers de réparation d’instruments.
En effet, il y eu une certaine période durant laquelle il était difficile de s’exercer car la réparation d’instruments de musique ne faisait pas encore partie des compétences des malgaches. Il existe néanmoins des vestiges des premiers essais d’enseignement, à l’exemple d’un « claviocelle » (vieil instrument de musique classique) se trouvant au Centre National de l’Enseignement de Musique et de Danse (CNEMD) à Anosy.
Les artistes et les groupes musicaux
Parmi les premiers grands noms figure celui de feu Etienne Ramboatiana dit Bouboul, une référence pour la guitare. A l’heure actuelle, les artistes et instrumentistes connus sont assez nombreux, pour ne citer que : Miora Rabemanantsoa, Holy Razafindrazaka, Kingatsa Rakotomalala, Kiady Rakotomalala, Mireille Rakotomalala, Mirana Randria et La Camerata en tant que groupe. Un bon nombre d’artistes malgaches, dans la catégorie musique classique accède aux conservatoires si l’on se réfère au nombre d’artistes malgaches de classique présents sur le territoire. Néanmoins, les artistes de musique classique originaires de Madagascar sont encore peu nombreux comparé aux autres pays.
Parmi ceux qui sont parvenus à se perfectionner dans des conservatoires, certains bâtissent une école pour partager les acquis et permettre aux malgaches de ne pas être en reste dans cette musique. Holy Razafindrazaka est une soliste sollicitée à l’étranger ce qui ne l’empêche pas d’enseigner dans son propre pays. A la fois artiste et enseignante, sa présence sur le sol malgache n’est pas négligeable. D’ailleurs, l’école Laka organise fréquemment des représentations baptisées Laka Ensemble, des concerts permettant de se rendre compte de la maîtrise de ces passionnés de musique classique. Toutefois, le Concert de Classique de midi figure à la tête des événements de référence.
Les différentes interprétations
Les concerts des artistes locaux sont semblables à ceux organisés à l‘étranger notamment en Europe mais ils diffèrent dans la technique. Cela s'explique par le manque d'une formation adéquate pouvant aider les artistes de musique classique à se professionnaliser. Cela n’empêche pas l’exploitation du plein potentiel des musiciens locaux qui n'ont rien à envier aux artistes européens.
En effet, si dans des pays d’Europe comme la France, la musique dispose d’une certaine considération tout en représentant un cheminement précis d’emploi, à Madagascar, la musique est encore en train de revendiquer sa place aux yeux du public. Autrement dit, la musique est presque communément considérée comme un passe-temps avec aucune intention de professionnalisme.Toujours est-il que le talent n’est pas ce qui manque sur la Grande île, il s’agit là d’une remarque d’un professeur de musique, de la lignée des Rajaofetra mais aussi de Holy Razafindrazaka, de l’école Laka. Toutefois, la technique est ce qui caractérise la « musique savante » comme il s’agit de reproduire des œuvres à l’identique, sans improvisation ni déformation, ces mêmes techniques ne sauraient être négligées. Un genre de musique dont la complexité est apaisée par le talent mais aussi la passion qui se transposent en une certaine persévérance.
Les formations et les événements
Les écoles de musique dites formelles, les formations avec des professionnels étrangers ainsi que les événements ne manquent pas. Concernant les écoles, celle de Rajaofetra nommée aujourd’hui Talenta a fêté en décembre 2014 ses 100 ans d’existence, l’École de musique Ratefy, se fait maintenant appelée Cours de musique Ratefy (CMR), continuant également à exister. D’autres établissements contribuent aussi à la valorisation de cette musique : le centre National de l’Enseignement de la Musique et de la Danse, Area Académie et le Cercle Germano-Malagasy proposent également des cours de musique. Les autres écoles qui proposent des formations rapides et dénuées d’une véritable pédagogie contribuent à la négligence du niveau tout en abimant le marché.
En ce qui concerne les événements, le plus connu mais aussi régulier étant le Concert de classique de midi qui a lieu tous les troisièmes mercredis à l’Institut Français de Madagascar, une initiative de Madagascar Mozarteum. Ce concert tient une place de choix non seulement pour les adeptes de cette musique et également pour sa vulgarisation auprès du grand public. Dans cette même optique de promotion, un festival de musique classique est prévu pour le mois d’Août de l’année 2015. Et toujours selon l’un des profs de musique de la famille Rajaofetra « La popularité de la musique classique est en train de monter avec les concerts de classique de midi, ainsi qu’avec les ateliers de formation avec des étrangers ». L’avis général porté par le grand public malgache sur cette musique est l’indifférence vis-à-vis d'une musique trop lente, douce mais aussi ancienne. Tout comme pour le jazz, la musique classique est désignée comme un genre réservé aux snobs. Ce n’est pas une musique populaire certes mais un genre qui continue à attirer de nouveaux adeptes, ainsi que de jeunes artistes décidés à se professionnaliser.
Références http://www.madagascarmozarteum.com/index.php/concerts-classiques-de-midi http://fr.allafrica.com/stories/201309161347.html http://fr.allafrica.com/stories/201309100866.html http://fr.allafrica.com/stories/201309070426.html http://www.africultures.com/php/index.php?nav=murmure&no=13307 https://www.facebook.com/Talenta.Rajaofetra?fref=photo
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