Droit d’auteur et redevances musicales au Togo
Les œuvres littéraires et artistiques font objet de protection au Togo à travers des mécanismes institutionnels et juridiques mis en place par l’Etat togolais pour protéger les œuvres de l’esprit. En place pour la plupart depuis deux décennies, ces mécanismes subissent depuis quelques années des renforcements en vue de répondre aux nouveaux défis en matière de lutte contre le piratage et de redistribution équitable des redevances aux artistes.
- (Photo) : numerama.com
Dispositions légales renforcées
Depuis 1975, la protection des œuvres littéraires et artistiques au Togo était assurée par la Convention de Berne ratifiée par le pays en janvier 1975 et mis en vigueur en avril de la même année. Avant cette ratification, ces œuvres étaient soumises aux dispositions coloniales inspirées de la législation française.
Ce n’est qu’en 1991 que le Togo va se doter d’instruments juridiques et institutionnels pour la protection du « droit d’auteur, du folklore et des droits voisins » (loi numéro 91-12 portant protection du droit d’auteur, du folklore et des droits voisins du 10 juin 1991).
La loi de 1991 définit entre autre, le contenu du droit d’auteur (y compris les œuvres du folklore national) ; sa durée de protection (pendant la vie de l’auteur et les cinquante années civiles suivant son décès) ainsi que les sanctions encourus par les auteurs de « délit de contrefaçon ».
Cette dernière partie a été renforcée en novembre 2015 par le nouveau code pénal qui fait une part belle à la protection du droit d’auteur en doublant pratiquement les sanctions en cas « d’atteinte au droit d’auteur et les droits voisins » alors que l’ancien code ne parlait que de « délit de contrefaçon » se basant sur la contrefaçon de la monnaie.
Ces sanctions qui sont civiles et pénales à la fois vont désormais de 1 à 2 ans d’emprisonnement et d'une amende comprise entre 1.500.000 et 3.000.000 F CFA contre « 6 mois à 18 ans mois d’emprisonnement et une amende comprise entre 500.000 F CFA et 1.500.000 F CFA » prévu par l’ancien code pénal. La loi de 1991 est renforcée par certains décrets et arrêtés notamment l’arrêté 1503 du 6 octobre 1992 qui réglemente l’édition, la duplication, l’importation et la distribution des œuvres au Togo.
Le BUTRODRA, la société de gestion collective
Comme dans la plupart des pays francophones d’Afrique, la mission exclusive de gestion des droits afférents à toutes les catégories d’œuvres au Togo incombe à une structure : le Bureau Togolais du Droit d’Auteur (BUTODRA).
Institution publique prévue par la loi de 1991, Le Butodra a pour mission, la protection et la défense sur le territoire national et à l’étranger, des intérêts professionnels et patrimoniaux des auteurs d’œuvres littéraires et artistiques ressortissants ou domiciliés au Togo ou de leurs ayants droit ainsi que la contribution à la promotion de la créativité nationale par tous moyens appropriés relevant de sa compétence. Il est chargé, de même, de la gestion des œuvres tombées dans le domaine public dont les exploitations sont soumises à son autorisation moyennant payement d’une redevance.
Mais dans la pratique, ses fonctions principales restent la perception et la répartition des redevances aux artistes ainsi que la lutte contre le piratage des œuvres artistiques et littéraires.
Le bureau est toutefois aidé dans ses missions de protection du droit d’auteur et de lutte contre le piratage par certaines associations d’artistes notamment l’Union Nationale des Artistes-Musiciens crée en 1982.
A ce jour, 5740 auteurs sont inscrits au Butodra. Le secteur musical (auteurs compositeurs, interprètes, artistes musiciens) enregistre le plus d’inscription avec 61, 48 % du nombre total d’inscrits (3529 inscrits).
Viennent ensuite les auteurs scénaristes et acteurs (17,77%), les écrivains, romanciers et poètes (15,8%), les dramaturges et comédiens (1,65%) et les artistes peintre, dessinateurs et graphistes (1,56%). Au total 9573 œuvres ont été enregistrés, à ce jour, au Butodra.
Et comme pour les auteurs inscrits, les œuvres musicales comptent plus d’enregistrement avec 46,96% du nombre total, 33,37% pour les œuvres littéraires, 11,13% pour les œuvres plastiques, 5,11% pour les œuvres dramatiques et 3,4% pour les œuvres cinématographiques.
Collecte et répartition des droits
La gestion des œuvres littéraires et artistiques au niveau du Butodra passe par trois étapes : la documentation, la perception et la répartition.
La première consiste pour le bureau à l’identification des œuvres par rapport aux différents auteurs et à procéder à leur authentification en y apposant des hologrammes afin de les distinguer des œuvres contrefaites.
La seconde étape consiste en la perception des redevances de diffusion auprès de toutes les usagers qui exploitent les œuvres des artistes notamment les bars, les restaurants, les discothèques, les clubs, les stations de radio diffusion, les chaines télé etc...
Ces usagers sont placés en deux catégories : les occasionnels (qui utilisent occasionnellement les œuvres comme les supermarchés) et les permanents (comme les boites de nuit, les buvettes…). Ils sont recensés par groupe et le bureau signe avec eux un contrat de représentation générale qui tient compte de leur nature et de leur mode de fonctionnement.
Le taux de redevance que paient ces usagers est fixe en fonction de l’importance de l’utilisation de l’œuvre dans leurs activités, de leur chiffre d’affaire et de l’étendue de la structure.
Tout comme pour les usagers, les œuvres exécutées sont classées en deux catégories : les œuvres dites œuvres de grand droit (Jazz, Tango, Blues, musique traditionnelle…) et celles dites de petit droit (Zouk, Rap, Rn’b…).
Une fois ces distinctions faites, la méthode de collecte devient toute simple : le bureau met à la disposition desdits usagers des relevés de programmes, qu’ils sont censés remplir quotidiennement en y précisant le titre, l’auteur, l’heure de diffusion et catégorie de l’œuvre diffusée.
Les données des relevés de programme sont ensuite entrées dans le WIPOCOS, un logiciel mis en place par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) qui calcule les redevances de chaque artiste en fonction du nombre d’heure de diffusion et de la catégorie de l’œuvre.
Outre les redevances sur les diffusions, le bureau perçoit aussi des redevances sur les duplications des œuvres musicales (50F CFA/cassette et 75F CFA/CD, selon la loi de 1991).
Vient enfin l’étape de la répartition des redevances perçues aux artistes concernés qui sont inscrits auprès du bureau et dont les œuvres ont été enregistrés au niveau de ce dernier. Pour assurer une gestion participative des redevances, la loi exige que les artistes soient représentées au Conseil d’administration du bureau (6 membres sur 11).
Malgré ces dispositifs plus ou moins transparents, plusieurs griefs sont portés par les artistes contre la gestion des redevances. Certains affirment, en effet, n’avoir jamais perçu des redevances auprès du Butodra, quand bien même étant inscrit au bureau et ayant déclaré leurs œuvres. D’autres encore estiment ne pas avoir assez confiance en l’institution pour lui confier la gestion de leur droit et préfèrent se rabattre sur les concerts et spectacles pour vivre de leur musique.
Pirate malgré tout…
Le piratage est l’exploitation abusive, ou la reproduction illicite des œuvres musicales, sans le consentement de son auteur, de ses ayants droits ou de toute autre société de gestion collective. On distingue deux types de piratage. Le piratage artisanal (téléchargement d’une œuvre originale sur un ordinateur) et le piratage extra-muros (reproduction en quantité importante des œuvres musicales à l’aide des machines importées de Chine, de Nigeria…)
Selon les chiffres recueillis auprès du Butodra, près de dix milles œuvres musicales togolaises piratées sont déversées chaque mois sur le marché, soit plus 50%des œuvres musicales disponibles sur le marché. Et pourtant ce ne sont pas les mesures pour réduire l’ampleur du phénomène qui manquent.
Outre l’authentification des œuvres, la prise des mesures juridiques plus coercitives pour décourager les pirates, le bureau opère régulièrement en collaboration avec les forces de sécurités togolaises des descentes inopinées après investigation pour débusquer quelques pirates. Ces nombreuses descentes ont permis par exemple en 2004 d’appréhender un réseau de faussaire chinois dans une banlieue de la capitale togolaise (Lomé) avec une quantité importante de CD contrefaits.
En 2007, ce sont plus de 70000 œuvres musicales importées de Singapour qui ont été saisies toujours à Lomé. Parfois, c’est en concertation avec le Bureau Béninois du Droit d’Auteur (BUBEDRA) que les opérations de saisies sont menées à la frontière Togo-Bénin pour appréhender des œuvres piratées.
La lutte 2.0
L’autre défi auquel font fassent les acteurs et protecteurs des œuvres artistiques au Togo, et partout ailleurs, c’est bien celui du numérique. Et ce défi l’Etat togolais compte bien le relever à travers l’entrée en vigueur prochaine d’une nouvelle législation sur la gestion de la copie privée qui permettra au bureau de percevoir des redevances sur l’importation des gadgets ou supports numériques notamment : les clés USB, les cartes mémoires, les disques durs, les téléphones portables… etc.
Le but est de permettre aux créateurs et titulaires de droit d’auteur d’avoir une compensation sur le préjudice que pourrait leur causer une utilisation privée et à des fins non lucratives de leurs œuvres à travers ces supports numériques.
Lectures complémentaires :
La Convention de Berne ordonnance No4 du 6 janvier 1975
La loi sur N 91-12 portant protection du droit d’auteur du folklore et des droits voisins
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