La musique traditionnelle à Madagascar
Par Maminirina Rado Andrianaivomanana
Lire et comprendre à travers ce texte la musique traditionnelle de la Grande Île, ses influences, ses racines et son impact dans la société malgache.
Présentation et état des lieux de la musique traditionnelle à Madagascar.
La musique traditionnelle de Madagascar a construit son identité à coups d’influences diverses; des peuples austronésiens d’une part et des flux migratoires africains, arabes et européens d’autre part. Des apports qui ont fait qu’il est impossible de préciser en temps et en espace une véritable origine de la musique traditionnelle de Madagascar. Ce qui est sur, c’est qu’elle a été probablement entendue pour la première fois il y a au moins un millénaire. Maintenant à l’ère d’Internet, la musique traditionnelle de Madagascar est encore vivante, avec toujours de nouveaux apports.
Comme la plupart des musiques ancestrales, celle de Madagascar comprend un côté sacré et un côté profane. Elle peut tantôt devenir l’ossature d’un rituel, autant qu’elle peut servir à animer les jeux d’adolescents du village. Cela s’est déjà fait ainsi à l’époque des royaumes, voire plus loin. A la seule différence que maintenant, les appareils modernes et la pop culture viennent remplacer les musiciens traditionnels et leurs mélodies. Ce phénomène commence à prendre les grandes villes du pays, mais largement moins dans les villages de brousse. Quand on parle de musique traditionnelle malgache, le rythme ternaire vient tout de suite à l’esprit. Si le pays parle une seule langue, celle-ci se décline par contre en variante selon les groupes humains qui composent l’ensemble de la population.
Il en est de même du rythme ternaire qui est décliné en plusieurs centaines de versions, du Nord au Sud, d’Est en Ouest et au centre de Madagascar. Bref, le ternaire, ce tempo de base est le référent commun de la richesse de la musique traditionnelle de Madagascar. Bien que les lecteurs Mp3 inondent les marchés, des villages reculés du pays arrivent tout de même à conserver une part importante de la tradition musicale avec ses artistes locaux. Dans leurs façons de jouer, le cachet rustique raisonne encore. Et l’artiste chante pour assurer son rôle de maillon incontournable de la communauté que pour un quelconque objectif de devenir une grande star. Tandis que dans les grandes villes, la culture populaire s’est appropriée à sa manière les genres traditionnels par la variété. Intercalant les rythmes, envoyant des sons électriques, … place au spectaculaire.
Les principales ethnies du pays qui pratiquent la musique traditionnelle.
Selon une simplification ethnographique héritée de la colonisation, Madagascar rassemblerait 18 ethnies. Des études récentes ont par ailleurs démontré que les vingt deux millions de malgaches ressemblent à une mosaïque plus complexe. Avec une culture et une langue commune, comprise et parlée sur tout le territoire. Dès lors, la notion d’ethnie a été délaissée pour faire place à celle de groupe humain. Toutefois, les traits de visage de la population varient entre l’asiatique, l’arabe et l’africain. La combinaison des trois parfois. Mais, l’histoire a fait que des groupes humains ont été plus reconnus que d’autres dans le parcours musical de Madagascar. Le groupe humain Sakalava a dominé l’ouest, sa musique a influencé toute cette partie de l’île. Au centre, les Merina, placés sur les régions montagneuses de Madagascar. A l’est, les Betsimisaraka ont marqué leur présence avec des variantes rythmiques encore vivaces.
La légende ne voudrait même que l’Afindrafindrao, un air musical ancestral dansé en quadrille, adopté par les rois Merina au XIXème siècle et tout le pays plus tard, soit d’origine Bestimisaraka. Au sud, les Antandroy sont surement l’un des groupes humains les plus solides dans sa tradition musicale. Pour eux, le premier instrument de musique est le corps, ils l’ont compris un peu plus que les autres. Sans doute parce qu’ils habitent dans une région hostile où l’eau est très rare et la famine une muse maudite. La musique traditionnelle qui se joue sur place, jusqu’à maintenant, possède une force authentique inégalée dans tout le pays. Les chanteurs ou les musiciens contemporains issus de ce groupe sont les plus reconnus à travers le monde. Au nord, le groupe humain Antakarana a aussi apporté une contribution particulière à la musique traditionnelle de Madagascar. Gâtée par le climat et la végétation, cette partie de Madagascar est l’une des plus festives du pays. Les autres groupes ont tout de même laissé leurs empreintes même s’ils ont été moins mis en avant musicalement que les premiers. Notamment les Bestileo, les Tanala, les Bezanozano, les Tsimihety, les Bara, les Antesaka , les Antemoro, les Sihanaka, les Vezo, les Masikoro et des dizaines d’autres encore.
Les instruments traditionnels.
La « valiha », cithare sur tuyau, et le « marovany », une cithare sur caisse, sont les rois incontestés des instruments de musique traditionnelle de Madagascar. Le premier serait le cousin du second, et ils sont tous les deux joués dans presque tout le pays en héritage à l’apport malayo-polynésien. Vient ensuite le hochet fourré de graines de riz, appelé korintsana, koritsa, kantsa, … selon les régions. A part cela, on retrouve dans la musique traditionnelle de Madagascar les quatre catégories d’instruments : à corde, à membrane, les idiophones et les aérophones. De même pour la musique, l’apport austronésien, africain, arabe et européen a formé un fond commun pour les instruments dans lequel puise les musiciens et chanteurs traditionnels de Madagascar. Plus d’une centaine d’instruments musicaux ont été depuis répertoriés comme ayant des origines séculaires. Malgré que d’autres sont plus spécifiques d’une région, tel les luths d’origine arabe nommés mandolina, adopté dans le sud et le sud-est de la Grande Île et kabôsy, convoité dans les terres du milieu avec le sodina, la flûte qui est aussi un apport arabe.
Les cérémonies pendant lesquelles cette musique est jouée.
La musique traditionnelle de Madagascar est jouée dans toutes les situations. Quand les jeunes antandroy du sud gardent le bétail à travers champ, ils font passer le temps en chantant le beko. Ceci est également chanté lors des veillées funèbres. Pour dire que la musique accompagne le quotidien des malgaches depuis des lustres. Quoique la musique traditionnelle prend une autre dimension surtout durant les cérémonies en mémoire des ancêtres, tel le Tromba, ou les rites de possession pratiqués dans tout Madagascar. Depuis des temps immémoriaux, les enterrements, les circoncisions, les mariages, le retournement des morts, les rites d’initiation, autrefois les guerres claniques, les victoires et les jouissances populaires ont accordé sans relâche une place d’honneur à la musique traditionnelle. Néanmoins pour chaque groupe humain, ces grands rassemblements populaires se spécifient par leurs appellations, leurs dates de célébration et quelques détails dans l’accomplissement de certains rituels. Par contre, ils sont tous similaires à la base.
Les artistes contemporains de musique traditionnelle.
A Madagascar, faire de la musique traditionnelle revient souvent à être un autodidacte. Ni école ni professeur de musique, tout s’apprend dans le cocon familial, à l’oral et à l’écoute. De cette manière des artistes comme D’gary, qui vient du sud de Madagascar, a révolutionné la manière de jouer de la guitare. Il a tout simplement repris le style de jeu du marovany, cithare sur caisse, d’origine Bara. Sa virtuosité l’a conduit à remplir les salles du monde entier et à jouer avec les meilleurs musiciens internationaux. Régis Gizavo, un autre musicien qui vient du sud de l’île, accordéoniste hors pair, il a déjà accompagné les grands noms de la musique française. Cet artiste s’est approprié la musique de l’ethnie appelée Antandroy en y ajoutant des instruments modernes tels que congas, batteries et basse. Toujours dans le sud, Fanovona Jean Gabin décédé en 2010, restera à jamais la référence malgache de la musique traditionnelle des Antandroy. Il a été le chantre du beko et a voyagé sur les cinq continents pour être l’ambassadeur de ce genre. Basé à Fianarantsoa, la ‘capitale’ de l’ethnie Betsileo, Raprôsy, le joueur de lokanga ou violon traditionnel, continue de faire vivre la musique ancestrale de cette région, le horija.
Ce musicien aux allures de fermier est une véritable institution à Madagascar. Tout comme le virtuose des virtuoses Rakoto Frah, décédé en 2001, dont le visage a été gravé sur la monnaie nationale qui est est un joueur de sodina hors pair. Il vient de la partie centrale de Madagascar, partie ou vit le peuple Merina. Sans oublier Mama Sana (1900-1997), elle a excellé en tant que chanteuse et joueuse de marovany, une cithare sur caisse.
Elle aurait fait de la musicothérapie sans le savoir, tant son génie lui faisait chanter des textes éclairés et jouer des mélodies inimaginables. Actuellement, des artistes et groupes de la nouvelle génération comme Baba de Madagascar, Mika et Davis, Zandry Gasy, Oladad, Teta, … tentent de donner un nouvel élan à la musique traditionnelle de Madagascar.
Lectures complémentaires :
- « Mythes, rites et transes à Madagascar » - Robert Jaovelo-Dzao, aux éditions Karthala, 1996.
- « Tantaran’ny Andriana » - François Callet, Tome .2, 1883.
- « Les danses Malgaches » - Gustave Mondain, Bulletin de l’Académie Malagasy, Vol VII 1909
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