Musique et médias en Centrafrique
Par Auguste Saint-Clair Gbogbo
Les arts et en particulier la musique et les médias sont les principaux éléments d’animation de l’espace public. À la base, ils font le même travail, celui de communication, d’éducation, d’information, d’animation ou de sensibilisation du public.
En Centrafrique, la musique est l’art vivant le plus pratiqué et de loin le plus consommé grâce au travail formidable des médias.
La radio et la télévision sont les principaux médias qui permettent aux Centrafricains d’écouter la musique et de connaître les artistes musiciens nationaux et internationaux.
Seuls les artistes qui ont des chansons enregistrées sur support audio ou visuel ont la chance de se faire connaitre et rendre populaire leurs morceaux or l’industrie musicale en Centrafrique est quasi inexistante.
Le Studio Bonga Bonga a survécu à la longue crise que le pays a connu ces vingt dernières années, certains tels que le Studio Vitamine AB Production sont tombés en faillite et d’autres comme le Studio Jowice ont immigré vers le Cameroun.
Depuis un certain moment, on assiste à une montée en puissance des musiques urbaines en Centrafrique.
La créativité, le dynamisme de ces jeunes artistes à travers le hip-hop, le Rnb, le slam etc. ont entraîné la prolifération de petits studios d’enregistrement qui essaient de pallier un tout petit peu à cette faiblesse notoire.
Ces initiatives nouvelles ont totalement démocratisé le secteur de la production musicale et offrent du contenu aux médias même si le retour financier est nul pour ces derniers. À cause de piratage le circuit de la vente des CD et DVD est sans utilité pour les artistes musiciens et les producteurs centrafricains.
La radio
En dehors de la radio nationale qui n’arrive plus à couvrir l’ensemble du territoire, une vingtaine de stations radios communautaires écoutées pour la plupart sur ondes courtes diffusent la musique.
De toutes celles-ci, il n’existe pas de radio à vocation particulièrement musicale sinon Hit Radio et Linga FM qui sont les seules radios culturelles ouvertes aux artistes.
Toutes fois, la musique constitue l’essentiel du contenu des médias particulièrement les radios et les télévisions.
Au moins un centrafricain sur trois dispose d’un poste récepteur et trois sur cinq en particulier des jeunes suivent la radio à partir de leur téléphone portable.
La télévision
La télévision rivalise tout au moins avec la radio. En dépit du mauvais état de la télévision nationale, les chaînes de télévisions par satellite comme Trace TV permettent aux Centrafricains de regarder des clips vidéos et de découvrir les artistes du monde entier.
La culture ne constituant pas une priorité pour l’État centrafricain, le Haut Conseil de la communication, institution chargée de la régulation et de la délivrance des autorisations de diffusion ne veille pas assez sur les cahiers de charge des différents médias et n’assure pas un monitoring adéquat pour contrôler la consommation musicale.
Là-dessus, il est important d’insister qu’il se pose un réel problème dans la consommation de la musique nationale par ces médias tant publics que privés. Les productions nationales sont écrasées par l’afflux des musiques congolaises, ivoiriennes et dernièrement nigérianes et camerounaises bien que le Forum culturel de 2006 ait imposé à ces médias de jouer au moins soixante-dix pour cent de musique locale.
Ce quota qui est en quelque sorte une couverture suffisante a pour enjeu principal, la promotion de la musique centrafricaine dans le but de la hisser au niveau de celles des autres pays de la sous-région.
La conséquence est immédiate et perceptible, aujourd’hui rares sont les artistes locaux diffusés sur les médias nationaux qui réalisent de fortes audiences alors que les stars africaines telles que Koffi Olomidé, Fally Ipupa, P-Square, Mani Pella, etc. dont les chansons sont les plus écoutées à Bangui, la capitale centrafricaine.
Autre constat, il existe de moins en moins des émissions consacrées à l’actualité musicale, cela réduit d’autant les chances pour le grand public de découvrir la musique et de nouveaux talents.
Il est vrai que pour l’heure l’effet économique ne se fait pas sentir du fait de l’environnement juridique du métier totalement délaissé notamment les droits d’auteur et droits voisins et autres avantages inhérents, mais plus tard quand tout serait revenu dans l’ordre, l’on se rendra compte que la perte est énorme pour les artistes, c’est vrai mais cela constituera aussi un manque à gagner pour le pays.
La presse écrite
La presse écrite s’intéresse moins à la musique. Il n’existe plus de journaux culturels depuis que « le Reveil culturel » et « Sud Culture » ont déposé le tablier faute de distribution suffisante.
Il est quasiment difficile de retrouver des colonnes consacrées à la culture encore moins à la musique dans les journaux de la place.
Ce constat amère décliné par les journalistes trouve sa raison dans la faible consommation des produits culturels nationaux par les Centrafricains qui adorent plutôt les sujets politiques et économiques ainsi que les faits sociaux divers.
Toutesfois, le besoin pressant de formation en journalisme culturel et critique d’art est une urgence si l’on veut que les médias puissent travailler de manière professionnelle à la valorisation et à la promotion de la musique locale.
Internet et nouvelles technologies au service des artistes
Outre ces médias traditionnels, les médias sur internet permettent aux musiciens de se faire connaître hors des frontières nationales pour atteindre un public plus large et diversifié. Mais l’accès aux nouvelles technologies restent tout de même un luxe pour beaucoup d’artistes.
À cela s'ajoute, le refus par certains musiciens de reconnaitre que la musique comme les autres disciplines artistiques est un secteur organisé, l’artiste doit être entouré d’autres compétences (producteur, manager, communicateur etc) qui doivent chacun jouer leur rôle pour permettre à l'artiste de travailler avec professionnalisme.
Quelques artistes de la diaspora entre autres Idylle Mamba, Laetitia Zonzambé, Pili-Pili Magalé, Bibi Tanga, Zoutène, etc. sont présents sur les réseaux sociaux et postent leur musique sur des plateformes d'écoute musicale telles que Youtube.
Conclusion
La musique et les médias sont indispensables. Cependant, il va falloir harmoniser la collaboration de telle sorte que ces deux puissent jouer leur rôle et contribuer ainsi au développement socio-économique et culturel de la République Centrafricaine.
Les artistes centrafricains doivent se rendre plus professionnels en ayant dans leur dispositif un responsable de la communication et des relations avec les médias sensé de vendre l’image de marque du musicien dans les médias qui sont un canal efficace pour la promotion d’ouvres musicales.
Le tableau ainsi présenté nous permet d’affirmer qu’au-delà des bonnes volontés, des manquements et défaillances des uns et des autres, l’industrie musicale et les médias ont besoin d’un cadre juridique adéquat et des moyens financiers conséquents pour assurer la promotion des artistes et de leurs œuvres.
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