Inventaire des rythmes traditionnels musicaux nigériens
Découvrez dans cet aperçu, un inventaire des rythmes traditionnels du Niger.
Territoire de transition entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, le Niger est le plus vaste pays d’Afrique de l’Ouest. Multiculturelle et multiethnique, riche d’influences à la fois arabes, touarègues, peules, haoussas et zarmas, pour ne nommer que les principaux groupes ethniques, la société nigérienne est forte d’un patrimoine musical pluriséculaire, qu’elle s’efforce tant bien que mal de préserver face à la forte influence des rythmes étrangers qui séduisent davantage les groupes contemporains. On a en tête la frénésie du rap nigérien, mais aussi du reggae et bien sûr du blues-rock revisité par les Touaregs.
En 1994, a été créé un musée des instruments de musique traditionnelle hérité de la collection de l’ethnomusicologue Mamane Garba, qui fut également directeur du Centre de Formation et de Promotion Musicale (CFPM) Elhadj Taya de Niamey. Il faut avoir à l’esprit que ces instruments, souvent investis d’un caractère sacré, étaient utilisés dans les cours royales, à l’occasion de fêtes populaires ou lors d’événements familiaux tels que des mariages ou des baptêmes. L’utilisation de ces instruments s’emploie dans des rythmes musicaux spécifiques et particuliers aux différentes ethnies qui existent au Niger.
Nous allons en faire l’inventaire par région géographique.
Au Nord du pays : les Touaregs
Chez les Touaregs nomades de l’Azawagh, la pratique et l’apprentissage des rythmes et chants traditionnels est fortement hiérarchisée.
Les hommes apprennent à chanter, souvent en cachette pour ne pas avoir honte en public, des poèmes de louange, de guerre et d’amour qui racontent l’histoire de leurs ancêtres.
Les femmes des castes les plus élevées apprennent à jouer de la vièle monocorde appelée anzad, pour accompagner les chanteurs. Les femmes des castes inférieures ont accès dès leur plus jeune âge à l’apprentissage du tendey, qui est une forme de tambour sur mortier fabriqué de façon artisanale, souvent avec des objets de récupération. Cet instrument est associé aux nomades et est utilisé également par les chameliers pour conduire et rassembler les bêtes.
Le rythme de ces chants traditionnels est impulsé par la scansion des vers des poèmes que les apprentis mémorisent par coeur, par transmission orale. À chaque rythme est associé une histoire, un événement précis.
À l’Est : les Toubous et les Kanouris
À chaque peuple nomade son instrument de prédilection. Chez les Toubous, il s’agit du luth, instrument emblématique de leur identité. Il s’agit d’un instrument à cordes pincées, à la différence de la vièle qui est un instrument à cordes frottées. Le luth chez les toubous est constitué d’une caisse de résonance tendue d’une peau, avec des cordes et un manche.
À la différence des Touaregs, chez les Toubous, le luth est un instrument exclusivement réservé aux hommes, en particulier les jeunes hommes, comme l’ensemble des instruments, tandis que les femmes ont l’exclusivité du chant. Sauf chez les forgerons qui sont les seuls hommes habilités à chanter en public, s’accompagnant alors d’un grand tambour de forme allongée que l’on appelle le kidi. Ils appartiennent également à la seule caste qui autorise à devenir griot, c’est-à-dire chanteur professionnel à l’occasion de festivités.
Un autre instrument est commun à l’ensemble de l’ethnie toubou, il s’agit du grand tambour nangara que l’on associe au pouvoir. Il se joue avec un bâton ou plusieurs, en fonction de l’événement auquel il est associé.
Chez les Kanouri, à l’extrême est du Niger, on retrouve l’association d’instruments à cordes et de percussion, avec une harpe arquée caractéristique des Kanouri Buduma et des tambours joués avec des bâtons.
Au centre et au Sud : les Haoussas
Les haoussas peuplent majoritairement le Niger et constituent plus de la moitié de la population du pays. Plus largement, il s’agit de l’ethnie la plus répandue en Afrique de l’Ouest. Là encore, la musique occupe différentes fonctions sociales telles que le divertissement, les cérémonies, les louanges aux rois et aux divinités, l’éducation, l’appartenance à un rang social, les règles sociales, etc.
À noter que chez les hommes, chaque artisan casté est apparenté à une spécialité musicale. L’art oratoire est prépondérant, souvent accompagné de vièle et de luth. Le shantu est un instrument exclusivement utilisé par les femmes : il s’agit d’une longue courge séchée, percée aux extrémités et décorée qui sert comme instrument rythmique aux groupes de femmes qui accompagnent le départ d’une jeune femme qui va se fiancer.
Dans les cérémonies, l’usage du shantu est souvent associé à celui des qariyas qui sont des demi-calebasses retournées sur le sol. On retrouve également, notamment dans les chants de louanges comme dans les chants éducatifs, l’utilisation de la vièle monocorde ou kukuna et du double tambour kalangu.
À l’Ouest : les Zarmas et les Songhaï
Les griots au Niger sont issus pour la plupart des grandes familles zarma. On les appelle localement « jasare », ils sont les gardiens de l’histoire et de la généalogie. Leur chant est accompagné du mootoo qui est la musique de ceux qui chantent le passé et les gloires de leurs ancêtres.
On retrouve là encore des instruments à corde tels que le kuntiji, sorte de guitare monocorde, et le luth, appelé moolo. La musique sacrée - bitti - occupe également une place importante chez les zarma-songhaïs. Il s’agit de musiques destinées à convoquer des esprits, accompagnées par les paroles d’un prêtre. Les instruments utilisés dans ce cadre sont le violon - goje - et la calebasse -gaasu.
Sur ensemble du territoire : les peuls (fulanis) et bororos
Chez les peuls du Niger, notamment les bororos qui sont répartis sur l’ensemble du territoire du fait de leur nomadisme, la musique est accessible à tout le monde, contrairement à leurs homologues des autres pays pour lesquels elle est réservée aux classes inférieures et vise uniquement à faire l’éloge des notables.
La musique traditionnelle peule est jouée essentiellement avec le tambi (flûte), le hoddu (petite guitare), les tambours, la calebasse ou encore le bouba (talking drum).
Conclusion : une tradition menacée
Ce tour d’horizon des rythmes musicaux traditionnels au Niger nous fait prendre conscience des menaces qui pèsent sur l’ensemble d’un riche patrimoine : certes certaines collections d’instruments existent, savamment répertoriées à Niamey comme à Paris (France) au Musée du quai Branly, mais les familles de griots s’éteignent, l’oralité ne se transmet plus de façon systématique, les jeunes étant éduqués désormais à l’école moderne et préférant s’adonner à des genres musicaux plus métissés tels que le rap, le reggae ou le blues rock.
Il revient donc au Niger de prendre ses responsabilités en matière de conservation du patrimoine oral, qui ne peut pas être le seul apanage d’une poignée d’ethnologues européens.
Certains artistes quant à eux ont su tirer partie de cette richesse de rythmes et de traditions, en les décloisonnant, en ajoutant à l’usage des instruments traditionnels guitare électrique et batterie à l’instar des groupes Tal National, Tinariwen, ou plus récemment Les Filles de Illighadad qui connaissent aujourd’hui un succès en dehors de leurs frontières, aux Etats-Unis et en Europe.
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Édité par Lamine BA
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