L’activisme musical au Niger
Découvrez dans ce texte, un aperçu de l'activisme musical au Niger.
Bien que riche de sa pluralité d’ethnies et par conséquent de son creuset multiculturel, le plus grand pays d’Afrique de l’Ouest n’est malheureusement pas le mieux loti en termes de rayonnement musical. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cet état de fait : l’étalement et l’enclavement du territoire, une industrie phonographique faible et des médias qui relayent assez peu l’actualité musicale ou le font de manière artisanale.
C’est sans compter l’optimisme et l’activisme des certaines institutions et artistes engagés qui profitent de leur rayonnement pour porter haut et fort la création musicale nigérienne, dans toute sa jeunesse, son audace et sa diversité, à travers le pays.
Petit inventaire non exhaustif de ces initiatives courageuses et militantes, parfois avortées ou hésitantes, d’autres fois plus pérennes.
Le Centre de Formation et de Promotion Musicale Taya
À Niamey, le CFPM El Hadji Taya a été créé en 1989 à la demande de l'association des musiciens présidée par feu El Hadji Mamane Taya, musicien de son état et lauréat du prix Dan Gourmou 1987, dans le cadre du concours national d'art de la musique moderne nigérienne. Il a pour principal objectif de professionnaliser les musiciens et d’assurer leur promotion au travers de festivals tels que « la rencontre des cordophones ou printemps des cordes » en collaboration avec le réseau panafricain Arterial Network.
Le CFPM abrite également le musée des Instruments traditionnels du Niger qui présente plus de 300 instruments traditionnels de la collection de l’éminent musicologue Mamane Garba.
Le Centre Culturel Franco-Nigérien Jean Rouch
Inauguré en 1965 à Niamey, le CCFN Jean Rouch est un établissement public de droit nigérien et géré en partie par la France. Une autre entité est présente à Zinder, à 900 km au Sud de Niamey, tout en étant rattachée au centre principal de la capitale.
Le Centre culturel franco-nigérien est le seul survivant des centres franco-nationaux créés au lendemain des indépendances, symbolisant une coopération culturelle pleinement assumée. Parmi ses missions, le CCFN a pour rôle de « promouvoir les cultures nigériennes contemporaines » et de contribuer à « l’appui au développement culturel du pays, appui à la création et aux créateurs, formation, décentralisation, soutien logistique, soutien aux manifestations pérennes, appui à la société civile et à l’émergence de structures culturelles privées ».
C’est ainsi qu’a été mis en place le concours « Tremplin pour les jeunes talents du Niger », en collaboration avec le label associatif de musiques @rt-disc Records, pour accompagner les jeunes artistes de la scène musicale nigérienne, ce qui leur permet notamment d’être programmés sur la scène du CCFN.
Les concerts se déroulent chaque vendredi, à raison de deux fois par mois, dans des conditions de sonorisation et d’éclairage professionnels. Le public - jusqu’à 120 personnes - ainsi qu’un jury composé d’acteurs du monde culturel donnent avis et conseils aux artistes en devenir. Les meilleurs talents sont par la suite programmés à se produire en live à la Fête de la Musique.
Le Festival Sahel Hip-Hop et musiques du monde
Ce festival, organisé par Djobala Productions en la personne de Hassane Abdoulaye, fort de quatre éditions à son actif et dont la prochaine se déroulera du 7 au 11 mars 2019, a pour ambition de promouvoir la culture urbaine en particulier et la culture nigérienne en général à travers les artistes, en favorisant leur mobilité.
Cette manifestation panafricaine et internationale s’articule autour d’un genre musical plébiscité par la jeunesse : le hip-hop, véritable phénomène au Niger. Chaque, année, stars internationales et artistes émergents se côtoient pour mieux dire, mieux raconter leur pays, leur jeunesse et les problématiques inhérentes au continent.
Chaque édition possède un thème spécifique, à l’instar de « Migration, extrémisme violent : de l’urgence d’offrir à la jeunesse africaine une alternative et des perspectives d’avenir » pour l’édition 2018 et « Femmes et migration : problématique de la réinsertion sociale des femmes migrantes » pour la prochaine édition.
L’énergie de ce festival est très positive et vecteur d’engagement des populations locales. Il dépasse le simple objectif de promouvoir les artistes émergents, en organisant des actions citoyennes et en contribuant à la mise en place de réseaux. Lors de la dernière édition, une caravane de sensibilisation pour la paix avait circulé dans le pays et un concert avait été organisé à Agadez, dans une volonté de délocalisation.
En 2017, une journée de la salubrité avait été organisée, toujours dans le cadre de ce festival. En utilisant la création musicale pour rassembler la jeunesse autour d’actions concrètes et citoyennes au service du développement d’un pays, le festival est un modèle prometteur en matière d’activisme musical.
Le Festival International de Reggae du Niger
Les 28 et 29 novembre 2017, s’est déroulée la première édition du Festival International de Reggae du Niger au CFPM Taya, avec comme pays invités le Bénin, le Togo et le Burkina Faso.
À l’origine de cette initiative, une société privée, l’Agence B. Mailer Communication. Nous avons peu d’éléments de retour sur cette manifestation, qui n’annonce pas de 2e édition pour le moment, mais a le mérite d’être organisée dans le cadre d’une initiative privée, à l’instar du Festival Sahel Hip-Hop.
Le Festival de l’Aïr
Il s’agit du plus grand festival de Touaregs du monde et il se déroule dans une oasis, précisément à Iférouane, dans la région d’Agadez. En mars dernier s’est tenue la 15e édition de ce spectacle, qui a été créé en 2001 à l’initiative du ministère du tourisme pour favoriser l’attractivité de la région d’Agadez.
Aujourd’hui, cet événement attendu et reconnu s’est imposé comme étant le meilleur moyen de valoriser les richesses culturelles et touristiques du Sahara nigérien. Les concerts ne sont qu’une partie des activités proposées dans le cadre de ce festival qui programme également des activités culturelles, des expositions et des excursions.
Lors de la dernière édition, les violons touaregs -Imzads- étaient à l’honneur, instruments patrimoniaux et séculaires qui ont également fait l’objet d’un documentaire produit par le biais du programme de cohésion communautaire au Niger.
Le Prix Dan Gourmou
Créé à l’initiative du Ministère de la Culture en 1986, il s’agit du plus grand concours de musique moderne du Niger. Chaque édition se déroule à Tahoua, à 600 km à l’Est de la capitale, lieu de naissance du célèbre et feu chanteur Dan Gourmou, grand violoniste de la région de l’Ader. Malgré des éditions manquantes faute de d’organisation et de moyens financiers, ce prix national demeure un véritable tremplin pour les talents venus des quatre coins du pays qui y ont été révélés, tels que Moussa Poussy, le Groupe Choc, Fati Mariko ou King Noma pour ne citer que ces artistes parmi tant d’autres.
Le Festival de la musique sacrée Zanzaro
Organisé à l’initiative de la radio Touraki, la voix des artistes à Niamey, ce festival se déroule dans la région de Dosso, au Sud du Niger, berceau de chanteuses illustres telles que feues Taguimba Bouzou et Haoua Bozo.
Ce festival est une occasion exceptionnelle de découvrir le Niger et son peuple par le biais de la musique sacrée, qui est aussi une façon de permettre aux jeunes générations de renouer avec la tradition.
Au delà de la portée culturelle et artistique, « Zanzaro » s'inscrit dans une philosophie de développement durable, en tant que gardienne des traditions et des moeurs ancestrales.
Forces et faiblesses
Ce qui frappe dans la description de ces initiatives, c’est le manque de récurrence et donc de pérennité de ces festivals ou concours, faute de moyens ou d’organisation. Là où le CCFN, établissement public binational et très ancré dans l’activisme culturel du pays, donne des rendez-vous bimensuels et annuels pour la promotion des jeunes talents, d’autres manifestations gouvernementales et parfois de création ancienne peinent à s’imposer comme événements incontournables, faute de visibilité et de communication.
Il faut néanmoins saluer les festivals qui sont créés et organisés par des sociétés privées, et qui permettent de faire rayonner autrement la musique du Niger, sous le sceau d’un engagement citoyen et dans des dynamiques de développement et de paix.
Nous avons recensé des festivals qui se déroulaient dans la capitale mais également au Nord, à l’Est et au Sud du pays. Il ne faut pas oublier que le manque de pérennité de certains événements sont liés aux conflits armés qui ravagent le pays de part et d’autre.
Enfin, la dynamique touristique, notamment dans la région d’Agadez, contribue à la valorisation du patrimoine musical touareg, en dépit des conflits qui ravagent cette région, compte tenu de la menace terroriste dans le nord du Mali et dans le sud de la Libye, qui impacte également les frontières nigériennes de Tahoua et d’Agadez.
Concernant le Niger en particulier, la notion d’activisme musical est plus que jamais emblématique d’un pays en lutte : contre la pauvreté, contre la corruption, contre l’obscurantisme, pour la paix, pour la conservation de son patrimoine culturel, pour cette jeunesse optimiste et talentueuse qui ne demande qu’à être révélée. Un modèle à suivre.
Par Nathalie Philippe
Sources
https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/lindustrie-phonographique-au-n...
https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/lactualite-musicale-et-les-med...
http://nigerstars.com/zone-artiste-2/musique/163-elhadj-mahamane-taya.html
http://www.arterialnetwork.org/about/vision
http://ccfnjeanrouch.org
http://sahelhiphop.com
https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/le-rap-au-niger-de-lakal-kaney...
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Édité par Lamine BA
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