Mauritanie – droits d’auteurs et piratage : une absence de volonté politique
En dépit des efforts consentis ces dernières années pour valider les textes internationaux sur le droit d’auteur, et la mise en place très récente d’une législation sur la question, la Mauritanie n’a pas encore mis en application les textes votés. La création en 2015 de l’Union des Artistes et Musiciens de Mauritanie (UAMM), a été une première tentative pour encadrer une profession longtemps non reconnue.
Pas de volonté politique en matière de droits d’auteurs
La Mauritanie reste en matière de droit d’auteur, un mauvais élève au niveau international, pointé du doigt par de nombreux organismes (OMPI, UNESCO) et par les acteurs de la scène nationale.
Le pays a adhéré à l’OMPI en 1976, a ratifié la convention de Bangui en 1977 sur l’organisation de la propriété intellectuelle, celle de l’UNESCO en 2012, a ratifié tous les textes en matière de droits d’auteur, selon le rappeur et opérateur culturel Monza ; il n’y a aucune application des textes, aucune volonté politique. La Mauritanie a tous les outils mais rien n'est effectif.
Il y a quelques années, Elimane Kane, secrétaire général adjoint de l’antenne de l’UNESCO à Nouakchott (Mauritanie), se plaignait de l’immobilisme des autorités mauritaniennes, en dépit d’un champ foisonnant et riche d’acteurs talentueux et dynamiques dans le domaine des arts et de la culture.
Impression confirmée par un certain nombre d’acteurs qui se battent depuis des années pour faire valoir leurs droits. Depuis la création de la Mauritanie, il n'y a aucune structure de représentation. En 2007, par exemple, le combat était de faire reconnaître les musiques des griots comme un patrimoine immatériel. Depuis 2010, des séminaires avaient été organisés avec des Marocains, des Sénégalais, des Burkinabés, qui sont tous très avancés en la matière, et avec le ministère de la culture afin de mettre en place une société de droits d’auteur digne de ce nom, mais on ne sent pas de la part de l’État de volonté réelle comme le déplore Lamine Kane, directeur de Nouakchott Music Action.
L’UAMM : une structure contestée
En 2015, la création de l’UAAM, l’Union des Artistes et Musiciens Mauritaniens, apparaissait pour certains comme un progrès et une volonté de structurer une profession longtemps déconsidérée et désorganisée. Avant, les musiciens étaient représentés par de petits groupes. L’idée était de réunir et de fédérer toute la profession a expliqué son président, Baba Ould Hembara.
Dans l'ancienne maison des jeunes de Nouakchott, en juin 2015, 159 délégués représentant chacun 5 adhérents ont donc élu une assemblée générale composée de 6 membres et d’un conseil d’administration composée de 25 membres. Au sein de ce conseil, il existe une représentation équilibrée entre les arabo-berbères et les négro-africains.
Cela a permis de recenser des musiciens de tout le pays, environ un millier, précise Oumou Sy, artiste au sein du groupe L’Harmattan. Le Ministère nous a donné une subvention de 30 millions de ouguiyas pour assurer les dépenses de fonctionnement (locaux, bureau, salaire du personnel, électricité).
Ce budget a été voté et validé par l’Assemblée et la deuxième tranche du budget 2018 n’a pas encore été versé car il faut le renouvellement du bureau a sortie Lamine Kane, trésorier de l’association, en réponse à la fronde et aux critiques soulevées en 2016 par un collectif de musiciens reprochant aux membres du conseil d’administration un manque de transparence.
L’Union des Artistes Musiciens de Mauritanie (UAMM) est prise actuellement en otage et quelques mois après sa mise en place, c’est l’absence totale de transparence dans sa gestion, affirmait Papis Komé, à la tête de la fronde, en janvier 2016. Il était notamment reproché à certains membres du conseil d’administration de ne pas respecter les textes régissant l’organisation et de prendre des initiatives sans consulter le bureau.
Non représentés au sein de l’UAMM, les rappeurs qui seraient au nombre de 7000 selon Monza, l’organisateur du tremplin hip hop Assalamalekoum, ne se reconnaissent pas dans cette association et même la contestent.
Pour lui, l’UAMM est une grande farce, assène Monza, un des rares artistes mauritaniens affiliés à la SACEM. Pour le rappeur cette structure est un enfant du ministère de la culture ; il faut constituer une société comme la SODAV au Sénégal. Une société qui serait totalement gérée par les artistes eux-mêmes avec un représentant du ministère comme simple observateur. Il faudrait proposer non pas une répartition par quota qui tend à privilégier les gros artistes, mais un système de répartition qui favorise les artistes moins connus mais bien diffusés.
Censure et distribution parallèle
Dans la société mauritanienne, les artistes rencontrent de nombreux problèmes comme celui très épineux de la censure. Beaucoup d’entre eux se plaignent du manque de liberté d’expression ; citons le cas de Faouad Ould Hamed Fall qui s’est vu refuser en 2017 son adhésion à l’UAMM et s’est déclaré harcelé par le pouvoir mauritanien du fait de son statut d’opposant politique au régime.
Légalisée par la commission de contrôle de la production musicale, la censure s’exerce à toutes les étapes de la vie du musicien et exerce un contrôle en particulier sur les textes que les artistes doivent soumettre aux autorités avant la réalisation d’un album.
Le second problème récurrent de l’artiste mauritanien est celui de la vente de ses œuvres. Quand le CD était encore présent sur la scène nationale, le piratage bloquait tout espoir de revenu pour les artistes. Le plus gros d’entre eux était Maadeni CD, précise Baba Ould Hembara.
Mais l’heure n’est plus aujourd’hui à la vente physique de Cds. Maintenant on ne parle par de piratage mais de diffusion parallèle, Les artistes font de la distribution directe, ils vendent leur son sur des clés USB, à 2 euros le giga de musique, sinon ils développent leur visibilité sur les réseaux sociaux et tentent de gagner de l’argent grâce au nombre de vues sur YouTube .
Une évolution qui met la distribution numérique au premier plan et remet profondément en cause le système de valorisation des droits. Les droits voisins notamment qui permettraient un reversement de recettes des œuvres diffusées sur les medias classiques et l’internet restent encore un mirage dans un pays qui tarde à protéger les artistes et les producteurs.
Sources :
Articles :
https://wipolex.wipo.int/fr/legislation/profile/MR
http://fr.ami.mr/Depeche-31990.html
http://cridem.org/C_Info.php?article=679324
https://www.chezvlane.com/Le-gouvernement-decide-de-geler-l-adhesion-d-u...
Interviews :
itw Baba Ould Hembara
it w Lamine Kane
itw Oumou Sy
itw Monza
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Édité par Lamine BA
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