ACCES 2017 : une première édition de haute facture
La première édition de la conférence ACCES s'est achevée le samedi 18 novembre, avec des délégués qui ont salué l'événement, qui a vu des acteurs de l'industrie musicale et plus de 500 participants prendre part à deux jours de présentations, de tables ronde, de showcases et de séances de networking.
Organisé par la Fondation Music In Africa en partenariat avec Goethe-Institut et Siemens Stiftung, ACCES se tiendra désormais dans une ville africaine différente chaque année, conformément à la vision panafricaine de la fondation qui est de soutenir les professionnels de la musique sur tout le continent. Cette année, Dakar la dynamique capitale sénégalaise a été choisie pour accueillir la conférence, qui a suivi l'assemblée générale annuelle de Music In Africa du jeudi 16 novembre au Goethe-Institut de Dakar.
Le discours liminaire
ACCES 2017 s’est ouvert le vendredi 17 au matin, à la Place du Souvenir Africain de Dakar, avec un discours d'ouverture du musicien légendaire Baaba Maal, qui a expliqué ses débuts en tant qu'artiste dans la ville de Podor au nord du Sénégal. Baaba Maal a également parlé des défis qui affectent l'industrie musicale locale et a appelé à un changement sur l'appréciation négative du statut du musicien, faite notamment par les générations les plus âgées.
« Nous devons partager avec les jeunes l'importance de la musique dans le monde », a-t-il déclaré. « Le monde change et la musique africaine a un rôle à jouer pour les enfants dans l'intégrité, l'humanité et la paix »
« La musique est essentielle pour communiquer la paix, l'harmonie et les droits de l'homme. Lorsque Nelson Mandela a dirigé nos frères en Afrique du Sud, il a compris que la musique africaine est la langue d'espoir dont le monde a besoin. Mais l'industrie de la musique a besoin d'organisation. Nous devons encourager nos jeunes à voyager, se connecter, protéger et transmettre notre musique ».
Les panels de discussion
Le discours liminaire de Baaba Maal a été suivi par des panels de discussions sur l'industrie musicale avec des thèmes tels que : les modèles de distribution de musique, l'évolution du rôle des labels, les femmes dans la musique, la musique et les médias, le secteur de la musique au Sénégal et les festivals de musique en Afrique.
Le débat d'ouverture avec Daniel Gomes, président de l'Association des professionnels de la Musique du Sénégal, Rokhaya Daba Sarr, directrice du festival Africa Fête et Saliou N'Dour, professeur à l'Université de Saint-Louis et Ousmane Faye, président d'ADAFEST, a donné un aperçu de l'état de l'industrie musicale sénégalaise. Cet échange a offert aux délégués internationaux un aperçu objectif des réalités auxquelles sont confrontés les professionnels de la musique dans ce pays culturellement riche d'Afrique de l'ouest.
Une autre discussion avec Ghita Khaldi (Maroc) d'Afrikanya, André Le Roux (Afrique du Sud) de la Fondation SAMRO et Mekbib Ayalew (Éthiopie) de la Commission de l'Union africaine, s'est tenue sur la mobilité et le soutien aux musiciens africains. Les panélistes ont débattu des défis comme le financement, le prix élevé des billets d'avion intracontinentaux et de la fonction économique de la musique en Afrique francophone.
Le premier jour de la conférence s'est terminé par une discussion sur les stratégies que les maisons de disques doivent adopter pour rester pertinentes, dans une industrie aujourd’hui définie par l'autoproduction et l'image de marque personnelle. «Il y a certainement plus de musique disponible aujourd'hui, mais elle est de moins bonne qualité qu'avant l'arrivée du home studio » a déclaré José Da Silva de Sony Music.
Le directeur de la Fondation Music In Africa, Eddie Hatitye, qui animait la discussion sur les effets des conflits sur la musique africaine le second jour de la conférence, a déclaré: « nous sommes fiers d’avoir réussi à rassembler tant de professionnels de la musique du monde entier pour partager leurs connaissances avec le public sénégalais. C'est la première édition d'ACCES et nous ne pourrions être plus heureux de la manière dont la conférence s'est déroulée. Les débats ont été éducatifs et parfois passionnés, et c'est exactement les objectifs que nous nous sommes fixés lorsque nous planifions la programmation de cet événement. »
Un panel sur la façon dont les musiciens peuvent bénéficier des médias a été l'une des discussions qui s'est finie par un échange passionné entre le public et les panélistes lorsque la question de payola - ou « payer pour jouer » - a été soulevée. Un membre de l’audience a accusé les chaines de télévision de ne pas en faire assez pour combattre les pratiques illégales dans la sélection de vidéos musicales.
« Nous espérons que les représentants des différents labels et médias ramèneront les questions soulevées par le public à leurs organisations dans l'intérêt de l'amélioration de l'industrie musicale africaine », a déclaré Hatitye.
« Music In Africa voit ACCES comme un moteur de changement au lieu d'être juste un nouveau lieu de rencontre où les acteurs clé de l'industrie discutent des mêmes problèmes, alors que les musiciens africains continuent de faire face aux mêmes défis ».
La table ronde sur le hip-hop au Sénégal a été l'un des panels les plus suivis de l'événement. Le rappeur local Keyti a présenté la populaire série YouTube Le Journal Rappé en donnant au public une performance interactive qui a été accueillie par des acclamations et des applaudissements nourris.
Des présentations de divers marchés et festivals musicaux par Christine Semba de WOMEX (Allemagne), Yusuf Mahmoud de Sauti za Busara (Zanzibar), Todd Puckhaber de South by Southwest (États-Unis), Anselme Sawadogo de Jazz à Ouaga (Burkina Faso), Faisal Kiwewa du Festival Bayimba (Ouganda) et Amadou Fall Ba d'AfriCulturban (Sénégal) ont suivi.
La deuxième partie du panel ACCESS s'est achevée avec une discussion sur les femmes dans la musique par la trompettiste et militante Christine Kamau (Kenya), la bassiste Maah Khoudia Keita (Sénégal) et Guiomar Alonso Cano de l’UNESCO (Sénégal).
Les séances de networking
En marge des panels de discussions, les délégués d'ACCES ont eu l'occasion de se rencontrer et d'échanger sur l'avenir du secteur. Environ 500 visiteurs dans leurs différents domaines (musiciens, directeurs de labels, organisateurs de festivals, journalistes, etc.) de 44 pays, ont pu tisser des liens dans l'espoir de développer le secteur de la musique sur le continent.
« À l'ère du numérique, il est réconfortant de voir les professionnels de la musique travailler encore mieux au développement de nouveaux projets grâce à des rencontres physiques, où notre passion commune pour la musique africaine, dans toutes ses manifestations diverses, constitue un cadre parfait pour les réunions et les échanges » a déclaré le directeur du festival Sahuti Za Busara, Yusuf Mahmoud.
« Au fil des ans, j'ai assisté à de nombreux événements, mais peu se démarquent comme celui de Dakar, où Music In Africa a réuni des acteurs de l'Afrique et d'ailleurs pour discuter et partager leurs expériences dans le forum fertile de la conférence inaugurale ACCES. Même si nous étions tristes de quitter Dakar, nos sacs étaient remplis de CD, de prospectus, de cartes de visite et de nouveaux contacts utiles » poursuit-il.
Andre Le Roux, de la Fondation SAMRO, a déclaré: « Nous avons établi un réseau avec certains des acteurs de l'industrie musicale africaine, motivés par le discours d'ouverture de Baba Maal, qui nous invite à être culturellement enraciné et connecté à notre identité africaine dans l’industrie de la musique, mais aussi à créer des liens entre l'Afrique anglophone, francophone, lusophone et arabe. »
Développement des compétences
Showcase musical et exposition
ACCES 2017 ne pouvait être complet sans un showcase musical. À ce titre, les délégués d'ACCES ont eu droit à un concert de musiciens sénégalais émergents à l'Hôtel Djoloff le jeudi 15 novembre.
Mais le point culminant de la programmation musicale était le concert Music In Teranga du samedi soir, organisé par la structure sénégalaise la Grande Ourse, qui s'est associée à Music In Africa, pour présenter d'excellents artistes ouest-africains tels Mamy Kanouté (Sénégal), Moh Dediouf (Sénégal), Tamikrest (Mali), R-Light (Côte d 'Ivoire) et Cheikh Lô (Sénégal) à la Place du Souvenir Africain, une place en bord de mer construite pour rendre hommage aux peuples africains et aux dirigeants qui ont défendu les intérêts des africains sur le continent et dans la diaspora.
Cette place emblématique qui était une véritable ruche d'activités lors de la conférence ACCES, a également accueilli la soirée de DJ du vendredi soir, ainsi que l'exposition photo La Route du Jazz de Samuel NjaKwa, sur la naissance du jazz en rapport avec l'esclavage sur le continent africain.
Le groupe Deggi Daaj SabaRap, composée des MCs FManel, Moulaye Wam et Charlie Alves, ainsi que Wadane Ndiaye Rose, le fils du défunt maître du tambour Doudou Ndiaye Rose, ont réalisé des performances qui ont fortement marqué les délégués, surtout leurs prestations sur les percussions.
Les délégués ont également visité le studio de l'artiste et producteur hip-hop Didier Awadi, le studio Sankara.
« Nous ne pouvions pas imaginer une conférence musicale sans performances. C'est pourquoi nous nous sommes associés à Teranga Jam Fest pour offrir un concert gratuit à nos délégués, aux participants et aux habitants de Dakar. Le concert était la cerise sur le gâteau d’ACCES et nous attendons avec impatience la conférence de l'année prochaine » a déclaré Hatitye, ajoutant que les membres de Music In Africa ont déjà fait des suggestions sur la ville hôte de l'année prochaine.
André Le Roux résume parfaitement l'atmosphère que la ville de Dakar a apportée à la conférence ACCES. « La musique, la culture et l'art sont partout à Dakar. Dans les transports en commun appelés cars rapides et chaque bus est orné d'œuvres d'art uniques… Les belles femmes avec leurs robes flottant paresseusement sur les marchés comme des papillons (Hugh Masekela). L'art se retrouve dans les sons du marché ainsi que dans celui des vagues de l'océan, le tout comme une bande sonore subliminale à la vie de la ville » a déclaré ce dernier.
Si vous avez participé à ACCES 2017, veuillez prendre quelques minutes pour remplir le sondage ACCES 2017 ici. Cela nous aidera à améliorer les prochaines éditions.
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