La scène musicale live en Gambie
Par Njei Baldeh et Oko Drammeh
Ce texte offre un aperçu de la musique live en Gambie de son histoire à des exemples de principaux lieux de musique live, d’évènements et de promoteurs.
Histoire
La scène musicale live gambienne telle qu’on la connait aujourd’hui, date des années 50-60. A cette époque, il y avait peu de groupes dans le pays avec les Super Eagles étant les plus populaires aux côtés de leurs rivaux, les Fabulous Eagles. S’inspirant grandement des sons britanniques et américains, ces groupes ont ensuite forgé leur propre style et marque de musique rock africaine. Au tout début, les courts de tennis accueillent les principaux évènements live et cérémonies étatiques organisées par les gouverneurs britanniques avec la participation de fonctionnaires et chefs de gouvernement. Cela comprend le fameux United African Company (UAC) qui avait accueilli Gerald de Pina et son groupe les Heartbeats de Sierra Leone ; le court de tennis de Banjul qui a accueilli le Ryco Jazz band du Congo ; et le court de tennis près de l’Arch 22 à Banjul qui a accueilli le Bembeya Jazz band de Guinée.
A la fin des années 60, un entrepreneur ghanéen ouvre une nouvelle salle appelée le Black Stars Club. Dirigé par Anthony Leon, la boite est ouverte jour et nuit et a son propre groupe résident. Beaucoup d’artistes populaires sénégalais et gambiens s’y produisent à savoir Oussou Njie Senor, Laba Sosseh et Pap Touray des Super Eagles. Le Sahara Night Club est détenu et dirigé par Ousman Njie Sahara, un gambien qui avait dirigé une boite à Londres dans les années 50. Il introduit des éléments de boite de nuit tels que les tourne-disques pour DJs et les lumières psychédéliques. Il participe également à l’introduction de la musique reggae jamaïcaine en Gambie. Sahara est une boite moderne à l’époque et trace l’avenir des boites de nuit en Gambie.
Il y a un coin à Banjul connu comme le “Talk of the Town” (tout le monde en parle). On trouve dans ce quartier entre Hill Street et Buckle Street à Banjul à la fois des garçons et filles gambiens et sénégalais qui se rencontrent en tenues stylées et coiffures Afro et boivent de l’alcool et fument. Le Club 98, Casurina Night Club, l’hotel Apollo et Atlantic sont des hôtels boites de nuit qui offrent de la musique live à Banjul. Les cinémas Odéon et Ritz accueillent aussi de la musique live et des concours. Le Mask Club et Kangku Jare, des bars dans un pays à prédominance musulmane, sont des lieux pour les marginaux ainsi qu’un terreau pour les musiciens libres d’esprit. On peut y entendre de la musique rock américaine aux sons du Cap-Vert avoisinant. D’autres lieux populaires dans les années 60 sont le Caribbean bar, Lousiest Bar, Willies, Soto Koto, City Pride, Mask Club, boite Tropical, Cave Night Club, Uncle Joe’s, Ngalam Afrique, Take 5 et Reform Club.
Parmi les pères fondateurs du show-business gambien on compte le légendaire Pa John Bright du cinéma Ritz, Alhaji Chamsu Coker, Malick Secka, Louis Cherry, Charlie Bruce, Anthony Leon, Pa Sawyer, Antoine Tabbal, Alieu Kah, Malamin Jobarteh (qui eut le premier sound system), Ousmie Niie Sahara, Gibbi Jallow, Pa Lamin Drammeh, le feu Samba Ngum et Tapha John.
La musique live de nos jours
La scène nocturne de Banjul se déplace du quartier ‘Talk of the Town’ au nouveau coin touristique appelé Sénégambia, aujourd’hui le coin le plus solide pour de la musique live. Le coin fait partie de la Zone de Développement Touristique (TDA) réservée aux touristes, hôtels, casinos et boites de nuit. Les grands hôtels emploient des musiciens gambiens et des groupes résidents. Alors que ces musiciens travaillent pour les hôtels afin de gagner leur vie avec un salaire, les hôtels ne les encouragent habituellement pas à jouer leurs propres chansons et leurs dictent quoi jouer. Les groupes jouent donc habituellement des reprises de chansons populaires britanniques et américaines pour les touristes. En conséquence, la magie des vieux jours a largement disparue. Les jours où les groupes étaient initiés par des camarades de classes et amis, a disparu, et les groupes itinérants populaires du pays sont désormais pour la plupart confinés entre les quatre murs de grands hôtels.
En dehors du circuit des hôtels, les artistes Afro-Mandingues s’inspirent des rythmes et langues locales tribales en utilisant la kora de 21 cordes de l’ethnie Mandingue pour guider la musique avec des percussions de l’ethnie Wolof sur les tambours Sabar de Sénégambie, ainsi que les percussions Bugarabu de l’ethnie Dioula (originaires de près de la Guinée-Bissau), un violon Foulani (appelé le Riti) et des chanteuses. Les groupes Afro-Mandingue ne jouent pas souvent dans la capitale occidentalisée mais ils jouent ailleurs en Gambie, aussi souvent que six et plus de concerts par semaine, jouant parfois deux fois dans la même journée, en particulier dans des évènements tels que les naissances, les mariages, les baptêmes, les évènements commerciaux ou sociaux, les concerts d’école et les festivals. On compte parmi des groupes Afro-Mandingue populaires et groupes de Kora Jaliba Kuyateh, Tata Ding, Pa bobo Jobarteh, Lamin Saho, Jalikebba, Sura Suso, Sona Jobarteh, King Kora.
Lieux
Le lieu le plus professionnel et convenable en Gambie pour une foule contrôlée est habituellement le stade de sports, le Stade de l’Indépendance, un espace ouvert pouvant accueillir près de 40,000 spectateurs, avec une large scène et tous les équipements et la logistique nécessaires pour un concert pop.
Un autre lieu populaire est le Panchi Mi Hall. L’espace a deux étages ; le rez-de-chaussée est utilisé pour les concerts avec une scène haute de deux mètres, six mètres de profondeurs et quinze mètres de longueur équipée d’un système de lumières et d’une sonorisation de 5000 watts. Le lieu peut contenir 2000 visiteurs. On l’utilise majoritairement pour des concerts mais occasionnellement en une salle de danse pour des évènements sociaux ou commerciaux. Les frais d’accès pour participer aux concerts au Pan Mi Hall est habituellement de 5US$ et il y a aussi des billets VIP pour mécènes coutant 20US$ par personne.
L’Old School, une boite, joue principalement du hip hop et du dance hall. Ouvert cinq jours sur sept, cette boite sur deux étages comprend un restaurant et peut contenir environ 300 personnes par étage. La salle ne propose cependant pas de musique live, étant trop petite pour un système complet de sonorisation et de tables de mixage.
Dans la populaire ville touristique de Bakau, à 8km de Banjul, le Sinatras est un ancien bar grill devenu salle de danse. Populaire auprès des touristes, l’endroit accueillait auparavant des actes acoustiques en solo du Royaume-Uni mais est dernièrement loué pour des performances de grands artistes gambiens. Il peut contenir jusqu’à 500 personnes.
Le Lama Lama est un autre endroit populaire parmi les groupes locaux jouant le mbalax ou la kora pop. Le Lama n’est pas très grand mais est plein tous les jours de la semaine accueillant une variété de groupes de toutes les ethnies et régions du pays.
Le Wow Night Club, autrefois dénommé Sound city, est dans le cœur touristique et est la boite de nuit la plus populaire en Gambie, avec des DJs locaux jouant du dance hall. Wow peut contenir à peu près 500 personnes.
Ali Baba offre une scène extérieure avec un énorme manguier au centre. On peut y voir des groupes venus du Sénégal, du Libéria, de la Sierra Leone et du Nigéria jouant tous styles de musique de la country au rock, de la soul à la salsa. C’est majoritairement un lieu de détente pour les touristes.
Le Jakarlo Centre Stage, anciennement Tropicana et ensuite Spy Bar, accueille des artistes jamaïcains en tournée tels que Richie Spice, Gregory Isaacs, Anthony B, Luciano, Frankie Paul et d’autres. L’espace est détenu par la famille d’Anthony Tabbal et géré par Jamil Tabbal. Il peut contenir 1000 visiteurs ; c’est un restaurant et une scène centrale pour des concerts professionnels. Les groupes gambiens utilisent ce lieu lorsqu’ils veulent organiser une campagne, des soirées pour des sorties d’album, des battles de rap et lors de jours fériés. C’est un espace en plein air près de la plage de Bakau et la zone touristique de Sénégambie et du populaire restaurant Green Mamba.
Jokor Brikama est une salle populaire dans le village musical de Brikama à 30km de Banjul. C’est la ville natale de Jaliba Kuyateh, Sona Joberteh à Kambujay, Tata Din Din, Pa Bobo et beaucoup de Griots légendaires qui ont débuté à Brikama et migrés au Mali. C’est le village natal de Sidiki Jobarteh, père de l’artiste populaire malien Toumani Diabte. Le Jokor à Brikama est un endroit important pour les groupes itinérants de Guinée-Bissau, Cap-Vert et du Sénégal. Jokor Brikama ouvre uniquement pour des occasions spéciales et lors de jours fériés.
Le Duplex est la plus récente boite de nuit au style « tapis rouge » à Sénégambie, avec trois salles de danse dans un bâtiment de deux étages. C’est un lieu pour à la fois la musique live et les DJs. La boite est équipée de lumières modernes et d’une sonorisation dernier cri. Les plus grands artistes comme Pap Diouf, Wally Seck et Vivian y organisent leurs soirées. De grands évènements modes tels que la Banjul Fashion Week ont aussi lieu là-bas.
La plupart des salles de concerts en Gambie sont situées dans le Greater Banjul et la zone touristique dénommée Sénégambie dans la municipalité de Kombo. Des salles pour des évènements live s’étendent sur 30km au sud de la capitale jusque Brikama. Au-delà de cette région, les lieux pour tenir des concerts sont limités dus au faible accès à l’électricité, au transport et au logement. La plupart des villages en dehors de Brikama sont minuscules. Les sept régions en Gambie ont des centres communautaires construits par l’Etat pour à la fois des évènements publics et privés et occasionnellement des évènements de danse ou musicaux.
Les festivals et promoteurs
Le festival le plus populaire en Gambie est vraisemblablement le Roots Festival. Il a lieu tous les deux ans, alternant avec le Festival International Culturel Kanilai afin que chaque évènement puisse montrer de la musique gambienne à leur façon sans avoir de soucis de calendriers. Le Festival Open Mic est aussi populaire et a lieu tous les ans autour de noël.
Le promoteur gambien le plus populaire est Oko Drammeh. Il a fondé et est l’organisateur de l’African Music Festival aux Pays Bas qui a débuté dans les années 80. D’autres promoteurs gambiens influents sont Aziz Willan, Lamin Cham Champion sound, Waka Jagne, George Gomez, Black Lynx et Joluv Arts Entertainment. Il y a une association pour promoteurs et producteurs dans le pays dénommé l’Association Gambienne de Producteurs et Promoteurs (GAMPP) enregistrée auprès du Centre National des Arts et de la Culture (NCAC) comme une branche gouvernementale et reconnue par le Ministère du Tourisme et de la Culture.
La musique live, nourrie par le tourisme et une dynamique industrie musicale régionale, a longtemps été une source de divertissement pour les gambiens et ceux visitant la nation ouest africaine ; une tradition vouée à durer dans le futur proche.
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