« Wodou Wodou », le pagne magnifié
Il n'y a aucune prétention à dire que M.A.S.S fait partie des artistes sénégalais les plus talentueux et les plus créatifs. Il l’a prouvé, par le passé avec le groupe Black Diamonds mais aussi en solo depuis plusieurs années maintenant. Il nous en donne une démonstration sans équivoque avec le dernier-né de sa discographie : « Wodou Wodou » , sorti en 2017.
« Wodou Wodou » est un morceau somptueux qui évoque le pagne, (le sujet, n'est pas aussi léger qu'on pourrait le penser) et son usage de plus en plus rare, au profit des jeans et des leggings par les femmes. « Gissa touma ken wodou seur, la pluie est maintenant rare comme djiguen'ou xaley seur. » (Plus personne ne met de pagne, c'est aussi rare que la pluie)
La rengaine soutenue, vante les qualités du pagne par rapport au jean « Xamo né jean day wagni ak limouy wané lepp seur dafay yokou koumpeu lancement wou film bileu. » (Le jean montre tout alors que le pagne laisse deviner tout).
Un rappel rythmé et subtilement voluptueux qui condense en 5 minutes toutes les qualités du pagne. Selon le chanteur, cet habit rehausse la grâce de la femme, souligne sa sensualité et la pare d'une qualité principale : la vertu.
Le chanteur, par la faveur du souvenir illustre devant nous un kaléidoscope mémoriel de fragments qui s’entrechoquent dans une délicieuse harmonie. « Yalla bo tey sa bol sa ndigg digg yorr yorr dox ndank sa tank yeukeuti soufou diorr. » (Je t'imagine avec ton pagne et ta démarche lente et chaloupée sous le soleil de midi)
Le récit se constelle et s'intensifie par échelonnement, la répétition des propos en est une clé : « Wodou Wodou », « Tangue, Tangue » (un clin d'œil également au nom de l'artiste ; M.A.S.S)
Grâce à la répétition, l'artiste tente de faire vivre encore le pagne solidement noué, moiré et chatoyant. La mémoire du chanteur fait des détours et joue avec les mots et l'histoire de son Baol natal, avec des termes bien de chez lui : « Mbole » , « Diorr » , « Kembe » , « Guerté noflay ».
Il évoque aussi des figures de référence de notre époque comme Coumba Gawlo (ici associée, avec malice et drôlerie, aux côtés négatifs du jean, tandis que les cantatrices Soda Mama et Khar Mbaye Madiaga, elles, sont offertes en exemples et garantes des traditions donc défenseurs du pagne).
Tout au long de la chanson, M.A.S.S, avec talent, se désole de la disparition dans les garde-robes de la femme sénégalaise du pagne, mais le mélomane ne peut que se délecter de sa virtuosité et de son imagination livrées sur une musique dite wolof beat des plus modernes.
Né à Diourbel, M.A.S.S formait avec le chanteur Gainde Fatma, le groupe Black Diamonds. Dès leur premier album B ak B (2004), le groupe remporte le prix du meilleur clip aux hip-hop Awards. Un des titres de l'album, « Regard innocent », sera même nominé aux Kora Awards.
Ils sortiront leur second album, Jëm ak Rouh en 2006 (meilleur album aux hip-hop Awards du Sénégal). Avec cet album et le titre « Safuloo », Ils signeront un des plus grand hits du rap sénégalais. Le morceau sera également nominé aux Kora Awards.
En solo, M.A.S.S est l'auteur de plusieurs tubes comme « Dawal Boy » et « Xamga luy milliard ? ». En plus d'être un musicien de talent, M.A.S.S est un graphiste réputé. Il a travaillé comme directeur artistique à la télé, d'abord à la 2STV, ensuite à la TFM.
M.A.S.S est aussi réalisateur vidéo. Il co-dirige le studio graphique Level Studio qui a signé plusieurs productions audiovisuelles populaires au Sénégal.
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