Maasta MC ne badine pas avec l’amour
L’indomptable rappeur Maasta MC vient encore de frapper la toile avec son dernier morceau au titre choc « Tuer pour tuer ». « Tuer pour tuer » ne parle pas de massacres, il pointe du doigt la force de destruction de l’argent dans les rapports amoureux. Au royaume de l’amour ou de ce qui voudrait y ressembler, « T’as la louze si t’as pas le flouz », voilà le propos en résumé, mais Maasta a le don des formules et du rythme. Il aura le dernier mot.
Depuis le samedi 3 novembre, date du lancement du clip tourné en octobre dans le studio Plurielles Communication de Cotonou, les réseaux commencent à s’affoler. Derrière la caméra, HTB, (Hervé Moukoko), ami du chanteur et camerounais comme lui, est venu spécialement de Paris pour tenir une promesse faite lors d’un précédent tournage.
« L’absurde que je dénonce dans ce titre, c’est quand tout devient monnayable, même un numéro de téléphone ». Maasta MC
« Tuer pour tuer » ne parle ni de massacres, ni de l’absurdité de crimes dits « gratuits », ni de l’horreur absolue quand une voiture fonce dans la foule, qu’un inconnu poignarde deux jeunes filles au hasard, tire dans le tas ou se fait exploser le caisson en emportant avec lui sa moisson d’innocents anonymes.
Le sujet est bien plus léger, voire badin même. Le texte n’en est pas moins juste et profond dans l’analyse. « Tuer pour tuer » s’intéresse frontalement à la force de destruction de l’argent dans les rapports amoureux.
Au royaume de l’amour ou de ce qui voudrait y ressembler, « T’as la louze si t’as pas le flouz », voilà comment pourrait se résumer assez bien le propos, mais Maasta a le don des formules et du rythme. Comme chaque fois, il se donne à fond pour interpeler, surprendre, emporter l’adhésion de son public.
C’est donc un étrange hymne à l’amour qu’il nous invite à entonner entre les lignes, avec nos propres histoires, nos expériences d’amours impossibles. Aussi sombre et lumineux qu'un négatif en photographie, pour qui sait décrypter les allusions.
Maasta MC est un fin observateur de son environnement et aussi un éclaireur. Il s’attaque cette fois à une réalité intimement liée au quotidien des villes, à l’évolution des rapports humains dans nos sociétés dites modernes, basées sur l’apparence, sur les signes extérieurs de richesse.
Des sociétés où il est facile de briller et tout aussi désespérant de se voir refuser un regard, un sourire, un baiser, au prétexte que vous n’avez pas les moyens de courtiser la femme dont la seule pensée vous empêche de dormir.
Du très bon rap camfranglais
À contre-pied du style néo-romantique de tubes internationaux comme « Je l’aime à mourir » de Francis Cabrel ou « Pour que tu m’aimes encore » de la grande Céline Dion, Maasta MC taille dans le vif pour dépeindre sans faux-semblants l’ère du libéralisme amoureux au royaume de l’argent-roi. Et ce dans une expression qui pétille et jubile, le camfranglais, un mix camerounais qui mélange français, anglais, langues locales.
Ces nouveaux rapports de séduction contribuent pour l’artiste à maintenir la jeunesse africaine dans une certaine désespérance, pouvant conduire à une forme de renoncement dictée par la fatalité, quand chacun selon lui devrait pouvoir compter sur la seule puissance de son désir, de ses ambitions, pour affirmer son possible leadership sans être freiné dans sa réussite par le regard des autres, la stigmatisation, la discrimination.
Et Maasta MC sait de quoi il parle, lui qui a su malgré son handicap dépasser tous les obstacles depuis dix ans pour atteindre son but : devenir une des références du rap en Afrique de l’Ouest et se faire un nom, une place, à l’international.
Le rappeur utilise cependant sa notoriété actuelle pour servir des causes universelles qui lui sont chères, comme l’insertion socio-professionnelles des personnes handicapées, les programmes de prévention contre la polio.
Ce qui a changé grâce à la musique pour Maasta MC depuis qu’il s’est lancé en 2007 après s’être d’abord illustré en tant qu’athlète de haut niveau au basket, c’est la force et la détermination que lui a apportées une triple victoire : pouvoir être indépendant, devenir Papa, pouvoir aller et venir seul, librement, malgré son handicap.
Je fais de la musique pour tout le monde. Sur scène ce qui compte, c’est qui je suis, l’énergie que je porte et que je partage avec mes fans, le plaisir toujours différent de communiquer avec une grande diversité de personnes. Je suis un artiste qui assume son handicap, cet aspect de ma vie passe à l’arrière-plan quand je rappe.
Maasta MC
Il évoque Jamel Debouze et son talent de comédien. Quel bel exemple de réussite dans le spectacle vivant ! Il se réfère aussi à Amadou & Mariam, dont il salue le courage d’avoir su défendre ce qu’ils aiment faire ensemble, sans se soucier des regards, du qu'en-dira-t-on. Le fait d’être à deux, explique-t-il, leur donne une force supplémentaire qui nous touche plus profondément dans l’émotion qu’ils transmettent avec beaucoup de simplicité. Ils nous permettent de nous sentir plus proches de leur réussite, de leur univers, en tant qu’Africain, que Stevie Wonder ou Ray Charles qui sont pour nous des références plus lointaines.
Parmi les autres artistes qui ont eu une influence sur le travail de création de Maasta MC, on peut citer : Didier Awadi, Pee Froiss, le camerounais Boudor, DMX et Dr Dre pour les USA, sans oublier l’importance de figures féminines comme Lady Laistee, Princesse Erika.
Certains diront de Maasta MC qu’il a une voix bizarre. Il s’en réjouit. C’est grâce à cette voix que chacun peut reconnaître sa signature d’artiste entre mille. Sportif, il a appris à se battre avec fairplay et respect de l’adversaire. Ce sont des qualités qu’il a gardées pour faire son chemin de musicien, persuadé que patience et travail étaient les clés de son futur succès.
Savoir jouer collectif aide aussi énormément, car en musique, il est quasi impossible de porter seul un projet de création et sa promotion. Sans compter le plaisir d’être à plusieurs pour faire naître une belle idée, la faire vivre, pour la faire voyager le plus loin possible.
Ce n’est pas par hasard que Maasta veut dire « ami » en lingala, une langue du Congo. À 36 ans, il a su tirer les leçons de dix ans d'amitié, d’écriture et de scène, avec autour de lui de belles énergies qui lui ont permis de rester concentré et de mobiliser les moyens nécessaires, notamment financiers, pour sortir single après single : « Master X », « Baisse la tête » Feat mc mca, « Les gens meurent », « Tribute to naffe », « Un autre paradis », « Le camer c'est le kamer », « Nyangalisez », « Sasaye » et le tout dernier « Tuer pour tuer » .
Côté tournage, arrêt sur image
C'est à Cotonou que Maasta MC et HTB ont fait le choix de tourner ce nouveau clip avec l'appui du Studio Plurielles Communication pour la mise à disposition du lieu. Avec Arnaud Séméliko comme assistant plateau et la jeune actrice béninoise, Géraldine Daga, l'équipe était au complet.
Le cadre choisi est sobre, épuré, à dessein. On est loin des clips qui jouent la surenchère avec une surabondance d'allusions grossières, à la limite de la caricature quand ca ne dépasse carrément pas les limites du supportable. Ici, rien de surfait, rien d'inutile, rien de provoquant. Cette retenue voulue renforce la qualité du résultat, son intérêt, car il eût été facile de tomber dans le piège de l'image qui prend toute la place au dépend de la chanson elle-même.
Du maquillage utilisé aussi avec économie et subtilité, une tenue traditionnelle qui rehausse simplement la beauté naturelle de Géraldine Gada, des mouvements de caméra fréquents, mais souples et dans un flux tranquille, quelques effets sans trop appuyer le trait, on sent très clairement le savoir-faire à l'oeuvre derrière ce clip de 3'03.
HTB (Hervé Moukoko) a tenu sa promesse et d'une très belle façon, tout en nuance, sans superflu. Là où d'autres auraient singé la jeune femme africaine avide et cupide, hautaine et sans égard pour l'amoureux transis, sans le sou, il sublime dans son cadre et au montage les regards des deux acteurs, filmés le plus souvent en très gros plan, comme pour nous faire aimer d'avantage leur seule présence à l'image.
À 34 ans, ce réalisateur africain originaire de Douala est aussi co-producteur du travail artistique de Maasta MC. Il fait partie depuis l'été 2016 de la jeune équipe de BBlack TV, où il crée des programmes qui rencontrent un franc succès. HTB a déjà à son actif une dizaine de clips, plusieurs court-métrages et travaille actuellement à son premier long-métrage qui l'amènera à revenir bientôt au Bénin.
Travailler pour l'Afrique de Paris est son souhait en attendant de pouvoir peut-être un jour poursuivre l'aventure aux États-Unis. Il aime générer de belles ambiances de tournage, car il pense que travailler dans la bonne humeur permet de mieux réfléchir et de tirer le meilleur de chacun. Le must sur un plateau ? S'y sentir à l'aise comme à la maison. C'est à cette condition, pour Hervé Moukoko, que l'on peut rendre par l'image le naturel, la spontanéité, la sincérité, qui font que l'on peut croire ou non à ce qu'il veut nous montrer à l'écran.
« Maasta MC est extrêmement généreux, il donne tout, c'est ce qui le rend si exigeant pour lui-même. Il a un mental d'enfer, une sacrée force de caractère. Il m'a beaucoup aidé à me repérer dans les codes du show bizz, je lui dois beaucoup. Il est de bon conseil, fidèle en amitié, et sur le plan artistique, j'aime vraiment ce qu'il fait. C'est un excellent rappeur qui sait parler des relations humaines dans un style bien à lui.»
HTB (Hervé Moukoko)
Celui qui voudrait dompter Maasta MC n'est pas né, c'est une chance car il reste ainsi libre de nous emmener où bon lui semble, au gré de ce qui anime au quotidien son énergie créatrice : la volonté de nous suprendre, sa capacité à incarner une jeunesse africaine qui ose tout, à commencer par repousser ses limites, réelles ou fantasmées, ainsi que les carcans où elle se sent opprimée, confinée, injustement condamnée.
Découvrir les paroles de « Tuer pour tuer », ici.
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