Musiques traditionnelles au Niger : entre exploitation et délaissement
Elles ont autrefois célébré les épopées des grands souverains avec leurs instruments aux sons uniques et recherchés, les musiques traditionnelles du Niger continuent d’inspirer la nouvelle génération. Cependant, ceux qui les pratiquent ploient sous les pesanteurs socioculturelles.
Le folklore musical nigérien est très riche et varié ; il est le socle des cultures locales. Aujourd’hui encore, les médias continuent de diffuser des chansons à la gloire des valeureux guerriers qui ont marqué l’histoire du pays et des grands cultivateurs des temps anciens. Ces vieilles œuvres ravivent des souvenirs pour plus d'uns.
Ecouter à la radio des chanteurs comme Hama Dabdjé, replonge les mélomanes dans un passé où les artistes traditionnels vivaient en harmonie totale avec leurs communautés.
« J’ai l’habitude de me voir offrir des parcelles de terrain et même des véhicules par des mélomanes » confiait souvent Hama sur la chaîne de télévision Dounia. Issu de l’ethnie zarma (Ouest du Niger), l’artiste était toujours accompagné d’un joueur de « molo » (instrument monocorde) pour l'exécution de ses morceaux.
Dans le centre du Niger, précisément dans la région de Tahoua, on ne peut parler de musque traditionnelle sans évoquer Dan Gourmou. Avec une « vièle » qu’il jouait lui-même, cet artiste atypique a longtemps magnifié la femme, encouragé l’enfant et honoré la royauté. Le plus grand concours de musique du Niger porte d’ailleurs son nom. Ses œuvres ont inspiré des musiciens nigériens comme El-Hadj Taya.
Difficile pour les femmes du Manga (région de Diffa, Est du Niger) de résister aux sons du Kakaki ou de l'Algaïta (instruments à vent). D'ailleurs, feu Chétima Ganga, joueur d’« Algaïta », était l'invité de toutes les grandes cérémonies.
« Jeunes, nous venions écouter de la musique traditionnelle devant la cour du chef de canton, surtout les danses des jeunes filles et de nos mamans » se rappelle Mallah Ibrahim, un ressortissant de la région de Diffa.
Les spécificités de la musique traditionnelle au Niger
Les chansons traditionnelles du Niger servent le plus souvent à dire les louanges des hommes illustres. Elles sont embellies par des instruments anciens, qui apportent une coloration assez particulière au son.
Les instruments se classent en plusieurs catégories selon les régions, les circonstances et le public pour lequel ils sont utilisés.
Pour raconter les grandes épopées mandingues ou l’histoire de Cheick Omar Tall, Djéliba Badjé, Djado Sékou et Alou Mamane se font accompagner par le molo, un instrument monocorde connu dans l’ouest du Niger. « Il est le principal instrument à corde utilisé par les Soghoy-Zarma (population de l’Ouest du pays). Il est composé d’un bâton et d’un socle généralement en calebasse, couvert de peau de mouton ou de chèvre, et surmonté par une corde faite avec du crin de cheval. Dans la même région on trouve également le kountoudji, dont la base est le plus souvent de la taille d’une boîte de sardine, avec des crins de cheval. Il est utilisé par les amoureux dans les villages, au clair de la lune, pour des chansons d’amour » indique Boubacar Garba, responsable du musée des instruments traditionnels au Centre de Formation de Perfectionnement Musical.
Les tambours ou tam-tams sont plus présents dans le centre du pays. Ils galvanisent les lutteurs et les cultivateurs, font danser les femmes et mettent en transe les chefs traditionnels.
« Il est rare de voir un chef traditionnel ne pas trembler devant un tambourinaire, qui accompagne les chants en l'honneur de sa lignée » explique Issa Hassane, un notable.
Dans le Nord du pays, c’est le tendé qui règne en maître chez les Touaregs. Le Tendé ou musique du désert, se joue avec une calebasse renversée dans une bassine remplie d’eau, sur laquelle on tape. Cette musique a inspiré l’artiste Mamoudou Abdoul Salam.
Léthargie de la musique traditionnelle au Niger
À partir de 1975, le gouvernement du Niger a initié le Festival National de la Jeunesse. Cette rencontre annuelle des jeunes nigériens, au-delà de permettre le brassage des cultures nationales, a permis également de revivifier les pratiques musicales et culturelles du pays. Les chansons traditionnelles y sont reprises sous forme de ballets et à travers d'autres formes d’expression.
Une valorisation de la culture nigérienne, notamment la musique traditionnelle s’est ainsi développée jusqu’à la fin du régime militaire de Seini Kountché. Hélas, le festival de la jeunesse est tombé dans une léthargie totale depuis l’avènement de la démocratie. Les nouvelles autorités ont accordé moins d’importance à la culture, particulièrement à cette forme de promotion de la chanson traditionnelle. Quelques éditions organisées pour relancer l'événement n’ont pas permis de restaurer l’engouement d’antan.
La léthargie de la musique traditionnelle nigérienne s’explique également par « la rupture sociale ». En effet, dans la culture nigérienne, les musiciens traditionnels sont considérés comme des personnes issues de la basse classe, leur activité a longtemps été réservée à la caste des esclaves.
Avec le développement économique et social, le métier de musicien traditionnel est en train de disparaître. Les jeunes ne veulent ni apprendre à fabriquer ou à jouer des instruments anciens de musique, comme le faisaient leurs parents.
« Les héritiers ne veulent plus continuer l’œuvre de leurs parents puisque la musique ne nourrit plus celui qui la pratique. Autrefois, les musiciens traditionnels, les griots comme on les appelle, étaient entièrement pris en charge par les communautés. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas » explique Boubacar Garba, responsable du musée des instruments traditionnels du Centre de Formation de Perfectionnement Musical.
La « rupture sociale » a été renforcée par la religion. Dans un pays composé de plus de 98% de musulmans, la musique est mal perçue.
L’Islam interdit de jouer de la musique, surtout celle produite avec des instruments. Elle est perçue comme une œuvre de Satan. Les groupes musicaux de type traditionnel sont de plus en plus rares au Niger.
Quelques références
- Centre de formation et de promotion musicales (CFPM Taya) : C’est un centre créé pour permettre aux artistes de se former et faire leur promotion.
- Ministère nigérien de la renaissance culturelle
- Collectif des artistes JAWABI Niger : tel : 96496335 jawabi2@yahoo.fr
- Studio Kountché : studiokountche@gmail.com
- Bureau Nigérien du Droit d’Auteur (BNDA)
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Édité par Lamine BA
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