Bril, vers des « Suba »* qui chantent...
Ce vendredi 20 septembre marque la sortie officielle de Suba, le premier album studio du chanteur et beatmaker sénégalais Bril.
Music in Africa vous propose une analyse critique de l'oeuvre, dont les extraits « Bras longs » et « Ci la bokk » ont tenu en haleine le public sénégalais pendant plusieurs semaines.
Une musique originale
La proposition musicale de Bril dans Suba est intéressante. L'opus de 15 titres puise sa source dans l'harmonie des musiques sérères anciennes et dans les vibrations de la pop.
L'éclectisme de l'oeuvre en dit long sur l'identité de Bril, qui est à la fois praticien de hip hop et membre de la caste des griots.
« Alors que je faisais du hip hop pur et dur comme beaucoup d'autres jeunes de ma génération, ma mère m'a recommandé de faire de la musique traditionnelle » m'a-t-il confié au cours d'une récente discussion.
Beatmaker passionné qui s'est lancé en 2007 dans la production instrumentale, Bril ne suit pas méticuleusement les conseils de sa génitrice, mais il s'en inspire pour créer une musique hybride, à la croisée des chemins entre pop et mbalakh (rythme traditionnel sénégalais).
C'est ce style coloré et cadencé, baptisé jolofbeats, qu'il grave sur la quasi-totalité des morceaux de son disque.
Sur un solo de kora, résonnant comme une musique de rassemblement sous l'arbre à palabres, Bril ouvre son album avec « Temps amoul ». La suite est une curieuse association de marimba, de piano électronique, de sabar (percussions traditionnelles), de charleston et de tama.
Bril propose une variété de sons triés sur le volet, pour offrir une expérience unique de près de 54 minutes à son public.
La seule exception de l'oeuvre est la piste 15, « Sarakh », enregistrée sur un beat pop classique.
« Il s'agit d'une réponse à ceux qui croient que j'ai quitté le hip hop classique parce que je suis incapable d'en produire. Dans ce morceau, je livre un son rnb à l'américaine, sans la moindre altération » témoigne-t-il.
La portée philosophique et sociale des sujet abordés
Aucun vocable, ni aucun signe, n'est employé au hasard dans la production de Bril.
Le premier mot, Suba, qui résume l'oeuvre, est un terme wolof qui signifie « demain ». Bril explique qu'il a choisi de baptiser ainsi son opus, parce qu'il y propose une réflexion sur l'avenir ; le sien, mais aussi celui de la musique et du peuple sénégalais...
La pochette du disque est truffée de symboles. On y voit le chanteur sénégalais élégamment vêtu, recevoir des présents : une horloge, signe du temps, ainsi qu'un cœur brisé et une rose, pour présenter le mystérieux paradoxe de la vie, où peine et joie se rencontrent inlassablement.
En arrière-fond de l'image qui a été prise à l'aurore pour traduire l'optimisme du chanteur, on voit des mains de femmes qui rappellent que derrière chaque homme, se cache une, voire plusieurs figures féminines.
Le temps est une des thématiques majeures de Suba. Au sujet du premier titre « Temps amoul », Bril m'a même laissé un commentaire : « je dis dans cette chanson qu'on a souvent tort de croire que c'est nous qui tuons le temps. En vrai, c'est lui qui nous tue ».
« Chaque minute passée nous mène vers notre fin, nous devons en avoir conscience et vivre pleinement l'instant présent » a-t-il ajouté.
Dans Suba, Bril parle tantôt de dépit et de désillusion en amour. Des titres comme « Meunoul Nekk », « I'm sorry », « Boulko tardel », « Namanté » et « Mala Bayi Ci Biir », traitent essentiellement de la vie de couple et de ses difficultés.
L'album aborde également des sujets de société comme la corruption ou encore la condition des étudiants sénégalais, notamment dans les titres « Bras long » et « Étudiant ».
Le plus intéressant à mon sens, c'est que Bril propose dans son disque, une attitude face aux difficultés de la vie : de la confiance en soi avec « Guem sa bopp » et une pincée d'insouciance avec « Ci la bokk ».
Depuis son laboratoire, le studio Class'Chic Music, le jeune artiste sénégalais s'est appliqué à élaborer une oeuvre qui conscientise et fait danser. Bril propose une sorte de pop engagée, là où beaucoup s'en arrêtent au strictement divertissant.
Des collaborations de haut calibre
Pour donner plus de couleurs et de vitalité à son album, Bril a invité 3 artistes de talent. Le premier, Abdou Guité Seck qui intervient sur le titre « Temps amoul », n'est plus à présenter.
Lauréat du Prix Découvertes RFI 2000 et nominé aux Victoires de la musique en 2001 dans la catégorie « Album World de l’année », il est un chanteur d'exception, sollicité à travers le monde pour des spectacles et des projets artistiques de différentes natures.
Clayton Hamilton, qui pose sa voix sur « Gueum sa bopp », est lui aussi un invité de marque. La confiance en soi dont il est question dans le morceau qu'il chante avec Bril, l'artiste sénégalo-malien en est un exemple. Ancien footballeur, il a dû faire preuve d'une incroyable détermination pour se lancer dans la musique. Dans Suba, il apporte sa touche reggae - dancehall qui crée une belle variation.
Bril a également fait chanter Suadu Diaw sur son titre « Boulko tardel ». Artiste au talent insoupçonné, l'auteure du single à succès « Tell me » a souvent figuré sur les oeuvres des plus grands, notamment sur le titre « Be Careful » de sa majesté Youssou N'Dour.
Ces différentes collaborations enrichissent conséquemment la production de Bril.
Où se procurer Suba ?
Suba n'est pas d'une perfection absolue ; mais pour sa richesse musicale, les messages qu'il porte et pour ces personnes qui ont contribué à son succès, l'opus de Bril mérite véritablement d'être écouté.
Si comme moi vous êtes amoureux de la pop et des musiques sénégalaises, si les chansons conscientes et les collaborations artistiques vous intéressent, découvrez les 15 titres de l'album de Bril en cliquant ici.
Artiste : Bril
Album : Suba
Label / Année : Class'Chic Music / 2019
* « Suba » est un mot wolof (langue du Sénégal) qui signifie demain ou lendemain.
Comments
Log in or register to post comments