La musique traditionnelle, source d’inspiration pour les compositeurs togolais
Les rythmes traditionnels constituent le socle des compositions togolaises actuelles. C’est ce qu’ont révélé plusieurs compositeurs Togolais.
Entre concurrence et ferveur artistiques, ces derniers temps au Togo, plusieurs rythmes ont vu le jour. Les uns aussi différents des autres. On en vient à souvent se demander d’où les compositeurs togolais tirent leur inspiration pour composer ces divers rythmes qui font actuellement fureur dans le monde musical togolais. Les concernés se sont confiés à nous.
Les musiques traditionnelles constituent le socle de l’inspiration actuelle
Il existe plusieurs artistes togolais de grands noms qui ont su concilier rythmes traditionnels et ceux dits modernes, tant au niveau rythmique qu’instrumental. King Mensah est celui qui s’est le plus illustré. Gazo, Agbadja, Kondona ou encore du Kamou, sont les rythmes auxquels il s’intéresse particulièrement.
Grâce à eux, celui qui est aujourd’hui surnommé le roi de la musique togolaise, a pu soulever le prix du meilleur artiste traditionnel de l’Afrique de l’Ouest au Kora Awards, par deux fois, dont l’un en 2004 et plusieurs autres distinctions à travers le continent. « Il y a beaucoup d’artistes africains qui oublient que notre force réside dans nos racines et notre musique traditionnelle. Il suffit d’arroser la racine. J’y mets des influences contemporaines mais je chante dans ma langue maternelle : le mina et aussi en kabye et en éwe. Quand je vois des personnes comme Salif Keita, Youssou N’Dour ou Mory Kanté, je sais que c’est le bon chemin », a confié King Mensah, l’homme qui est devenu le plus grand après Bella Bellow.
Depuis lors, les industries de disque togolais ne cessent de puiser dans les tréfonds des rythmes traditionnels et rituels pour faire danser la nouvelle génération qui est devenue de plus en plus exigeante. Il faut dire qu’après les influences de la musique occidentale, ivoirienne et congolaise, à partir de 2010, la musique traditionnelle a fait son introduction sous le vocable : le tradi-moderne.
Des artistes comme Kossi Apéson (ex-danseur de King Mensah), Bibi Reine, Wilfried A², Mic Flammez ou encore Amen Viana, en ont été les porte-flambeaux. Apéson de son coté, s’est vite distingué en lançant les concepts « Akpê Gwetta » et « Gazo Cool Catché » qui sont un mélange entre les concepts urbains Gwetta et « Cool Catché » du groupe Toofan et les rythmes traditionnels et Gazo, un rythme originaire du centre du Togo.
« Au début ce n’était pas facile d’associer la musique traditionnelle, je veux parler des rythmes traditionnels avec la musique moderne, c’est-à-dire urbaine. J’avais tellement eu de problème pour me faire accepter dans ce genre de musique malgré ma longue expérience avec le roi de la musique traditionnelle, King Mensah. C’est avec le temps que cela a pris. Aujourd’hui, tous les artistes veulent se lancer dans cette dynamique », a expliqué Apéson.
Nicolas Gbadoé, promoteur culturel, directeur de Yatenga communication confirme la position d’Apéson. « Je confirme que la musique togolaise est en train de prendre une autre trajectoire avec les rythmes de chez nous », déclare-t-il en précisant que peu à peu, les artistes togolais s’éloignent des rythmes d’ailleurs pour se focaliser sur la musique typiquement togolaise. « Moi, je n’écoute pas autre chose que la musique qui a un lien avec ma tradition », a ajouté M. Gbadoé.
Quand Mic Flammez a choisi Kamou et Tchimou pour donner une autre dimension à sa musique Rap, Amen Viana, un amoureux du style Rock-funk, essaie depuis un certain temps de donner une touche rock aux tubes cultes de la musique traditionnelle togolaise. Et ça marche fort pour elle aussi
« C'est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle dit-on au Togo. Nous ne pouvons pas dire que nous voulons faire la musique sans faire référence à la tradition. Elle constitue pour nous le fondement de la musique au Togo. Les sons de Bella Bellow résistent aujourd’hui au temps tout simplement parce qu’elle est restée coller à la tradition et en même temps à la musique urbaine », précise Bibi Reine.
Pour Kang The Dreamer, auteur-compositeur et ingénieur de sons au Togo, la musique qui se fait aujourd’hui, puise la majeure partie de son inspiration dans la musique traditionnelle. « Les artistes comme, Snaky, Tchess Preza, Kossi Apeson, etc. pour qui j’arrange les musiques ont sorti des tubes qui font fureur actuellement au Togo. Et ces tubes ne sont que de la tradi-moderne. Prenez l’exemple de « Eba » de Kossi Apeson, « wolo wolo » de Tchess Preza et de « Mkpayé » de Snakyy si vous écoutez ces sons, il y a plus de rythme traditionnel que moderne. Mais ça marche très fort en ce moment. Cela est devenu la mode puisque tous les artistes qui sollicitent mes services pour la composition de leur musique ne veulent que du tradi-moderne. Pas autre chose que ça », explique Kang The Dreamer.
Nécessité de sauvegarder ces patrimoines culturels
Aujourd’hui, des voix s’élèvent dans le monde des promoteurs culturels pour la sauvegarde de ces patrimoines musicaux qui constituent l’identité musicale du Togo. Dans une étude dénommée Transmission de la musique au Togo : état des lieux et perspective, réalisée en 2011 Mercier Amandine, auteure de l’étude, a clairement démontré comment se fait cette transmission de la musique traditionnelle et ses perspectives au Togo. « … suppose que l'on réfléchisse sur les méthodes mises en œuvre pour la transmission et l'apprentissage des répertoires traditionnels. C'est là notre projet. Quels sont les principaux facteurs de mutation de la musique traditionnelle et de sa transmission ? En quoi la diversité des méthodes de transmission actuelles au Togo peut-elle agir en faveur de la pérennisation de la culture, de l'élaboration d'une identité nationale et culturelle propre, et ainsi au développement du pays ? », dixit l’étude de Mercier Amandine.
L’étude d'A. Mercier révèle aussi les problématiques liées à la préservation et au rayonnement de la culture togolaise, où la transmission et l'apprentissage des répertoires traditionnels jouent un rôle de premier plan dans le maintien d'un patrimoine. « Il est important de réfléchir sur la diversité des méthodes de transmission des rythmes traditionnels au Togo, afin d'élaborer des perspectives de politique culturelle agissant en faveur de la pérennisation de la culture », recommande l’étude.
Des voix s’élèvent aussi dans la sphère des compositeurs et des artistes qui sont aujourd’hui les gardiens du temple de ces rythmes traditionnels au Togo. Ces derniers ont demandé à l’Etat togolais de tout faire pour mettre en place un mécanisme de collecte, de protection et de valorisation de ces patrimoines qui sont selon eux, l’identité culturelle du Togo.
« Vu l’importance et la richesse de ses valeurs culturelles, leur sauvegarde s’impose si nous ne voulons pas un jour être en perdition culturelle. Le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Ghana l’ont vite compris. Il faut que le Togo leur emboite le pas avec une identité culturelle typiquement togolaise », recommande Carlos Danklou arrangeur du label All That production.
Le Togo dispose d’une variété de rythmes musicaux qui inspire les industries de disque même dans la sous-région ouest-africaine. Moins connu que d'autres pays de la sous-région en matière musicale, il n'en reste pas moins porteur d'une culture musicale riche et diversifiée, qui s'apprend et se transmet de manière orale, comme dans la plupart des pays du continent.
Mais il est indéniable aussi que ce patrimoine tend, pour plusieurs raisons, et depuis longtemps déjà, à intéresser les artistes et les compositeurs qui font de ces rythmes traditionnels une source d’inspiration pour leur composition.
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