5 questions à Brahim El Mazned, directeur de Visa For Music
Brahim El Mazned, directeur du salon musical africain Visa For Music, était de passage à Dakar (Sénégal) les 5 et 6 septembre derniers, pour animer un salon journalistique au Goethe-Institut autour du thème : « les musiques africaines face aux mutations actuelles, enjeux entre le digital et le live ».
En marge de la rencontre, il a accordé un entretien à notre équipe de rédaction.
Propos recueillis par Lamine Ba et Jean de Dieu Boukanga
Bonjour Mr Mazned, que vous inspire ce salon journalistique que vous avez animé durant ces deux jours ?
Bonjour, ce genre d'initiative est louable pour plus d'une raison. Déjà il permet de réunir des personnes qui sont le plus souvent occupées et leur donne l'occasion de soulever des débats d'une importance majeure.
Parce qu'il permet à des acteurs du monde musical de faire un état des lieux de l'industrie à l'échelle locale et même internationale, ce genre de rencontre m'inspire de l'espoir.
C'est en se réunissant et en posant les bonnes questions que l'on réalise où on en est vraiment et que l'on envisage les meilleures pistes pour faire avancer les choses ensemble (médias, artistes, producteurs, managers et promoteurs culturels).
Souvenons nous que le Sénégal a une grande histoire musicale ; c'est un devoir d'y développer une forte industrie.
D'aucuns pensent que les musiques africaines ne bénéficient pas encore de l'exposition qu'elles méritent. Que faut-il selon vous, pour renforcer leur visibilité ?
À mon avis, les musiques africaines sont déjà suffisamment visibles ; la vraie question c'est, comment les rentabiliser et en tirer profit ?
Je pense que 2 éléments sont indispensables pour y parvenir : développer le live et profiter de la puissance des réseaux sociaux.
Sur le premier point, les artistes doivent être coachés et bien encadrés, afin de préparer des spectacles live de haute qualité, pour lesquels ils pourront être sollicités à travers le monde. Dans ces conditions là, la musique africaine pourra se vendre sur les plus grandes scènes du globe.
Pour ce qui est des réseaux sociaux, nul n'ignore leur puissance aujourd'hui. Ce sont de véritables vitrines que nous devons utiliser de façon efficiente pour exposer nos musiques. Mais attention, le public n'est pas dupe, il sait reconnaître le vrai du faux ; inutile de briller dans le virtuel, quand on est pas fort en live.
La 6e édition de Visa For Music se tiendra du 20 au 23 novembre prochain. À quoi doit-on s'attendre cette année ?
Il y aura de la bonne musique ! Nous attendons d'excellents artistes émergents qui viendront des 4 coins du continent, mais aussi du Moyen-Orient.
Nous avons pour le moment dévoilé 20 noms de la line-up et bientôt, nous afficherons la programmation complète de la saison. Nous attendons également des professionnels de l'industrie du disque qui viendront d'Afrique, d'Europe et des pays arabes.
Visa For Music 2019 sera la parfaite occasion de poursuivre que ce l'on a fait ici pendant ce salon journalistique. J'invite donc tous les journalistes qui ont pris part à l'atelier, à se rendre également au Maroc en novembre prochain.
La tenue de cette édition 2019 de Visa For Music avait été menacée un moment à cause de soucis financiers. Qu'en est-il de cette situation aujourd'hui ?
Nous avons effectivement rencontré quelques difficultés, mais nous sommes entrain de chercher de nouvelles sources de financement pour pouvoir maintenir ce rendez-vous africain qui avouons-le, reste autant fragile que beaucoup d'autres initiatives culturelles à travers le continent.
Le secteur des industries créatives en Afrique n'est pas encore pris au sérieux et ce que nous entreprenons dans cette sphère est pris pour du simple divertissement ; c'est pourquoi je me bats pour un débat panafricain, afin de sensibiliser les pouvoirs publics à mesurer la juste valeur de la culture et à appuyer son développement.
Autrement, on va mettre en péril nos diverses expressions culturelles et ce serait un manque à gagner énorme pour le continent.
Au sujet du vent de xénophobie qui a soufflé en Afrique du Sud ces derniers jours, vous avez au cours du salon, présenté la mobilité des artistes du continent comme un moyen de briser les barrières culturelles. Que faites vous pour la favoriser ?
Déjà, j'aimerais dire que la précarité ne devrait pas être un prétexte pour nourrir le mépris de l'autre et surtout le mépris de soi. Pour moi, la culture, en montrant la richesse de chacun, permet d'installer le respect de l'autre.
C'est pourquoi à Visa For Music, nous mettons un accent particulier sur la mobilité des artistes. Nous faisons venir au Maroc des artistes d'Afrique de l'Est par exemple, qui n'ont pas de liaison directe avec l'Afrique du Nord.
À chaque édition, nous constatons par nous mêmes l'impact de ces rencontres. Les gens découvrent de nouveaux artistes et ils sont par la même occasion, désireux de connaître leurs cultures.
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