Expédition live au Niger, scène de demain ou espoir en sursis ?
Découvrez dans cet article un aperçu de la scène live au Niger.
Partout où le playback appartient à l’histoire comme la marque de fabrique des années 50-60, symbole de l’essor des premiers produits culturels promus par une télévision encore rare dans les foyers, la scène live s’est imposée sans difficulté en quelques décennies. Partout ? Non, au Niger, la chose semble un peu compliquée.
Avec les progrès technologiques, l’évolution des transports, l’éducation des publics de plus en plus friands de spectacle vivant et de festivals, la professionnalisation des artistes s’est accompagnée de la spécialisation de tout un staff technique sans qui les concerts et les tournées ne seraient pas ce qu’ils sont devenus : de véritables organisations nomades.
Image, son, scénographie, communication, billetterie, logistique, la passion du live a donné naissance à autant de métiers qui se sont développés et banalisés dans la sphère culturelle.
Au Niger pourtant, le playback est toujours roi. Il permet de sauver les meubles, en permettant à un nombre croissant d’artistes de partager leur musique, leur envie d’en rêver, d’en rire ou d’en pleurer jour et nuit, si tel est leur plaisir. C’est à la fois une sorte de kit d’urgence, ça fait bien l’affaire quand on n’a pas de dispensaire. Après tout, ce qui compte c’est d’être sur scène et de se la jouer comme à l’écran - devenu portable -, qui a remplacé partout la télévision.
Le playback ne serait-il pas plutôt un piège ? Car à moins de croire que l’on peut cacher son visage derrière un seul doigt, un arbre ne suffit pas à faire une forêt, un kit de survie ne fait le travail d’une équipe d’urgentistes dans un hôpital. Il n’y a guère que les artistes qui se lancent dans le reggae pour résister à cette pratique courante au Niger : accepter de se produire avec en poche une clé USB pour tout bagage.
Le développement de la scène live au Niger n’est en effet l’affaire que de trop rares militants culturels, même si le savoir-faire est désormais accessible. Si les artistes en tournée à l’étranger sont à même de tirer toute la filière musicale vers le haut en partageant leur expérience et leur réseau, les publics quant à eux ne sont peut-être pas encore suffisamment préparés, encouragés, pour fournir les effectifs nécessaires à équilibrer une recette de concert.
C’est donc une équation difficile à résoudre pour le moment, car l’initiative privée en matière de spectacle vivant repose entièrement sur la viabilité économique de l’événement et la capacité des organisateurs à mobiliser chaque fois de nouveaux sponsors.
L’Etat du Niger encourage régulièrement de son côté l’organisation de manifestations culturelles en région, afin de promouvoir la transmission des répertoires traditionnels et l’unité nationale. Ces rencontres festives à vocation institutionnelle permettent elles aussi aux artistes de se produire dans des conditions live pour évoluer ensuite sur d’autres types de scène, au gré des opportunités.
« Il faut avoir l’esprit ouvert et construire des ponts entre civilisations et non des murs. Une culture close est une culture qui se refuse à être fécondée par des apports extérieurs » a déclaré le 10 septembre 2017, Issoufou Mahamadou, Président de la République du Niger.
Le pays compte huit régions administratives et chacune d’elle dispose d’un centre culturel, où peuvent se produire en live des artistes. C’est le cas à Tahoua, par exemple, avec la MJC Albarka Tchibaow ou à Agadez, avec l’accueil en avril 2018 de la caravane culturelle pour la paix du Sahel Hip Hop Festival, dans le bel amphithéâtre plein air de la MJC, avec un concert mi-playback, mi-live.
À Agadez, l’Alliance française dispose aussi d’une belle scène à ciel ouvert et d’une jauge intéressante. Pour la fête de la concorde 2018, la programmation a permis de montrer une belle palette d’artistes, dont une des jeunes musiciennes du groupe « Les filles de l’Illighadad », régulièrement en tournée à l’international.
À Niamey, c’est dans des lieux dédiés à la culture comme le CCFN, le CFPM, la Blue Zone, que l’essentiel des concerts sont organisés. Le palais des congrès accueillera la prochaine édition du festival Sahel Hip Hop le 8 mars 2019, Journée Internationale de la Femme. Le Centre Culturel Oumarou Ganda, le stade général Seyni Kountché, la place AB (pour Amadou Boubacar) du Campus sont d’autres lieux réputés pour proposer des concerts grand format.
Largement détruit lors des violentes manifestations anti-Charlie du 16 janvier 2015, le centre culturel franco-nigérien (CCFN) de Zinder a fait l’objet depuis 2016 d’importants travaux de réhabilitation co-financés par la France et le Niger. Zinder est la deuxième ville du Niger et l’impact de groupes extrémistes s’y fait fortement sentir, avec pour conséquence de transformer certains quartiers en zones de non-droit.
Poser trop simplement la question du devenir de la scène live au Niger n’est donc pas envisageable, sauf à faire abstraction du contexte de tensions, parfois exacerbées à dessein, dans lequel artistes et promoteurs culturels ont à travailler ensemble de façon suffisamment professionnelle et convaincante pour entrainer avec eux un public plus prompt à descendre dans la rue pour exprimer sa colère, sa soif de justice ou de sang, que pour venir voir sur scène des artistes nigériens.
Il n’en reste pas moins que les artistes veillent au grain, que des structures et des lieux existent pour les accompagner face aux difficultés, que les festivals trouvent les modalités de leur survie d’année en année, donnant ainsi l’opportunité de voir la scène nigérienne évoluer avec le temps et les mentalités vers d’avantage de concerts Live.
Signe de cette dynamique, la naissance en novembre 2017 d’un nouveau festival international, « Hâvre de paix », dédié aux artistes reggae, témoigne d’une belle détermination à aller de l’avant. Cet événement s’est déroulé sur deux jours à Niamey au Centre culturel Oumara Ganda. En avril dernier, les organisateurs réunis au CFPM étaient déjà à pied d’œuvre pour convaincre les institutions de l’importance de soutenir activement cette initiative.
« Le concert live au Niger, n'est pas assez développé, témoigne Sage Soldat, trop peu d’artistes ont l’opportunité de se produire de cette façon. Ce sont les artistes du domaine du du reggae qui se lancent dans le live. La nouvelle génération dite « musique actuelle » est plus dans le concert en playback. Les raisons sont en partie le manque de moyens financiers, car le live demande de l'argent, avec la prise en charge des musiciens, la répétition, la location du matériel.”
Et de renchérir avec ce constat lucide : “sans préjuger de la qualité des uns et des autres, il est aussi assez facile de supposer que certains de ces artistes manquent peut-être de vocation, voire de courage pour aller vers le live. Chanter sans filet demande énormément de travail, au minimum des bonnes bases en technique vocale, en connaissance de la musique, en présence scénique. Le live n’a de sens à mes yeux que s’il est l’aboutissement d’un véritable travail personnel engageant en tout premier lieu l'artiste et son projet de création ».
Sources
http://sahelhiphop.com/
https://www.musicinafrica.net/fr/magazine/sage-soldat-un-destin-live-pour-une-passion
http://ccfnjeanrouch.org/index.php/agenda/18-concert/469-tremplin-pour-jeunes-talents-du-niger-nov
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Édité par Lamine BA
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