Droits d'auteur et droits des artistes en Égypte
Avec l'essor du mouvement artistique et la multiplication des œuvres, il est devenu essentiel de réglementer les droits des artistes pour promouvoir le progrès et l'innovation artistique en permettant aux artistes de bénéficier du droit exclusif de préserver leurs œuvres. Sans droits d'auteur, toute œuvre artistique peut être reproduite par d'autres.
L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) rappelle que la première reconnaissance internationale des droits des artistes, connue sous le nom de "droits voisins du droit d'auteur", a été établie par la Convention de Rome en 1961. Cette convention a confirmé le droit des artistes interprètes ou exécutants (acteurs, chanteurs, musiciens, danseurs, et autres personnes interprétant des œuvres littéraires et artistiques) à être protégés contre certaines utilisations non autorisées de leurs performances, telles que la diffusion de leur musique, leur représentation publique, ou la fixation matérielle de leurs performances en direct.
Droits des artistes dans la loi égyptienne
Le gouvernement égyptien a adopté la loi numéro 82 de l'année 2002 sur la protection de la propriété intellectuelle, qui prévoit des sanctions renforcées contre toute violation des droits des artistes, telle que la peine pour le vol d'enregistrements sonores ou de performances, allant d'une amende à une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 3 mois.
Yasser Omar Amin, avocat et chercheur en propriété intellectuelle et en droit du marché artistique et des droits des artistes, souligne l'importance d'établir une loi pour le marché artistique en Égypte, car il n'y a pas de loi claire et explicite protégeant les droits des artistes. Cela devient crucial avec le développement du mouvement artistique et l'émergence de problèmes artistiques, en particulier en ce qui concerne la régulation des contrats entre l'artiste et la partie productrice. Souvent, l'artiste est la partie la plus faible lorsqu'il s'agit de protéger ses droits artistiques, financiers et littéraires, notamment en raison de conditions strictes imposées par certaines parties productrices.
L'article 2 de la Convention de Rome stipule que les producteurs d'enregistrements sonores ont le droit de reproduire directement ou indirectement leurs enregistrements sonores ou de l'interdire. La convention définit « enregistrement sonore » comme toute fixation purement auditive des voix d'une performance ou d'autres sons. Elle affirme que si l'enregistrement sonore est publié à des fins commerciales (c'est-à-dire diffusé ou présenté au public sous quelque forme que ce soit), le bénéficiaire doit payer aux artistes interprètes ou aux producteurs d'enregistrements sonores une rémunération équitable unique. Cependant, les pays contractants peuvent choisir de ne pas appliquer cette règle ou de la limiter.
Amin ajoute que malgré l'existence de lois et de réglementations depuis de nombreuses années, certaines failles juridiques sont exploitées, soulignant la nécessité d'une loi plus adaptée à la situation actuelle.
Intelligence artificielle et droits des artistes
Au fil du temps, les choses ont été compliquées en raison de l'émergence des nouvelles technologies numériques et d'Internet, contribuant à l'élargissement de la manipulation numérique des productions artistiques, à la copie, au vol et à la fuite. C'est pourquoi de nouvelles législations ont été mises en place, comme la loi élaborée par l'OMPI en 1996, qui a adopté un nouveau traité sur le droit d'auteur adapté aux évolutions des nouvelles technologies, appelé le « Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur », ainsi qu'un autre traité sur la performance et l'enregistrement sonore appelé le "Traité de l'OMPI sur la performance et l'enregistrement sonore".
Avec le développement des capacités de l'intelligence artificielle et l'exploitation par certains de voix d'artistes pour les intégrer dans des mélodies et des chansons différentes, plusieurs crises ont émergé. Une des plus marquantes s'est produite il y a quelques mois lorsque la juge d'une cour partielle aux États-Unis a statué que les œuvres générées par l'intelligence artificielle ne pouvaient pas être protégées par le droit d'auteur. Cela faisait suite à une action en justice contre le bureau américain des droits d'auteur après le refus de l'enregistrement de l'image créée par l'intelligence artificielle à l'aide de l'algorithme Creativity Machine créé par Stephen Thaler.
Selon le site américain The Verge, Thaler a essayé à plusieurs reprises de publier l'image comme une œuvre en échange d'une redevance pour le propriétaire de l'outil de création". Cependant, cela a été refusé à plusieurs reprises.
En ce qui concerne l'Égypte, plusieurs crises ont éclaté en raison de l'exploitation des voix de chanteurs pour chanter différentes chansons. Par exemple, il y a eu une crise entre le compositeur égyptien Amr Mostafa et le célèbre producteur artistique Mohsen Gaber lorsque Mostafa a annoncé la sortie d'une chanson de sa composition, interprétée par la regrettée chanteuse égyptienne Uum Kalthoum, en utilisant l'intelligence artificielle. Immédiatement après cette annonce, Nasr Mahrous a menacé de poursuivre Mostafa en justice.
Nasr Mahrous a déclaré que « Personne, y compris l'artiste Amr Mostafa, malgré ma relation étroite avec lui, n'ose utiliser l'intelligence artificielle pour reproduire la voix de Uum Kalthoum ou utiliser son nom et son image, car il existe des droits moraux éternels qui ne peuvent pas être dérogés »
Plusieurs artistes ont réitéré leur opinion sur l'utilisation de l'intelligence artificielle dans la production de chansons, la qualifiant de « préjudiciable pour les artistes » et nuisant à leurs droits, insistant sur la nécessité d'utiliser l'intelligence artificielle de manière positive sans porter atteinte aux droits des artistes. A l’instar de Soma, chanteuse égyptienne qui a exprimé son extrême mécontentement à ce sujet. Elle rapporte qu'elle a été profondément choquée lorsqu'elle a entendu une chanson du regretté chanteur égyptien Abdel Halim Hafez interprétant la chanson « Makhsimak » de la chanteuse Nawal, une chanson contemporaine produite après plus d'un demi-siècle depuis son décès. Elle a affirmé que cela était inacceptable et que ces éminents chanteurs dans l'histoire de l'art égyptien sont des maîtres, et personne ne peut atteindre ce qu'ils ont accompli. Par conséquent, il est impératif de traiter cette technologie moderne d'une manière qui ne porte pas atteinte à ces géants de l'industrie.
L’artiste égyptien fait face á de nombreux défis et obstacles. Malgré les lois en vigueur, la protection ne semble pas optimale, c’est ce que nous apprend le témoignage de Amr Abu Hashem, un jeune poète et chanteur, il enregistre ses chansons au ministère de la Culture en déposant les droits d'auteur pour une somme modique. Cependant, la principale difficulté réside dans la protection de ses droits, car en cas de vol, il ne peut les récupérer facilement. Bien que l'Association des auteurs et compositeurs offre une protection importante, elle se limite à ses membres, et Abu Hashem, n'étant pas membre, ne peut pas enregistrer ses œuvres auprès d'elle. L’adhésion semble être accordée aux artistes connus.
La notoriété de l'artiste semble jouer un rôle crucial dans la garantie effective de ses droits. Si l'artiste n'est pas célèbre, il risque davantage d'être victime de vol artistique, avec des récupérations potentiellement difficiles par le biais du système juridique.
Traduit de l’arabe par Leila Assas
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