Comment vivre de sa musique en Mauritanie ?
Carrefour des civilisations arabes et sub-sahariennes, la Mauritanie, malgré son immense potentiel culturel, peine à créer un marché rentable pour ses musiques, même si dans ce contexte difficile, les artistes musiciens les plus entreprenants parviennent à trouver quelques opportunités.
Par Aissata Bal
L'oubli du secteur créatif
L'industrie musicale africaine connaît une remarquable croissance ces dernières années. Avec l'évolution de la technologie, l'avènement des plateformes de téléchargement musical, sans oublier l'intérêt des majors pour les musiques du continent, de nombreux artistes parviennent à vivre décemment de leur art.
Seulement, cette croissance globale cache la triste réalité de quelques pays du continent, parmi lesquels la Mauritanie. Terre de poètes et de créateurs aux inspirations arabo-sahéliennes, le pays des Mourabitounes peine à développer son secteur culturel et créatif.
La musique est un facteur de développement et de valorisation de la diversité culturelle, mais il existe très peu de salles de spectacle qui lui soient dédiées. L'ancien aéroport de Nouakchott, la capitale, accueille des concerts de musique urbaine, sans cependant disposer des installations appropriées. La Maison des jeunes, située dans un quartier périphérique de la ville, est un des rares lieux consacrés aux musiques contemporaines [1].
Vivre de son art dans un pays où la culture n'est clairement pas une priorité pour les décideurs, n'est pas chose aisée.
Comment font les artistes ?
Il est important de s'interroger sur la condition des créateurs dans ce contexte. Comment font-ils pour s'en sortir ? Sont-ils soutenus ?
Les praticiens des musiques traditionnelles[2] réussissent à se faire une notoriété locale en se produisant dans des évènements privés ; ils animent des mariages et bien d'autres cérémonies populaires.
Chanteurs d'Azawan (musique traditionnelle des maures), ils sont pour la plupart issus de la caste des griots. Se produire dans des cérémonies leur permet de se faire un peu d'argent, mais cela ne propulse hélas pas leurs carrières.
Les artistes mauritaniens qui ont une visibilité à l'internationale, sont généralement ceux qui évoluent dans la world music [3] et qui parviennent à dénicher des opportunités en dehors du pays.
Quelques festivals organisés sur le sol mauritanien font venir des artistes de l'extérieur, permettant à ceux locaux de nouer des partenariats, d'envisager des collaborations et de se faire des opportunités de voyager. On pourrait citer à ce titre, le Festival culture métisse, le Festival Assalamalekoum[4] organisé par le rappeur Monza, ou encore le Festival Jazz Mauritanie.
Des centres privés et l'Institut Français jouent également un grand rôle clef dans la production des artistes mauritaniens et l'éducation musicale.
Les campagnes politiques et la publicité comme source de revenus
Les périodes électorales peuvent souvent s'avérer lucratives pour les artistes. Les politiques font appel à l'art pour propulser leurs idées et embellir leur campagne ; pour toucher la jeunesse, ils proposent de belles sommes à des musiciens qui composent des tubes en leur honneur.
La publicité et les offres de quelques entreprises constituent également une source de revenus pour les artistes les plus connus.
Les opérateurs téléphoniques comme Mauritel ou Mattel font souvent appel aux musiciens pour leurs grandes campagnes de communication et ils leurs font signer des contrats parfois juteux.
Internet, une opportunité...
Le manque de professionnalisme dans l’autoproduction, l'inexistence de labels sérieux et le manque de soutien des autorités, fragilisent conséquemment le marché de la musique en Mauritanie.
L'ouverture récente de Zaza productions [3 ]par le rappeur Monza, représente un réel espoir pour les musiques urbaines. L'établissement favorise des collaborations entre locaux et artistes étrangers ; il organise des concours et des évènements divers.
Plusieurs musiciens s'appuient sur Internet [5] et leur esprit entrepreneurial pour se faire des opportunités. Grâce au réseau sociaux, il leur est possible de se faire un public en ligne, de vendre leurs oeuvres au delà des frontières nationales et même de trouver du financement auprès d'organisations internationales.
Taleb Latimore est une des références de la scène urbaine, qui a connu une réelle ascension grâce à internet. Les réseaux sociaux ont largement participé à propulser sa mixtape Première vitesse.
Réussir dans la musique en Mauritanie n'est pas une sinécure ; mais avec de la passion et beaucoup d'abnégation, quelques créateurs y arrivent. Il faut dire que les choses auraient pu être moins compliquées, si l'État soutenait un peu plus le secteur culturel.
Liens :
[1] https://www.jeuneafrique.com/229896/culture/mauritanie-au-del-des-chants-du-d-sert/
[2] https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/la-musique-traditionnelle-de-la-mauritanie
[3] https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/les-parfums-de-montreal/segments/entrevue/35134/mauritanie-nourriture-nomade-berbere
[4] https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/retour-sur-la-11e-edition-du-festival-assalamalekoum
[5] https://www.jeuneafrique.com/229896/culture/mauritanie-au-del-des-chants-du-d-sert/
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Édité par Lamine BA
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