Geneviève Matibeye : « MIAConnects est une porte de secours pour les artistes »
Par Lucie Prisca CONDHET
La chanteuse tchadienne de world music, surnommée le rossignol, a participé à la 14e édition du festival des musiques et des arts Nsangu Ndji-Ndji qui s’est déroulée du 6 au 10 juin à Pointe-Noire, capitale économique de la République du Congo. Geneviève Matibeye a convaincu avec sa belle voix berçante, ses compositions et sa musique teintée de sonorités traditionnelles tchadiennes. Elle a pu répondre présent à l’évènement grâce à l’appui du projet Music In Africa Connects (MIAConnects) qui soutient la mobilité des artistes sur le continent africain.
« Je suis très contente d’être à Pointe-Noire et de participer au festival Nsangu Ndji-Ndji qui est un lieu de rencontre et de partage. Je suis venue avec quelque chose à offrir au public de cette ville », a lancé Geneviève Matibeye dès son arrivée.
Cette musique que Geneviève a partagé avec le public ponténégrin est bien connue de Pierre Claver Mabiala, directeur de ce festival et de l’espace culturel Yaro qui organise l’évènement. Ce dernier la suit depuis longtemps à travers le partenariat avec le Festival NdjamVie du Tchad et en sait beaucoup sur ses prouesses.
« L’an passé, Geneviève a émerveillé le public du côté d’Abidjan lors des jeux de la francophonie. La faire venir au festival Nsangu Ndji-Ndji pour partager son travail avec le public de Pointe-Noire, est un véritable plaisir ».
Dès sa première prestation, le 8 juin, lors de la soirée des partenaires à la résidence du consul général de France, Geneviève Matibeye a convaincu par son talent. Silencieuse, sereine et pieds nus, c'est ainsi qu'elle est montée sur la scène du festival, captivant l’attention de tous. Assise sur une chaise, elle a entamé son spectacle avec une chanson douce intitulée « Nonoba », qui veut dire pleurer en ngambaye, sa langue maternelle dans laquelle elle chante souvent, en dehors du français et de l’arabe local.
Puis est intervenue « Mosupa », une chanson sur les inégalités sociales, elle effectue ensuite un retour au village avec « Ireeh », et petit à petit, la tension est montée entrainant le public, avec lequel elle échange de temps en temps. Sa voix forte, mélodieuse et berçante raisonne, touche les cœurs et séduit. « On sent l’émotion et la maîtrise dans sa voix et sa façon de chanter », a confié un spectateur tombé sous le charme du talent de la chanteuse.
Pour une première prestation en solo au festival Nsangu Ndji-Ndji l’artiste a conquis le cœur du public et n’a pas caché sa satisfaction. « J’ai déjà participé au festival dans une création en 2015, mais c’est la première fois que je joue en solo. Je suis très contente d’être là cette année et surtout, de jouer dans la résidence du consul général de France avec un public chaleureux qui a vraiment apprécié mon spectacle et dansé jusqu’à la fin de ma prestation ».
Le 9 juin à l’espace du trentenaire où elle a fait sa deuxième prestation, Geneviève Matibeye a encore confirmé son titre de rossignol. L’artiste a chanté l’Afrique, l’amour et la paix. Et comme lors de sa première prestation, les sonorités venant de la scène ont plongé le public dans l’univers tchadien, particulièrement de Moundou, localité de la chanteuse où l’on trouve des femmes griottes pleureuses dont elle apprend les techniques.
« Je suis en train de travailler les techniques de chant des femmes griottes. Je cherche à les exploiter pour toucher l’âme du public qui vient m’écouter ou me voir sur scène, pour guérir ceux qui souffrent dans leur cœur. Je dis souvent que dans mes concerts, il y a un aspect thérapeutique. Je me dis que je ne suis pas une chanteuse ordinaire, je suis Nonoba, celle qui pleure en chanson ».
Il faut souligner que cette année, le festival Nsangu Ndji-Ndji a été organisé en format réduit à cause de la crise économique. Mais malgré cela, la promesse de réussir la 14e édition a été tenue comme l’a indiqué Pierre Claver Mabiala.
« La grande particularité de cette édition a été la force de notre organisation à réaliser cette édition malgré le contexte économique difficile car plus de 80% de nos soutiens viennent du mécénat d’entreprise. Nous avons eu moins de soutien, des budgets très faibles, mais on a tenu l’édition avec toutes ses composantes ». Outre les concerts de musique, le festival a aussi été marqué par d’autres activités : théâtre, conférences et rencontres professionnelles.
La chanteuse a loué les efforts du directeur du Festival Nsangu Ndji-Ndji : « Je dis merci et félicitations à Pierre Claver Mabiala parce que malgré les temps qui sont durs il a tenu à organiser cet évènement. Il n’y a pas beaucoup de festivals en Afrique et Pierre Claver est en train de faire un travail remarquable sur la scène culturelle de Pointe-Noire. Nsangu Ndji-Ndji est une référence pour nous en Afrique. Je découvre beaucoup dans cette ville où je me sens vraiment chez moi ».
Évoquant les difficultés engendrées par la crise économique dans le milieu culturel, la chanteuse a estimé que cela ne devrait pas constituer un frein aux activités des artistes ni à leurs projets : « Nous artistes ressentons beaucoup cette crise, mais ce n’est pas une raison pour tout lâcher. Pendant que les choses sont au repos, nous devons nous mettre au travail et créer afin que, lorsque les choses vont décoller, qu’elles décollent avec nous ».
Par ailleurs, elle a loué les efforts des femmes artistes qui excellent dans le milieu culturel en Afrique et les a encouragé à vivre leur passion en dépit des difficultés.
« Dans les festivals on voit des femmes au-devant de la scène, des femmes qui osent. La voix des femmes est toujours représentée et leur nombre a vraiment augmenté ces derniers temps. Je dis chapeau à mes sœurs artistes. Le combat on va le mener ensemble c’est dur d’être femme et faire de l’art, mais je me dis que c’est notre métier, c’est notre profession, notre passion. Si nous le faisons bien, les gens nous respecteront et respecteront ce que nous faisons », a conclu l’artiste qui s’est dite prête à revenir au Congo pour N’sangu Ndji-Ndji ou d’autres évènements culturels.
Geneviève Matibeye au festival Nsangu Ndji-Ndji grâce au programme MIAConnects
Il faut dire que la présence de Géneviève Matibeye et des quatre artistes qui l’ont accompagnée au festival Nsangu Ndji-Ndji a été facilitée par le programme Music In Africa Connects (MIAConnects) de la Fondation Music In Africa (MIAF) dont l’Espace culturel Yaro est partenaire. Un programme destiné à soutenir les professionnels de la musique, les centres artistiques, les fondations et d'autres professionnels de l'industrie de la musique dans certains pays africains touchés par des conflits. Il soutient également la mobilité des artistes musiciens sur le continent africain.
Le siège de la fondation Music In Africa se trouve à Johannesburg en Afrique du sud. Elle dispose de bureaux régionaux en République Démocratique du Congo (RDC), au Kenya, au Nigeria ainsi qu’au Sénégal.
Pierre Claver Mabiala s’est réjoui du partenariat avec cette fondation ainsi que « du travail énorme qu’elle fait pour la visibilité des artistes musiciens du continent ».
Pour Geneviève Matibeye, le programme MIAConnects est une issue de secours offerte aux artistes africains. « Grâce à ce programme j’ai eu la possibilité de me déplacer avec 4 musiciens, je leur dis merci pour ce projet qui permet aux artistes de se déplacer d’un pays à un autre pour participer aux évènements culturels et mieux se faire connaitre. C’est une opportunité qui s’offre à nous. Les artistes rencontrent beaucoup de difficultés pour se déplacer en Afrique, MIAConnects est une porte de secours pour nous ».
Née d’un père ancien diacre et d’une mère chanteuse, Geneviève Matibeye est bercée par la musique religieuse dès le bas-âge. Sa passion pour la musique la conduit à intégrer la chorale pépinière de son église, puis la grande chorale.
Au fil du temps, l’artiste se perfectionne à travers des ateliers de chants et grâce à l’expérience acquise en qualité de choriste de studio et qui lui permet de travailler avec plusieurs artistes qu’elle accompagne aussi sur scène. L’appel à une carrière solo commence quand elle fait l’avant-scène de la chanteuse tchadienne Mouni Radidjana en 2012, une prestation qui dévoile au public son talent de chanteuse professionnelle.
L’artiste a déjà participé, outre le festival Nsangu Ndji-Ndji du Congo, à plusieurs évènements culturels au Tchad, au Cameroun, en Côte d’Ivoire et autres.
Elle a aussi plusieurs prix à son actif (prix de la catégorie World Music du festival Darri Awards en 2015, premier prix du festival NdjamVie dans la même catégorie la même année…). Ses quatre singles sont disponibles en ligne sur les réseaux sociaux ainsi que des concerts live.
Geneviève Matibeye est actuellement en studio au Cameroun où elle enregistre son premier album. En même temps, elle poursuit ses recherches sur les techniques des femmes pleureuses du Tchad qu’elle expérimente pour une meilleure inspiration sur les émotions. Après le festival, c’est dans la localité de Mundu qu’elle se rendra.
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