La musique classique au Togo
A première vue, la musique classique, en ce qui concerne le Togo, s’écrit en grisaille de façade, du fait de son manque de vulgarisation. Mais quand on regarde de près, elle retrouve ses lettres de noblesses, et on découvre à foison tous les trésors qu’elle cache.
Ils sont tous arrivés à la musique classique via diverses voies. Clémentine K. Ayéfouni est Assistante de Direction et Technicienne d’Assurances de formation. Actuellement, elle est Responsable commerciale dans une société d'assurance. La musique est sa plus grande passion, particulièrement la musique classique, l’Opéra.
Elle est de loin l’une des artistes de musique classique les plus en vue du Togo. Elle ne se définit pourtant pas comme artiste, mais « soliste ». L’aînée Vanessa Worou, qui se revendique « chanteuse sociale », est artiste de formation et de passion. Après ses trois années passées à l’école de musique La Belle Mélodie, sa carrière musicale a enfin véritablement décollé.
Mais « je suis beaucoup plus dans la musique moderne que classique, parce que cette dernière est réservée à un public averti, et ce public ne court pas les rues, au Togo », nous confie-t-elle. La musique classique « c’est une musique classée ; une musique qui respecte certaines règles ; une musique qu’on ne fait pas n’importe comment. »
Et si on ne la fait pas n’importe comment, c’est que forcément on ne la fait pas n’importe où. A la question de savoir les endroits à Lomé où la musique classique est jouée, il nous a été indiqué, des endroits « classés » : ambassades, Institut Français, Goethe Institut, quelques centres culturels, l’Agora Senghor et… la Présidence de la République.
Nous avons dressé le profil de nos deux interlocutrices dans le but de vous faire comprendre que si ces personnes font autres choses que la musique, c’est que celle-ci ne les nourrit pas. Cela a beau être une passion, ces personnes ont eu à investir de leur temps et de leur argent, pour peaufiner cet art qui passe pour ingrat.
Qu’est-ce-qui rentre dans le chant de la musique classique ? Quels en sont les acteurs ?
Hormis le lead vocal, le soliste que l’on connaît, il y a les instrumentistes qui sont indispensables à ce genre musical, qui est d’une certaine manière, de la musique live. Ainsi, pianistes, violonistes, bassistes, trompettistes, jouent un grand rôle dans une prestation de chant opéra. De talentueux pianistes, le pays en compte à foison. Les principaux endroits d’apprentissages et de perfectionnement demeurent les églises. Les chorales et autres orchestres regorgent de talent diverses.
Le chant choral peut-il être considéré comme de la musique classique ?
Pour Vanessa Worou, « la chorale forme énormément sur l’essence classique, pour ceux qui veulent faire de la musique moderne ou classique. Cependant, il y a des chœurs spécialisés dans la musique classique, comme la chorale La Belle Mélodie ; et la chorale Mawufe Nuse qui fait du classique et du moderne ». Le chant choral, pour Clémentine, « est classique ou moderne selon le compositeur ».
Lorsque nous avons cherché à savoir les freins à l’essor de la musique classique au Togo, les réponses sont unanimes : le genre musical propre au Togo n’a rien de classique. Comme tout pays africain d’ailleurs. La musique est culturelle. Et notre culture, ce sont les rythmes, les pas de danses, les instruments, le tam-tam, et tout ce qui permet de se trémousser, ou du moins secouer la tête. La musique classique, comme on la connaît, est une musique acquise. Elle s’apprend donc. Avec toutes les difficultés liées à cet apprentissage : difficulté de la discipline, manque de motivation, manque d’enseignants de la musique classique.
Dans le système éducatif togolais, en effet, la musique est une discipline facultative, et n’apprend que les rudiments à ceux qui s’y intéressent. Les professeurs sont réduits à donner les définitions basique de la musique aux élèves, et à leur apprendre à lire quelques notes ; ce qui ne suscite en rien l’envie d’aller plus loin, ni ne révèle de quelconque talent. Au final, très peu d’artistes classiques togolais, sortant d’écoles de musiques togolaises.
En plus de cela, il y a très peu de scènes locales sur lesquelles les artistes peuvent prester. Et prester pour quel public ? Le public n’est pas grand, mais il est fidèle. Ce sont certainement des gens d’un certain âge, et d’une certaine classe sociale, exigeante, et qui n’hésitent pas à mettre les moyens pour savourer le classique. De ce fait, les promoteurs hésitent énormément à investir dans le domaine.
Des solutions ?
Pour Clémentine, « pour une meilleure promotion de la musique classique, il faudra d’une part encourager la formation de professeurs de musique afin d'orienter l'éducation vers la bonne musique en général et la découverte de la musique classique en particulier ». Vanessa Worou plaide plutôt pour une contextualisation de la musique classique. Pour elle, « le Togo compte au moins un grand maître de chant par région économique. Et chaque région a ses spécificités linguistiques, ethniques, et culturelles. Pourquoi ne pas promouvoir l’essor de la musique classique en langues du terroir ? ».
Pour celle qui, aujourd’hui, est enseignante de Technique de chant, « les sons sur le solfège sont une langue universelle pouvant être comprise par n’importe qui ; même celui qui ne sait lire et écrire en français ou en anglais. Selon son degré d’instruction, on doit pouvoir faire de la musique, pour peu qu’on en ait l’envie et la volonté ».
On pourra en outre multiplier les scènes spécialement dédiées au chant classique, organiser ou favoriser les concours de chant classique, mieux s’investir dans l’éducation musicale du système éducatif national.
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